I

 

Il dormait
là si près si seul
moi dressée tendue
un arc. C’est la
fourche on ne sait
pas dans ces moments
un bloc voilà
ça vous traverse.
La vieille folle remet
ça Maman Maman
qua­tre-vingts ans et
plus malheureux.
On sent bien quand
même. Pas un bruit
à peine un sifflement
dû respir­er plus
vite brusquement
les poumons
molle résis­tance corps
per­cé rien geste
ralen­ti jusqu’à la
terre la fourche
comme dans
l’eau.

 

 

II

 

À la riv­ière on se
baig­nait coude profond
les pois­sons se cachent.
L’herbe sèche piquait
les orteils gigotaient
cour­til­ières affolées
sur une pat­te des
oiseaux tir­er jupe
et culotte à l’abri
des saules vêtements
étalés chu­chot­er des
secrets. Grim­pés sur
le rocher des pêcheurs
san­dres et goujons
restes d’as­ti­cots secs
col­lés. Les mouches
agaçaient on se donnait
des claques revenaient
reve­naient. La peau goût
de foin chaud à
cra­quer. On se jetait
en cri­ant moins froid
nez pincé les yeux
la bouche fermés
escar­gots enfouis
dans le noir
la fraîcheur.

 

 

V

 

On ressor­tait de
l’eau lèvres bleues
vio­lettes le bout des
doigts plis­sé pâle
petits morceaux de
feuilles brins de paille
col­lés sur le dos les
fess­es les cuiss­es la
peau bril­lait séchait
gouttes des cheveux
roulaient en sillons
tor­dus les yeux
rouges. On se secouait
comme les chiens. Jésus
du petit Paul une
olive il tirait dessus
allez sors la noisette
sors la noisette on
riait il pleurait
je n’aime pas les
enfants qui pleurent
jamais eu jamais
voulu tout mais
pas ça.

 

 

XVI

 

Fer mouil­lé ça sent mais
j’ai moins mal pas grave.
Par­fois la riv­ière si froide
en mai plus de peau glacé
à l’os puis rien sur le bord
des épaules aux genoux
trem­bler lèvres violettes
pâles tétons per­les bras
de poulet sur la carcasse
cheveux pointus.
Douce­ment mer­ci en me
séchant dures les serviettes
oui me lever au fau­teuil la
rayée bleue et le tri­cot noir
le doc­teur ? pas avant ?
le monde s’en fiche bien
crev­er les cachets ? ni folle
ni menteuse et l’autre les a
eus deman­dez-lui l’armoire
quelle armoire ? Arrêtez de
pren­dre des airs de dessous.

 

 

XVII

 

J’aime le fau­teuil ciel
nuages oiseaux voilà
un oiseau sac de paille
son nid m’a regardée
la fourche retirée
petits sauts queue
de lézard tor­du muet cris
bizarres les piques noires
col­laient aux doigts plantée
dans le foin l’ai pris par
les épaules sec­oué le
cail­lou tombé de la
bouche le sol vibrait tout
plus petit plus jaune l’ai
lâché. Jean fer­mait la
porte m’a cher­chée des
yeux vis­age brûlé par
l’en­fer s’est approché
cha­peau en main regard
ter­ri­ble. Après chaleur
mau­vais jour pas d’air
rien pous­sière de blé.

 

Poèmes extraits de Des­tin d’un ange suivi de La fourche, édi­tions du Cygne, 2012.
http://www.editionsducygne.com/editions-du-cygne-catalogue-litterature.html

 

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