Par où les mots arrivent-ils
d’où sortent-ils
où vont-ils
ils s’écoulent des yeux
ren­trent par la bouche
t’étouffent
te bouchent
les oreilles
se glis­sent dans le sang
versé
retenu
retourné
s’infiltrent sous les ongles
poussent des racines
de tes cheveux
s’immiscent sous ta peau
te vien­nent de l’oubli
d’un pays
jamais vu
t’emportent
te déposent
sur un rivage inconnu
vont de toi à elle
d’elle à lui à moi à vous
nous confondent
nous soulèvent
tel un orage les feuilles mortes
nous ren­versent comme les vagues
d’une marée montante
nous recouvrent
de leur écume salée
nous lais­sant gisant sur la plage
tels des pois­sons morts
enlacés d’algues puissantes
ren­trées dans nos bouches
comme si elles con­tin­u­aient de pousser
à tra­vers nos entrailles
notre chair poreuse laisse maintenant
cir­culer les mots librement
telle une respiration
à tra­vers le linceul spongieux
d’une chan­vre marine
ensevelissement
pour une prochaine résurrection
éventuelle

 

 

extrait du recueil inédit Sur la pointe d’une dent de lait  – 2012
 

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