1

 

 

 

Tu as tant attendu
un geste dans tes cheveux
qui ne serait pas celui du vent
qu’à présent
blanchis
tu les sens s’agiter
branch­es dans l’air
brindilles même
clairsemés
fins et fragiles
cas­sants comme du bois sec
au feu que fut ta vie
vieil enfant parcouru
de tous les temps en toi
de tous les temps du monde
en réso­nance en toi
tu te laiss­es pren­dre à présent
par la caresse de la lumière
jouant alors sa par­ti­tion d’éclats
et d’om­bres sur ta peau
tu t’a­ban­donnes à elle
à ses dessins d’auréoles
qui font comme des rosaces
sur ton front clair.

 

 

 

***

 

 

 

2

 

 

 

Il ne vien­dra plus désormais
— tu l’as sans doute trop figé dans l’attente -
ce geste de vent
et de passage
cet éphémère écho d’avant
et ce serait un autre
que tu ne saisir­ais pas tout de suite
il t’en aura fal­lu du temps
pour l’ac­cueil­lir en toi
ce geste que nulle couche en toi n’at­tend plus
presque nul à force d’être
inaperçu
ce geste de peu ou de rien
don­nant vie aux ombres en toi
dans le jardin où tu march­es à pas lents désormais
il t’en aura fal­lu du temps
pour y venir

au bout de la route
où l’on n’at­tend que toi.

 

 

 

***

 

 

 

3

 

 

 

Et tu prendrais ce geste
comme une trace en toi
der­rière les ronces de ta mémoire
des sou­venirs entassés là
en fouil­lis de peaux et de voix
au fond du puits noir que tu creuses
depuis ces temps de nuit en toi
tu le prendrais
comme on creuse
ce qui sépare et qui relie
route bor­dée de tes mains au ravin
comme on tisse
d’un fil la toile du monde en soi
au pas­sage des fils de trame
la toile de tes sou­venirs recousus
— à présent
tu prends et tu reprends
en un geste
la trans­parence de l’air
et les motifs du soir.

 

 

 

***

 

 

 

4

 

 

 

C’est à toi de don­ner à présent
au vent de ce qui fut
son geste dans tes cheveux
à la lumière de ce qui demeure
ses dessins sur ta peau
de redonner à la terre
tes tré­sors d’enfant
tes pier­res et tes noix et les os de ta main
qui a tant saisi ça et là
en monticules
devant l’hori­zon froid
que tu attendais vert
et pourtant
c’est à toi que revient le partage
ce que tu laiss­es aux autres
tes bouts de verre bleutés
petits émaux cassés de ta vie
éparpil­lés et tra­ver­sés de brillance
ce qu’il reste de toi aux autres
tes mer­veilles déterrées
ta boue et tes brindilles
remuées par le vent
et le brin d’herbe tremblée
qui chante encore ta voix.

 

 

 

***

 

 

 

5

 

 

 

Et tu pass­es et tu repasses
le fil trans­par­ent de la trame
à travers
les couleurs presque effacées
des fils de chaîne sur le bois
qui forme comme une ramure
le soir
aux ombres portées de ta main
fine et pâle qui n’en finit pas de tisser
entre les branch­es et les mèches
ce qui te relie au monde
tes cheveux aux arbres qu’ils nouent
clairsemés dans le vent
et cela bouge lentement
au gré des mou­vances de la lumière
tes pieds aux racines qu’ils enserrent
dans la terre et la peau rugueuse
qui les unit
et cela prend patiemment
il t’en aura fal­lu du temps
pour percevoir les fils
de tout ce qui te lie au monde
et com­pren­dre le geste à faire
et à refaire
ici et là
de la bon­té sans faille
de ta main.

 

 

 

 

 

avril 2016

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