Je suis dev­enue un oiseau de nuit. Mon rap­port au monde exclut les zones aveuglées de lumière. Débu­tant avec le couch­er de soleil, ma pen­sée cherche dans les ombres des êtres que j’ai aimés tout aus­si bien que les crayons, gommes et ardois­es de mon enfance ; tous désor­mais four­rés dans un invis­i­ble amer.

Les ombres, cepen­dant, ont des éclairages qui leur sont pro­pres, par­ti­c­ulière­ment lumineux pour les yeux que nous avons perdus.

Je con­tin­ue de frôler des murs qui tombent à pic. Mes ailes se mouil­lent au con­tact de ruis­selle­ments d’eau. Mes con­nais­sances se sont estom­pées au cours des saisons, et le soleil de tout à l’heure s’est couché.

 

Je vais pour­suiv­re mon vol noc­turne — il n’au­ra rien à voir avec les grandes migra­tions des anciens grands poètes.

Aujour­d’hui tout est soli­taire. La mon­tagne que voici a atten­du patiem­ment l’ap­pari­tion des étoiles et voici que l’or­age obscurcit le ciel. On peut pour­suiv­re un voy­age dans un isole­ment définitif.

 

 

Il ne s’ag­it pas d’en­cre, non. Le lac aperçu par l’imag­i­na­tion a gardé des lueurs sur son vis­age béni. Les fleuves vont couler aus­si longtemps qu’ils l’ont déjà fait. C’est erreur de croire qu’ils nous aiment.

Dans cette absence de lumière il y a une douceur qui ne peut qu’ac­célér­er la marche de la mort. J’es­saye de nier la présence de cette dernière car les oiseaux, mes frères, me l’ont demandé.

C’est que la vie, elle aus­si, de nos jours, se met à par­ler. On se retrou­ve, alors, entre deux épou­vantes. J’ai donc décidé de croire que la nuit est une divinité faite de toutes les autres, et de dire que dans son coeur il y a des arbres dont la nature est juste­ment une nou­velle vérité. La nuit est inon­da­tion d’Etre.

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