I fell
I tripped over the horse corpse and its dead bones cracked
I was stuck between the horse legs and they came with a cleaver
Chop off the legs, they demanded
I chopped off the horse legs and the ver­min that sucked on the dead beast scram­bled across the
  floorboards
I chopped the horse legs into thou­sands of pieces and they said what do you see
I said I see thou­sands of bone shards and blood and bits of hair and in each frag­ment there are villages,
  towns, ham­lets, inlets, streets, sub­urbs, cities, states, and countries
Nations or coun­tries? They asked
Countries
They took the cleaver and sat me on the splat­tered horse legs and my body was cov­ered in blood
They brought me stale bread and as I ate they said make some­thing for us, a work of art, with the horse
  legs
Hun­dreds and thou­sands of leg bits and in each one a city a state a coun­try and I made the biggest    tow­er they had ever seen and when it was com­plete they said: destroy it
I ran into the tow­er and horse bones flew everywhere
They fired thou­sands of bul­lets into the horse legs
They struck a match and asked me if I want­ed to burn with the horse legs
I said yes I would like to burn with the horse legs but they said tough shit and pulled me into the field
  by my hair
They ripped off my shirt and threw it into the flames
Find your­self anoth­er shirt, they said
Steal anoth­er shirt from one of the boys and don’t let them say you can’t have it
They fired a bul­let near my feet and I ran towards the dormitories
The boys were sleeping
I found my friend on one of the bunks and asked him for his shirt
He gave me his shirt and wrapped him­self in a moth-eat­en blan­ket and I want­ed to crawl in his bed to
  keep him warm 
He gave me his shirt and we both knew he would freeze and when I went out­side they said you shit
  how dare you take the shirt from a dying boy and they beat me and called me a heartless
  coward
They ripped the shirt off my back and they said steal your­self anoth­er shirt
The sun on the snow and shad­ows merged into doors and rooms
Crawl inside the doors and rooms, they said
I crawled into the snow and stayed there until they grew bored of watch­ing me freeze

 

I

Je suis tombé.
J’ai trébuché sur le cadavre de cheval et ses os morts ont fissuré
Coupe les jambes, ils ont commandé
J’ai coupé les jambes de cheval et la ver­mine qui suçait la bête morte s’est dis­per­sée sur les planches
J’ai coupé les jambes de cheval en mille morceaux et ils ont dit qu’est-ce que tu vois
J’ai dit je vois des mil­liers d’esquilles et du sang et des bouts de cheveux et dans chaque frag­ment il y a des vil­lages, des petites villes, des hameaux, des rues, des ban­lieues, des villes, des états et des pays
Nations ou pays ? Ils ont demandé
Pays
Ils ont pris le couperet et m’ont assis sur les jambes éclaboussées de cheval et mon corps était recou­vert de sang
Ils m’ont apporté du pain ras­sis et pen­dant que je mangeais ils ont dit fais-nous quelque chose, une œuvre d’art, avec les jambes de cheval
Des cen­taines et des mil­liers de bouts de jambes et dans cha­cun d’eux une ville un état un pays et j’ai fait la plus grande tour qu’ils n’aient jamais vu et lorsque le tra­vail était achevé ils ont dit : détruis
Je suis ren­tré dans la tour et des os de chevaux se sont envolés partout
Ils ont tiré des mil­liers de balles dans les jambes de cheval
Ils ont allumé une allumette et m’ont demandé si je voulais brûler avec les jambes de cheval
J’ai dit oui je voudrais brûler avec les jambes de cheval mais ils ont dit tant pis sale gueule et m’ont traîné dans le champs par les cheveux
Ils m’ont arraché la chemise et l’ont jetée au feu
Trou­ve-toi une autre chemise, ils ont dit
Vole une chemise d’un des garçons et inter­dis-leur de te dire que tu ne peux pas l’avoir
Ils ont tiré une balle à mes pieds et j’ai cou­ru vers les dortoirs
Les garçons dormaient
J’ai retrou­vé mon ami sur une des couchettes et lui ai demandé sa chemise
Il m’a don­né sa chemise et s’est envelop­pé d’une cou­ver­ture mitée et je voulais grimper dans son lit le tenir au chaud
Il m’a don­né sa chemise et nous savions tous les deux qu’il allait gel­er et lorsque je suis sor­ti ils ont dit espèce de merde com­ment tu oses pren­dre la chemise d’un garçon mourant et ils m’ont bat­tu et m’ont traité de poltron sans cœur
Ils m’ont arraché la chemise que j’avais sur le dos et ils ont dit vole-toi une autre chemise
Le soleil sur la neige et les ombres se con­fondaient en portes et en chambres
Rampe dans les portes et les cham­bres, ils ont dit
J’ai ram­pé dans la neige et suis resté là jusqu’à ce qu’ils s’ennuient à me regarder en train de geler

 

Le livre des corps impor­tuns (extrait)
tra­duc­tion : Nathanaël

 

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