extraits

 

 

FROM  A  RAILWAY CARRIAGE

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                           à  J. C.

 

Par la vit­re entrou­verte aux fastes de l’été,
La nature, aux regards, offre sa splen­deur vive
Et verse au cœur de l’homme une intense clarté:
Trou­peaux éparpil­lés broutant l’herbe des rives,
Frondaisons reflétées par le miroir des eaux,
Hum­bles champs de repos avec leurs croix de pierre,
D’où monte comme un vol, au-dessus des tombeaux,
La sup­pli­ca­tion des arbres de la terre…
Et toi, plus pré­cieux d’être tout bas nommé,
Grand amour qui nous comble, ô flamme inextinguible!
Porte au Dieu sou­verain, pour la grâce d’aimer,
De tous les dons reçus l’of­frande incorruptible!

                                                         (été 1968)

 

***

 

LIEBESTRAUM

 

J’avais cru renon­cer pour tou­jours à la femme
En faisant taire en moi les appels du désir,
Mais le soleil du rêve a ravivé la flamme
Où s’embrasent deux corps au comble du plaisir.

De ton sexe à tes seins, tu n’é­tais que licence,
Chair sans défaut qui flam­boy­ait de tous ses feux,
Et moi, je me fondais dans cette incandescence
Dont me pour­suit le sou­venir délicieux.

Hélas, rien n’est resté d’une telle splendeur,
Offrande et don baignés de grâce souveraine
Qu’u­nis­saient à la fois la ten­dresse et l’ardeur.

L’au­rore m’a ren­du à la rive ancienne
Où tout est morne et gris, fade, décoloré.
Ah, revivrai-je un jour le songe qui dit vrai ?

 

***

 

O TOI QUI LE SAVAIS…

 

Jeune femme entre­vue pour de trop courts instants
dans un banal auto­bus de banlieue,
pourquoi n’ai-je pu détourn­er tout ce temps
les yeux de ton visage?
Plus que ta bouche sensuelle,
m’at­ti­rait ton regard, perdu
dans un sou­venir indicible.
Et quand tu te fus éloignée dans la foule
– vers quelle des­ti­na­tion inconnue? –
Je ne ces­sais de te revoir
avec ton fin cor­sage rose dénudant tes épaules,
la grâce de ta sil­hou­ette encore juvénile,
le fasci­nant mys­tère de ton être
à jamais intouchable.

 

***

 

APRES AUSCHWITZ

                                             
                                      A  Claude-Hen­ry du Bord

Ain­si, on ne saurait plus rien écrire qui ne soit dérisoire
après Auschwitz, Medi­anek, Treblinka!
Plus de poèmes pour chanter l’amour,
pour célébr­er nos frères disparus
dans l’enfer glacé du Goulag,
partager la douleur des hommes
jetés comme viande putride
dans les poubelles de l’Histoire?
Mais les plus beaux chants sont nés au cœur même
de l’horreur et de la barbarie!
Les iambes vengeurs de Chénier
atten­dant son arrêt dans la promis­cuité de Saint-Lazare;
le vers incan­des­cent de l’archange Baczynski
offrant, avec sa ten­dre épouse enceinte,
sa jeunesse dés­espérée dans le ghet­to en flammes;
Le verbe indompt­able de Mandelstam
résis­tant jusqu’au bout dans l’exil et l’errance
au mon­tag­nard sans âme du Kremlin…
Et com­bi­en d’autres,
célèbres ou anonymes,
pour qui l’action était la sœur du rêve !

 

***

 

 

 

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