A Jean-Luc Max­ence, fraternellement

 

Mon Dieu mon Dieu
Je viens à toi
Le pied enflé de terre le pied terre déjà
Moi qui ne t’ai jamais su
Moi qui n’ai jusqu’alors jamais su me faire à l’idée de toi
Je viens ce soir vers ton silence

Je ne suis que le peu et je suis si seul
Je t’ai nom­mé je t’ai créé à mon image
Je viens à toi démuni
Les mains vides et le cœur fatigué

Toute ma vie mon Dieu
J’ai lâché l’ombre pour la proie
Toute ma vie j’ai cou­ru comme un fou au lointain
Vers ce rêve qui était à ma porte

Trop longtemps aus­si j’ai attendu
Je ne pri­ais pas mais j’étais à genoux
Au plus loin de moi-même anéan­ti sous le joug
Trop longtemps j’avoue que je n’ai pas vécu

Oui toute ma vie j’ai gâché ta vie
Même si je me suis bat­tu par­fois comme un beau dia­ble mon Dieu
Pour accroître le temps encore et mal­gré tout

Et toute ma vie j’ose le dire
J’ai été un homme sans Dieu
Sans cette orgueilleuse cer­ti­tude de ton nom sur l’existence

Mais j’avoue aus­si que j’ai aimé tes pau­vres créatures
Comme un fou comme un homme comme un dieu même mon Dieu
Même si cela ne me fut pas tou­jours ren­du loin s’en faut
J’ai aimé jusqu’à per­dre haleine jusqu’à per­dre vie

J’ai aimé hum­ble­ment par­fois jusqu’à l’orgueil d’écrire

Oui je t’assure que j’ai pu brûler aus­si et cela me suffit
Et me donne encore ce courage de marcher vers toi aujourd’hui
A l’heure où je n’ai plus trop de jour plus trop de voix
Où j’ai besoin de ton nom comme d’un rêve ultime

Je ne te don­nerai presque rien
Un sim­ple cail­lou dans la paume d’un enfant
Quelques mots un poème cette prière
Comme un dernier souf­fle jeté sur ma cendre
Mais je ne te demande pas la lune non plus
Et tu ne le sais que trop l’éternité serait un fardeau bien lourd
Pour mes pau­vres épaules d’éternel pécheur

Non mon Dieu
Donne-moi juste encore un peu de temps pour survivre
Un peu de temps pour aimer
Un peu de temps pour la révolte

Donne-moi juste encore mon Dieu
Un peu de temps pour mourir

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