Ils dansent autour de la fille
hei-yo, hei-yo !
dehors quelqu’un prend une lampe et leur par­le avec un haut-parleur
l’un de la main gauche l’autre de la main droite
se parta­gent les seins de la fille comme s’ils ouvraient un coquillage
ils se rap­pel­lent que dans tout le désert les roseaux ont blanchi
que dans l’étang des mil­liers de grenouilles ont enflé enflé
puis ont explosé comme des fruits et l’étang s’est cou­vert de leurs tripes
ils ont cru voir un extrater­restre coif­fé d’un casque à tête de poisson
qui un soir a garé son char­i­ot élé­va­teur sur l’emplacement d’un directeur d’école et leur a dit
« donc les étalons on les achète au marché de l’est, les sell­es au marché de l’ouest,
les rênes au marché du sud et les cravach­es au marché du nord… »
Après quoi, ils sont allés loin très loin
ce soir ils ont éven­tré la fille, lui ont pris
son pan­créas comme un corail doré à la lueur des fonds marins
sa vésicule comme une émeraude
ses cal­culs rénaux comme des jades blancs pour bagues d’archers
son estom­ac comme une out­re en peau de chameau
ses intestins par mil­liers comme les cheveux démo­ni­aques de Méduse
ils sont élé­gants   ont le vis­age fatigué baisent
les pétales de rose fine­ment ridées de la fille ouverte et nue
à tour de rôle ils la baisent
lui ouvrent la gorge sèche comme de la colle à un moment elle chante
pousse vers le ciel une note aiguë comme si elle était sur la pointe des pieds
ils lui man­gent la paume des mains imaginent
qu’elle est un pois­son flu­o­res­cent au corps translucide
qui n’a que les os et nage dans l’océan ténébreux
ils lui enlèvent ses glan­des lacrymales
désor­mais la fille ne sait plus pleur­er de tristesse
ils écartè­lent ses lèvres blanch­es juteuses comme s’ils mangeaient une orange
ses poumons comme deux rideaux de den­telle qu’on a oublié de fermer
son oreille comme l’anse d’une théière de céramique brisée par mégarde
ses pupilles comme les leurs
humides et curieuses et qui regar­dent le monde
à un angle de 360 degrés
sa peau blanche comme une robe de mariée
qu’elle porte timide et en désordre
ils disent
hei-yo, hei-yo !
elle ne répond pas
son cœur tressaute
comme une boîte à musique dont le son envahit la chambre
et les console

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