Les inno­cents ont les mains vides
Et propres
Les inno­cents je ne sais pas
Pourquoi personne
Ne les secoue
J’aimerais t’y voir
Pren­dre l’habit
Qu’ils portent
Il n’y a rien de pire
Rien de plus douloureux
Que de ne rien sentir
Savoir fer­mer les yeux

Les inno­cents ont les mains douces
Et lisses
Tous les matins ils déboutonnent
Leurs man­teaux de plumes de canards
Où tous les mal­heurs glissent
Si je pou­vais leur bat­tre les reins
Décap­suler tym­pa­ns et paupières
Les inno­cents ne savent pas
Ce que ça signifient
Les beaux lendemains
Eux qui n’ont pas connu
Hier
Et aujourd’hui

Et aujourd’hui quelqu’un
Avec des mains plus sales que les tiennes
Avec des oreilles qui ont entendu
Des choses dont les innocents
Jamais ne se souviennent
Aujourd’hui des petites paluches
Qui se fichent bien de connaître
Le début de l’histoire
Le héros le hap­py end
Des ongles noirs de garagiste
Le majeur qui se lève
Et ses copains qui s’épuisent
Pour qu’enfin tu les tiennes

Les inno­cents
Je m’en lave les moufles
Ces gens là ne savent pas
Ils n’imaginent pas
Ce que c’est que d’avoir de la peine
De la grande peine, de l’immense chagrin
Plus épais que ton squelette, plus large que tes pantoufles
Les inno­cents sont des gens
Qui ne vien­nent jamais à ta rescousse
Et pourtant,
Ce n’est pas du béton
Ce n’est pas un mau­vais sang
Qui t’écrit des poèmes
C’est des mains qui sont là
Pour réchauf­fer les tiennes
Pour ral­lumer le feu
Approche toi, serre toi
Oublie un peu

Les inno­cents ce sont des imbéciles
Qui ne se brû­lent pas.

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