Je n’achète pas sou­vent de chaus­sures et quand j’en achète, mon achat est long et pré­cau­tion­neux, je songe à toutes les intem­péries, depuis la canicule jusqu’à la neige qu’on saupoudre de sel. Je marche pen­dant des jours et j’en épie à la dérobée, je réduis mon choix à cinq paires, puis à qua­tre, à trois, à deux, et alors je fais une pause, hési­tant : laque­lle acheter des deux paires restantes ? Rien que quelques instants plus tard, une troisième, que j’avais déjà rejetée, recou­vre son intérêt, comme bien­tôt, dans les vit­rines de cette vaste ville, presque toutes les chaus­sures pour hommes. De nou­veau je fais des mil­liers de pas et m’arrête devant des devan­tures illu­minées, dans l’idée de vouloir n’acheter qu’une paire de chaus­sures, et d’avoir besoin d’une seule paire de chaussures.

Mais, quand après plusieurs périples, je les achète enfin et que je les observe qui reposent en paix auprès de mes autres souliers, je per­siste à méditer un achat de chaus­sures. Je ne sors pas de ce cer­cle, pas même pen­dant mon som­meil, qui vient rarement, mais finit mal­gré tout par arriv­er, entre deux migraines. Pour­tant, je souhait­erais seule­ment rem­plir ces paus­es de mon plus grand besoin : respirer.

 

 

Tra­duc­tions de  Lil­jana Huib­n­er-Fuzel­li­er & Ray­mond Fuzellier

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