Je viens de m’en sou­venir et aus­sitôt cela fait mal : la façon dont l’aiguille du tourne-disque se posait sur le vinyl, s’y prom­e­nait longtemps puis geignait une fois arrivée à son extrémité. Ce pavil­lon n’est plus que pous­sière depuis des lus­tres, il n’en reste pas une brique, mais la façon dont grinçait la porte, dont la cham­bre était des jours entiers imprégnée de son par­fum et dont la musique telle un ray­on de soleil tombait sur notre res­pi­ra­tion, je ne puis l’oublier ni ne le voudrais, jamais ! où se trou­vait la table, com­ment le rideau frémis­sait, com­ment sa paume s’inscrivait dans mon épaule et com­bi­en le réveil était trau­ma­tique. Car le rêve était notre patrie. Cela est encore en vie, cela encore existe : les murs blancs, décrépis, les cig­a­rettes tombées sur le sol et la blouse rouge sur le tas de livres, et puis son cri, son rire con­tagieux au son duquel éclataient les miroirs. Cette aigu­ille qui jusqu’à la folie nav­igue sur le disque et ces fenêtres depuis longtemps bran­lantes, brisées, tout cela m’assaille, après tant d’années. Com­ment oubli­er ses doigts qui épi­ent et m’invitent sous la cou­ette. C’était il y a longtemps et cela dure encore. Dans mon souvenir.

 

Traduit du serbe par Boris Lazić

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