(…)

L’averse ces­sa. Par­mi les débris de l’automne, titubant au bord de l’hiver, je lev­ai les yeux : recou­vert de suie, le tilleul célébra l’immolation de l’été dernier ; mille per­les liq­uides déposées sous chaque branche le couron­nèrent d’un diadème de cristal, éle­vant la mort elle-même, dans une per­fec­tion éphémère, au rang de mir­a­cle. Une racine encore dans la tombe, le print­emps déje­u­na à ses noces des reliefs du ban­quet funéraire.

 

Enfin tous les êtres dés­espérèrent du jour et offrirent leurs dépouilles inertes au poignard de sable du som­meil. La paix recou­vrit fos­s­es et nids, alvéoles et lits. Sous forme de songes, dis­crète­ment l’espoir s’évada de la coulisse céleste, là où chaque nuit la fronde solaire promet pour l’aube l’or des nuées.

 

Les chou­cas s’agitèrent dans les frondaisons, fomen­tant une ombre plus grande que l’arbre au-dessus du puits, que la lune au-dessus de la nuit. Bat­tant des ailes, ils s’encouragèrent mutuelle­ment de leur arro­gance, igno­rant que dans la cham­bre en bois roulaient dans ta chevelure de plus pro­fondes ténèbres.

 

L’aurore abolie gaspilla ses dernières mèch­es sul­fureuses au con­tact des torch­es de givre de la forêt. La ren­con­tre du chaud et du froid, du rose et du gris, sus­ci­ta l’esprit de ran­cune en l’oiseau, privé de la grâce du touch­er, ingrat de celle de la volée. De dépit, vers les coteaux fulig­ineux ils s’éloignèrent.

 

À peine si, à la fenêtre, penché sur l’aube je sen­tis la terre humide. Le jour s’arracha aux brumes, se dépar­tit lente­ment de la pesan­teur qui le lestait, et rejoignit avec son disque orange la région de Jupiter.

 

 

 

(extrait de De jour comme de nuit, avec Pierre Dhain­aut, Le Bateau Fan­tôme, décem­bre 2013)

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