Ils ne dansent pas tout de suite
D’abord le béton gris, touché de lumière

Ils marchent le long des murs
Et peu à peu, vers l’intérieur

Marcher l’un  vers l’autre en voulant faire
Comme le matin

Un des garçons souffle
Dans le pre­mier instru­ment qu’il trouve
L’autre tire le rideau
Pour empêch­er le miroir d’être là

Séparée d’eux elle s’agenouille
Tombe en avant s’accoude
Si lourde que le sol ren­con­tré la plie
Puis elle-même par le cou
Se redresse,  s’interroge
Sur le corps qui lui arrive

Un danseur n’a jamais fini de connaître
Un autre corps même si c’est le sien

Danseuse con­tin­ue à se déplier,
Longtemps elle frotte ses vêtements
Con­tre personne,
Elle est par terre et tranquille

Il la regarde en tant que pre­mière fois

Il la regarde pour s’approcher d’elle,
Epaules soulevées avec au bout
Des mains qui sont nues ne font rien

D’elle un os craque, pas voulu
Un os a craqué, l’espace a répondu

Le musi­cien s’approche à son tour,
Véri­fie com­ment elle
Bouge elle aus­si con­tre lui, pèse
A ses jambes, à son pied
Puis il repart à sa place,
Déchaussé

*

Se taire, ça leur va

*

Met­tre ses mains dans les poches
Dans la pen­sée d’aller vers l’océan
— Oh ça grat­te !  — Les mains sortent
Ebou­rif­f­ent les cheveux coupés court,
Du sable il en tombe
La danse c’est tout de suite

Le nez
Devant le nez
Ça vient,
Les visages

Les fleurs aus­si il faut les faire, se les tendre,
Tout !

Même le bord de la mer quand on se fait aus­si fort qu’un roc
Pour soutenir
Celle dont la peau est la seule réal­ité en fait,
Même le bord de la mer est là au bout de quelques minutes
De gestes

Il ramasse son sweet, le tend
Le lui tend

Ain­si danse-t-il une minute en plus

*

Tous les trois assis, maintenant
Tâtent leurs articulations
Celles qui sont en eux

Bien au chaud dans la peau
Des prochains gestes

Cha­cun tourne sa main
La regarde se libérer

Prof­i­tant du silence

Devant leurs yeux ouverts

Il n’y a que de l’air
Et de sculp­teur pas du tout

*

Ils tombent aussi
Volon­tiers, très volontiers

S’allongent et s’agitent, il n’y a pas que les os,
Bougeant dans les vêtements

Les reins dénudés, le musi­cien bâille et grogne
Puis soupire doucement

 

 

Ari­ane Drey­fus, inédit
extrait de Le dernier livre des enfants
 

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