I

Vieilles cap­i­tales de la douleur je me sou­viens de vous
dans la bouche écumante des chevaux ; dans les vains meurtres de la ran­cune d’en­fance — à présent
mes prières sont mangées par une nuit épaisse. Et je n’ai
ni chan­delle de ma mère, ni clef jetée dans le puits, ni chien
pour m’at­ten­dre. La mai­son refuge de fan­tômes. Terrée
dans son silence et le sable. Et n’ex­is­tent même plus
les arbres aux larges feuilles ombreuses d’autrefois

pour cou­vrir ta nudité.

 

 

II

La mai­son, un mau­solée. Des pré­ten­dants l’oc­cu­pent, au cœur dur. Ils invo­quent des bûch­ers funéraires, des meurtres d’enfants
et les cap­i­tales de la douleur qu’ils ont bâties.
Les gens ter­ri­fiés attendent
déc­la­ra­tions et nou­velles ; les autres bombes que tu laisseras
tel un insecte noir ses œufs sur leur corps. Entre-temps,
les femmes se déchirent les joues, pleurent près des fleuves leurs enfants
défont les étoffes du des­tin qui leur offrent
un peu de temps dans le cha­grin. Le soir
les mères épuisées s’af­fa­lent dans les fauteuils
et aus­sitôt s’en­dor­ment. Leur fait signe d’en haut
une lune ensanglan­tée. Mais pour celles qui vivent par terre
elle paraît étrangère.

 

 

III

Pour­tant, vieilles cap­i­tales de la douleur je me sou­viens de vous
tan­dis que vous som­brez inhab­itées dans l’ou­bli. Une clameur éveille
l’aspic sor­tant des fondations
qui prophé­tise une gloire nou­velle aux pré­ten­dants : ils revien­dront por­tant des masques de terreur,
tou­jours mem­bres de la même bande.
Ain­si l’or­donne le som­bre monar­que de Perse
appor­tant d’un signe la panique à notre mis­érable vie.

Et fumeront sans fin les champs de ruines.
Et s’af­faleront les mères som­bres, pour mourir.

 

 

Tra­duc­tion de Michel Volkovitch

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