extraits de Entre la nuit et le jour, poèmes avec dessins.

 

 

Esprit de la grande Boucle

Je n’y con­nais rien aux nœuds, aux ficelles
ni à la chaîne, qui cer­tains matins, l’été,
refusent la traduction,

quand la coc­cinelle de l’alpe volette
et ressasse en danseuse les peines de chacun,
à coups de hanch­es et de klaxon.

Dans sa sagesse, le peu­ple s’approvisionne
dans les super­marchés poé­tiques et sérieux,
chaleureux, glacés, au sol car­relé crème,

avec pour dis­traire des éclats,
dans l’axe de la caisse,
d’une bouteille d’huile,

un paquet éven­tré,  du riz, des pâtes
pour l’assaut des Pyrénées,
et la soupe à l’insu de ton plein gré,

ami lin­guiste des lacets.

 

***

 

La parole

Michel Vau­jour et Foucault
par­lent de se débar­rass­er de la pensée
je les crois bien volontiers
et déjà c’est merveille
que par­ler ait parole pour nom

le mal­heur est que celle-ci replonge
bien­tôt dans le noir du cerveau
tout piqueté de vaisseaux
d’un sang qui ne vit pour soi

et voyez comme s’éloigne
la possibilité
de con­naître l’adresse d’une pau­vre parole

à trop croire on fab­rique des textes
pleins d’un plaisir

inutile au bonheur.
 

 

 

Reflets dans une mure

Mûrie sous mon soleil de nuit, la bouche
qu’une folle âme d’épée le jour lime
écrase et mouil­la d’abord d’une rime
venue de l’ombre à grand bruit, une mouche.

Au pénien pré­texte, violine
découpé dans l’eau noire, Râ s’abouche
à la phrase ex-rompue, dessous la couche
her­bue où la lou­ve nue paît, câline,

la baie ver­meille sur l’accueil du corps,
les yeux de bête et l’écran feuil­lé d’or
orches­trant en son cri, glas diapason,

la haridelle au pas des petits morts
défaits. Oh, monde que ronce et saisons
besog­nent, en l’agence des maisons !

 


 

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