Le dernier verre, celui que l’on pro­pose du bout des lèvres, du coin des yeux. Le tout dernier après de nom­breux autres, quand on n’a plus d’autre soif à étanch­er que celle de l’autre et de son corps encore étanche à notre désir pour lui. L’autre si proche et si lointain(e), trop vêtu(e) ou trop dévêtu(e), au grain de peau encore incon­nu à nos doigts, aux courbes  — vivants appels à nos caress­es – qui nous sem­blèrent longtemps inac­ces­si­bles. Le dernier verre n’est même pas un sub­terfuge, un sor­tilège des­tiné à endormir la vig­i­lance des gar­di­ens devant et der­rière ses dou­ves. Ce n’est ni plus ni moins qu’un lieu com­mun et celle qui l’accepte  sait par­faite­ment à quels ten­dres assauts elle s’expose. Le dernier verre n’est jamais celui de l’eau minérale. Il n’est pas, non plus, rem­pli à ras-bord car on ne boit jamais jusqu’au bout l’alcool fruité ou brûlant qu’il recueille. Le dernier verre sera cer­taine­ment le dernier à train­er sur la table basse du salon. Et le pre­mier, aus­si, que l’on apercevra le lende­main matin, au sor­tir d’une nuit brève, sinon blanche. Cils qui col­lent aux paupières, tête lour­des et mem­bres harassés par le frot­te­ment répété, exces­sif, avec les mem­bres et la tête de l’autre. Le dernier verre est le sésame de la pre­mière nuit.

 

 

 

 

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