3 poèmes

Par | 29 novembre 2015|Catégories : Blog|

 

Les sur­in­ten­dants du 3152 Avenue Hull

 

Dans l’ap­parte­ment en sous-sol, du plus loin qu’il m’en souvienne,
je regar­dais depuis la car­casse d’une baleine,
les bar­reaux de mon lit-cage,
une fenêtre à hau­teur d’ap­pui, midi
saisi comme une brève lumière oblique.
Là dans l’étroite cour encais­sée elle m’envoyait
jouer dehors près des pierres
brutes des fon­da­tions, qui à l’in­stant même,
unique ves­tige de ma mémoire, me sem­blent colossales.
Les seules couleurs étaient le bleu franc
et le vert per­sis­tant des sumacs qui poussaient
dans chaque crevasse de ces murs et pendaient
entre ciel et terre, exo­tiques comme des palmes tropicales
pour un gamin du Bronx. Mon père taillait
tous ceux qu’il pou­vait attein­dre, comme si le gris était
une ver­tu qu’il ne trou­vait jamais assez parfaite.
En revanche, c’é­tait ma mère qui finissait
ces murs, leur don­nait leur tex­ture finale,
gran­uleuse et grasse, comme la suie:
Ren­trant en flâ­nant de mes jeux,
je la trou­vais, dans une cav­erne rem­plie de charbon,
penchée devant des portes de fonte ouvertes, nour­ris­sant pelle
après pelle son insa­tiable dieu secret.

 

 

 

The Super­in­ten­dents of 3152 Avenue Hull

 

In that base­ment apart­ment of first memories
I looks out of a skele­tal whale,
the ribbed cage of my bed, out through
deep-silled win­dow, into midday
caught as a brief slant of sunlight.
There in the nar­row sunken yard she’d send
me out to play beside the rough
foun­da­tion stones, which even now,
just one of memory’s ruins, seem colossal.
The only col­ors were the blue straight up
and the per­sis­tent sumacs’ green that sprang
from any crevice in those walls and hung
in midair, exot­ic as trop­ic palms
to a Bronx boy. My father hacked off all
that he could reach, as if gray­ness were
a virtue he could nev­er quite perfect.
Instead, it was my moth­er who completed
those walls, gave them their last­ing texture,
gran­u­lar and oily, as soot will be:
Wan­der­ing back inside from play,
I found her, in a cav­ern heaped with coal,
stooped before open iron doors, feed­ing shovel
by shov­el her secret uncon­tain­able god.

 

***

 

 

Ancien voisi­nage

 

Voy­ant un démon de pous­sière s’emparer
des dernières feuilles d’au­tomne et des lambeaux
d’un Dai­ly News - les années filent au loin

et une fois encore à bout de bras
je tournoie au-dessus de son visage,
pris de ver­tige à force de trem­bler et de rire.

L’orme sème des étin­celles en haut de la Web­ster Avenue.
Le néon de Louie’s Bar & Grill bourdonne,
avec des sac­cades nerveuses. Ma mère

attend qua­tre volées plus haut, avec, veinées
de bleu, ses mains sèch­es et noueuses.
Je suis plus léger qu’un mot

qu’il n’a jamais dit. M’au­rait-il lais­sé partir
j’au­rais cir­culé au som­met des toits,
n’en serais jamais descendu.

 

 

 

The Old Neighborhood

 

Watch­ing a dust dev­il catch
last fall’ leaves and tatters
of a Dai­ly News –  the years spin off

and once again I am at arm’s length
whirling above his face in the boozy air,
gid­dy with trem­bling and laughter.

The el sows sparks up Web­ster Avenue.
The neon of Louie’s Bar & Grill buzzes,
has it ner­vous twitch. Mother

waits four flights up, the blue
veins in her hands wrung dry.
I am lighter than a word

he nev­er spoke. Had he let me go
I would have cir­cled the rooftops,
nev­er come down.

 

 

***

 

 

Fenêtres au Metropolitan

 

Après avoir par­cou­ru avec mes dix cents les tun­nels som­bres, à dix heures,
je déam­bu­lais dans le dédale de lumière des Maîtres de la Renaissance

(délais­sés, démod­és alors) et me sen­tais attiré
par les fenêtres der­rière les voiles d’azur et le pâle cou incurvé

des Madones qui sem­blaient plus dis­tantes et plus étrangères
que tout ce que les religieuses m’avaient enseigné. Mais là, près d’elles,

dans un car­ré pas plus grand que quelques pouces, avec des touch­es caressantes
aus­si fines que des cheveux, les artistes avaient ren­du l’infini,

et je scru­tais, d’aus­si près que les gar­di­ens me per­me­t­taient de le faire,
et me sen­tais, dans mon igno­rance, pré­cip­ité à travers

des paysages qu’un enfant pou­vait presque imaginer
par delà les murs d’une ville : des plaines proches, des escarpements

et des châteaux loin­tains que ne pou­vait gravir que l’œil,
flot­tant comme des îles calmes où n’existaient

ni épines ni coups de marteaux, qui, j’au­rais dû le savoir,
devaient alors attir­er l’at­ten­tion des inno­cents au pre­mier plan.

Bien qu’au­jour­d’hui je ne vois que facéties dans ces vignettes taquines
avec leur minus­cule échap­pée hors du temps, je n’ar­rive pas à m’apitoyer

sur ce garçon émoustil­lé qui à la fer­me­ture s’en retour­nait prendre
la train D pour sa gare per­due du Bronx.

 

 

 

Win­dows at the Metropolitan

 

After trav­el­ing the dark tun­nels on a dime, at ten,
I wan­dered the flood-lit maze of Renais­sance Masters

(desert­ed then, unfash­ion­able) and felt the allure
of win­dows behind the azure cloaks and pale crooked necks

of the Mad­don­nas who seemed more dis­tant and alien
than any­thing the nuns had taught. But there, beside them,

no more than a few inch­es square, in brushstrokes
fine as hairs, the artists had put infinity,

and I peered, close as the guards would let me,
and felt myself, in my igno­rance, fall through

in land­scapes a child could almost imagine
beyond a city’s walls: near plains, far crags

and cas­tles only the eye could climb,
float­ing like islands qui­et and exempt

from thorns and ham­mer-blows, which I should have known
even then must attend the inno­cent ones in the foreground.

Though now I see a jest in those teas­ing vignettes
With their tiny glimpses out of time, I can­not pity

That exhil­a­rat­ed boy who turned at clos­ing and rode
The D train back to his lone­ly sta­tion in the Bronx.

 

 

Poèmes extraits du recueil “Sud­den Har­bor” ( Orchis­es Press, Alexandria,
Vir­ginie, 1992), p.15, 31 et 44.

 

 

 

                                                                                           Tra­duc­tion de Ray­mond Farina

 

 

 

 

 

 

 

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Par | 26 août 2015|Catégories : Blog|

 

Nais­sance du corps

 

Ton corps est né de là, de ces mains.
Avant, quand tu n’ex­is­tais pas encore,
elles jouaient une musique aux signes désarticulés,
une béance de fer ou de bois,
une ombre bruyante de métaux.
De ces mains ouvertes, qui ont donné
corps à un désir ancien,
tu es née avec ton apparence à toi.
(Cepen­dant, je l’ou­blie parfois,
et me dis que tu as façon­né mes mains à ton caprice
pour qu’elles se sou­vi­en­nent de toi.)

Avant, quand mes mains n’ex­is­taient pas encore,
ton corps était un mensonge.

 

 

Nacimien­to del cuerpo

 

De aquí nació tu cuer­po, de estas manos.
Antes, cuan­do aún no existías,
toca­ban una músi­ca de sig­nos desarmados,
une vacío de hier­ro o de madera,
una som­bra rui­dosa de metales.
De estas manos abier­tas, que le han dado
cuer­po a un deseo antiguo,
naciste con la for­ma tuya.
(A veces, sin embar­go, se me olvida,
y pien­so que tú hiciste mis manos a tu antojo
para que ellas te recordaran.)

Antes, cuan­do aún no existían mis manos,
tu cuer­po era mentira.

 

 

 

Le rêve de la mémoire

 

Tout comme tu as oublié la peur,
tu as oublié la joie.
  Et tu dois
inven­ter une musique silencieuse,
à l’in­su des autres,
pour retrou­ver les clés, les souliers,
et le nom des choses qui sont tiennes.
Mais nous reste-t-il alors quelque chose,
quand le cri s’ha­bille du silence,
quand le fil uni de l’é­clair se brise ?
Oui, attends, rêve une mémoire nouvelle
et délivre-là de l’an­ci­enne, dans la boîte fermée
retrou­ve ton vis­age, ton vrai visage.
La mal­adie, ter­ri­fi­ante comme les hommes,
ne peut détru­ire ce qui n’ex­iste pas.

Que ton rêve s’a­ban­donne au plus haut.
Que ton rire apprivoise la tristesse.
Que ta mémoire brisée se mette à marcher
sur une autre musique.

 

 

 

El suen᷉o de la memoria

 

Como se te ha olvi­da­do el miedo,
se te ha olvi­da­do la alegría.
   Y tienes
que inven­tar una músi­ca callada,
sin que nadie lo sepa,
para encon­trar las llaves, los zapatos
y el nom­bre de las cosas que son tuyas.
¿ Pero nos que­da algu­na cosa entonces,
cuan­do se viste de silen­cio el grito,
cuan­do se rompe la unidad del rayo ?
Sí, espera, suen᷉a una memo­ria nueva,
sácala de la antigua, de la caja cerrada
recu­pera tu ros­tro, el verdadero.
La enfer­medad, ter­ri­ble como el hombre,
no puede destru­ir lo que no existe.

Que tu suen᷉o se entregue a lo más alto.
Que tu risa con­ven­za a la tristeza.
Que tu memo­ria rota empiece a andar
con una músi­ca distinta.

 

 

 

Chan­son de neige

 

La neige lais­sera mes mains froides.
Ces mains avec lesquelles j’ai fait tant de feu
pour rien. Cette neige qui enlace
sa pro­pre impa­tience, qui conspire
sur les vit­res. Ces mains mortes
de froid comme un pan de mémoire.
Cette neige qui ne se sou­vient plus
de la pierre embrasée. Ces mains
qui écrivent pour rien, pour le dernier
feu, pour une musique perdue.

La neige lais­sera mes mains froides.
La neige qui me prend à la gorge.
Ces mains qui tour­nent la tête
à chaque pas. Cette neige lente
comme si tou­jours elle était la première.
Ces mains qui ont fait tant de feu
pour un soir unique, pour un jour.
Cette neige qui dort sous les étoiles.
Ces mains qui croient en ce qu’elles touchent
et qui touchant la neige touchent le néant.

La neige lais­sera mes mains froides.
Ces mains qui ser­rent un oubli
qui ne s’en­tend pas. Cette neige qui en joue
comme d’un toit sans musique.

 

 

Can­ción de nieve

 

La nieve dejará mis manos frías.
Las manos con las que hice tan­to fuego
para nada. Esta nieve que se abraza
a su propia impa­cien­cia, que conspira
en los cristales. Estas manos muertas
de frío como un tro­zo de memoria.
Esta nieve que no recuer­da el tacto
de la piedra encen­di­da. Estas manos
que escriben para nada, para el último
fuego, para una músi­ca perdida.

La nieve dejará mis manos frías.
La nieve que me ahoga la garganta.
Estas manos que vuel­ven la cabeza
a cada paso. Esta nieve lenta
como si siem­pre fuera la primera.
Estas manos que hicieron tan fuego
para una tarde solo, para un día.
Esta nieve que duerme a las estrellas.
Estas manos que creen en lo que tocan
y que tocan la nieve y tocan nada.

La nieve dejará mis manos frías.
Estas manos que apri­etan un olvido
que no se oye. Esta nieve que las toca
como a un teja­do que no tiene música.

 

 

Poèmes extraits de :

Zap­atos de andar calles vacías/Pas per­dus dans des rues vides
Raúl Nieto de la Torre
Edi­ciones Vit­ru­vio, Madrid, 2006/ Pleine Page édi­teur, Bor­deaux 2007

Tra­duc­tion par Dominique Boudou, révisée par Elvire Gomez-Vidal
Pré­face de Elvire Gomez-Vidal

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Par | 25 avril 2015|Catégories : Blog|

 

LE BOURDON NOIR

 

Au ralen­ti
il rampe,
ses ailes diaphanes,
bleu de nuit irisé,
frottent
con­tre la pierre

*

Grain de muscat,
sa tête négrillonne
reconduit
aux abysses
l’at­te­lage d’un ange
sous deux ailes smalt.

 

***

 

L’ARBRE A PAPILLONS

 

Fleurs de sucre
aux essences confites
sa grappe pendante
épicée vent de face
se retire en la friche
où dort un alambic.

 

 

***

 

Ô SILENCE

 

Les gouttes te précèdent,
tra­versent les points
de ton milleper­tu­is jaune
bal­ancé au pendule
des tiges que tu vides
à gorge pleine.

*

Hors
le bleu pastel,
une ancol­ie, les aconits,
tu perces au hasard ta voie,
rompu au bourdon,
à un grésillement.

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Par | 17 février 2015|Catégories : Blog|

 

Comme si ton instinct t’alertait
Tu ne voulais pas de jupes.
Tu t’écorchais les jambes
En grim­pant dans les arbres
Ou bien une saute de vent les soulevait
Livrant à tous les regards
Les dessous
Blancs
De la honte

Tu ne voulais pas de jupes
Mais ils t’ont façonnée
t’ont fait des tresses
Et tu es devenue
La jolie
Fille
T’imposant leurs manières
avec le sourire
brutal
crispé
d’un gar­di­en de prison bien élevé

La nuit
Immobile
Tu fai­sais sem­blant de dormir
Tu léchais tes blessures
Et t’arrachais les croûtes
Et de petites per­les de sang
S’en allaient rejoindre
les con­stel­la­tions impassibles

 

***

 

Il y avait cinq doigts dans sa main droite
des anguilles
des rats
des flèches
Quand il ne t’étouffait pas
Il lui arrivait de les remuer.
Il resser­rait sa cravate
Il se coupait les ongles
Se curait l’oreille.
Il y avait cinq
(vrai­ment gros)
doigts dans sa main droite
pour mieux
te miner
te dévorer
te tuer .

***

Il n’y a
pas d’éléphant
dans cette pièce.

Une voiture,
Un nuage,
Un mystère ;
Un bébé qui m’appelle
Depuis les entrailles vides
De la nuit fluorescente.

Il n’y a
pas d’éléphant
dans cette pièce.

N’en par­lons plus.

 

Tra­duc­tions Marc Delouze, avec l’auteur
 

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3 poèmes

Par | 17 février 2015|Catégories : Blog|

 

Les heures se creusent
Sur la baie sail­lante de mes hypocondries
La lune étend son ère sous les pass­es du jour
Puis tout se tait sur le rêve funam­bule de mes inhibitions
La cause de toutes les causes
La rai­son d’être de chacun
Au crépuscule
Tombent les jours et la sai­son estivale
En un espace fin comme la lame fine du rasoir
Sur ma peau blême du matin froid.

 

***

Rai­son vac­il­lante au vouloir qui se casse
La volon­té en écume lime la longue nuit
Sur le fil si mince de mes rétentions
La vie en vouloir et tou­jours m’échoient
Les rêves d’une majorité pro­fane et bruyante
Sur le paraître  fin du jour
Le suaire vain du paraître.

 

***

 

Et nous savions jouer d’heure en heure
Éviter les pièges lourds de l’audience
Esquiver le con­tour de mes par­al­lèles où abon­dent l’ig­no­rance trop crue de détours
La savante esquisse de mes rêves sur la lune mon­tant à l’horizon
L’ul­time beauté du jour levant
Sur la quié­tude mondaine de par­cours aux lis­erai d’or sur le ciel orageux
Le par­al­lèle exquis de mes torpeurs
En lueur au fond des yeux à toute heure
A l’heure où je renie père
et sem­piter­nelle ritournelle
De mon enfance subie sur le jour triste de mon bonheur
De l’hori­zon qui noie la trace
A l’en­droit où tout se tait.

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Par | 1 février 2015|Catégories : Blog|

 

La músi­ca

 

La pastil­la

la dro­ga universal

el efec­to surreal

des­de tiem­pos remotos.

La nat­u­raleza exterior

llenan­do de fuego

el oído del hombre.

La mis­e­ria per­fec­ta del viento

y una boca humana

las artic­u­la­ciones de las cigarras

en casa de mi abuela.

La llu­via que ater­riza asus­ta­da a la tierra

casi sin saber de su mila­gro sonoro

el espe­so y ligero, el gris y arcoíris.

La fuerza que hace el baile

los sui­cidios que enam­oran al cosmos

con una cuchilla que oca­siona un concierto

en otra dimensión.

 

La musique

Le cachet

la drogue universelle

l’effet sur­réel

depuis de temps anciens.

La nature extérieure

qui rem­plit de feu

l’ouïe de l’homme.

La mis­ère par­faite du vent

et une bouche humaine

les artic­u­la­tions de cigales

dans la mai­son de ma grand-mère.

La pluie qui atter­rit apeurée sur la terre

presque sans con­naitre sa mir­a­cle sonore

son poids et sa légèreté, le gris et l’arc-en-ciel.

La force qui fait le bal

le cos­mos qui s’enamoure des suicidés

avec un lame qui provoque un concert

dans une autre dimension.

 

 

El arte

 

Ambi­ciones plau­si­bles en todo el mundo.

Descaro. Obstácu­lo.

Entre Dios­es y ritos malhechores

entre ráfa­gas de viento

con pro­fecías que la cien­cia no cree

y que los pone a los pies del dinero.

Esclavos tam­bién los “sabios”.

Medi­das, inven­tos, resultados

ruedan en la alfom­bra roja de los santos.

Toda una his­to­ria de sen­timien­tos que se mutilan,

cuan­do la fe sin gra­cia y ciega

se arrodil­la ante una sil­la de oro.

Más nada.

El siem­pre mediador

el más esplén­di­do y sublime

entre cien­cia y religión.

Escupe el caos mi ami­go lejano

Y llo­ra sin lograr reconciliar…

sólo adornar la esper­an­za del mundo.

Entre cien­cia y religión: El arte.

 

 

L’art

Ambi­tions plau­si­bles partout dans le monde.

Impu­dence. Obstacle.

Entre dieux et rites falsifiés,

entre rafales de vent

avec des prophéties que la sci­ence ne croit pas

et qui les dépose au pieds de l’argent.

Esclaves aus­si les « sages ».

Dis­po­si­tions, inven­tions, résultats,

roulent sur le tapis rouge de saints.

Toute une his­toire de décou­vertes qui se mutilent,

quand la foi sans grâce et aveugle 

s’agenouille devant une chaise d’or.

Rien de plus.

Le sem­piter­nel intercesseur,

le plus splen­dide et sublime

entre sci­ence et religion.

Crache le chaos mon ami lointain

et pleure sans arriv­er à réconcilier…

à peine décores-tu l’espérance du monde. 

Entre la sci­ence et la reli­gion : l’Art.

 

 

Fer­mi­na

Fiebre alta, fuente de vida.

Fab­ri­cado­ra de orgullos,

feliz­mente, dueña de sí,

me recordó que se ama

y varias veces si se quiere.

Aunque no tolero su altivez

a la que sé paupérrima,

admi­to que perfuma

has­ta un mer­ca­do sucio.

Enarde­ci­da, costumbrista

supo mar­chi­tar a una flor

y dar­le vida nuevamente

con besos de leche cortada

Supo rescatar aquello

que parece no poderse.

Debe no cul­parse como reina proterva.

Besa beren­je­nas, besa

lo que no supo apreciar.

Sólo había que cam­biar la receta,

sólo  había que encon­trar la manera

de lle­gar a su vien­tre exangüe;

de lograr con­tar las pecas

de su lomo de tigresa.

La odio, es un regaño costeño

La amo, es tam­bién un recuer­do parisino,

uno de los tan­tos intan­gi­bles que tengo.

Fer­mi­na ter­mi­na con su paz,

Fer­mi­na elim­i­na la lluvia.

Dice no a sus cazadores.

No es más que una temerosa

que un día y has­ta dos,

empezó a amar.

Por lo vivi­do en su juventud

La afren­to cuan­do dijo “puta”

Por lo vivi­do entre sus canas,

amo cuan­do enlo­que­ció de anís.

Aquí yo, envidio su posi­ble paz,

aquí yo, extraño la lluvia.

No entendí su sum­isión despiadada

pero, com­prendí su religión desterrada.

Si ella me preguntara

¿Has­ta cuán­do tú niña, me revivirás en tu ir y venir?

Le respon­deré: toda la vida.

 

 

Fer­mi­na

Fièvre forte, source de vie.

Géni­trice d’orgueils,

heureuse­ment, maître d’elle-même

elle m’a rap­pelé qu’elle s’aime

et que quelque fois elle se désire.

Bien que je n’aime pas sa condescendance 

que je sais indigente,

j’admets qu’elle parfume

même un marché sale.

Pas­sion­née, attachée aux traditions

et mondaine à la fois,

elle a su fan­er une fleur

elle la faire renaître

avec des bais­ers de lait caillé

Elle a su sauver

ce que l’on ne peut pas.

Elle ne doit pas se cul­pa­bilis­er, reine perverse

Elle pose ses lèvres sur des aubergines, 

sur ce qu’elle ne pas su apprécier.

Il fal­lait seule­ment  chang­er de recette

il fal­lait seule­ment trou­ver la façon

de par­venir à son ven­tre exangue ;

de réus­sir à compter les tach­es de rousseur

de son échine de tigresse.

Je la hais, c’est une ron­chon­neuse de la côte.

Je l’aime, elle est aus­si une sou­venir parisien,

mon sou­venir intangible 

Fer­mi­na en finit avec sa paix,

Fer­mi­na élim­ine la pluie.

Elle dit non aux chasseurs.

Elle n’est qu’une peureuse

qui un jour peut-être deux,

a com­mencé à aimer.

Pour que ce qu’elle a vécu dans sa jeunesse 

Pour ce qu’elle a vécu de cheveux blancs,

Je l’affronte quand elle  dit « pute »

J’aime quand elle a per­du la tête de trop d’eau-de-vie

Moi, ici, j’envie sa paix possible,

Moi, ici, je regrette la pluie.

Je n’ai pas enten­du sa soumis­sion impitoyable

mais  j’ai com­pris sa reli­gion exilée.

Si elle me demandait

¿ Jusques à quand, jeune fille, revivras-tu en moi ton aller et venir ?

Je lui répondrai : toute la vie.

 

 

 

Tra­duc­tion en français : Rémy Durand

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Par | 13 janvier 2015|Catégories : Blog|

 

PERE

 

La nuit dernière
J’ai rêvé de toi,
Père.
Tu es entré
Dans mon rêve
Tel un cerf
Debout en équilibre
Sur une butte
Herbue.

Je t’ai appelé
Par ton nom
Père.
Je t’ai appelé
Avec le mot : père
Et j’ai dit :

Regarde,
Mes yeux sont
Deux fleurs humides
Du ruisseau
De la montagne.
Viens
Que ta langue
Chaude de cerf
Etanche la rosée
Qui tombe
De mes yeux.

Et tu es resté là
Comme dans un autre
Monde,
Comme dans un autre
Rêve,
En équili­bre sur la butte,
Envahie par les herbes.

Tu as agité
Tes grands
Bois
Et dis­paru dans le nuage
Immaculé
Du rêve
De personne.

 

 

L’ ANGE DE PIERO DELLA FRANCESCA

 

Il n’est plus guère le porteur
De lumière.

Lui-même devenu l’objet
D’un jeu
D’ombre
Et de lumière.

Pris­on­nier des lois
Du monde matériel,
Il s’agenouille comme qui
Implore le pardon.

Se relever
Probablement
L’étourdirai
Quelque peu.

Ceinte d’une corde,
Sa robe ramasse ses plis
Autour de sa taille
Et de ses genoux.

Ses ailes sont lourdes,
Qua­si­ment charnues.

Comme s’il avait honte
De sa chute
Dans le roy­aume des sensations
Et de l’architecture,

Ses genoux appuyés
Sur le sol de mar­bre froid,
Main­tenant son visage
Dans l’ombre.

 

 

PAPOTAGE DU SOIR

 

Par­fois lorsque je m’ennuie
Je par­le avec Dieu.
Ensem­ble nous exam­inons les motifs du linoléum,
Le rythme de leurs designs
Sur le sol de la cuisine.

Dans ces formes, dis-je,
On peut  voir un ours,
Dans ces autres un petit chat,
Et tu vous oubliez la cas­quette de ce drôle de type
Vous avez une tête de lion.

Il répète après moi, maladroit :
Un ours, un chat…
A chaque fois sur­pris quand il retrouve
La même forme près du buffet
Et aus­si sous la fenêtre.

Voyez-vous cette ligne
Qui partage le sol en deux ?
Quelle con­fu­sion il créé entre les images.
Celle-ci pour­rait être un bison
Mais n’est que le dos
Dif­forme d’un cheval.

Un bison, le dos d’un cheval…
Il déchiffre come un élève de primaire,
Enervé con­tre la noire fissure
Qui coupe en deux  le sol de la cuisine.

Je pointe mon doigt vers la porte d’entrée
Là où com­mence le monde des monstres,
Des ani­maux fan­tas­tiques sans têtes,
D’horribles créa­tures sans corps.
Je le pousse douce­ment dehors,
Car enfin il est tard, et j’aimerais dormir.

Mais lorsque la nuit je me relève
Pour boire un verre d’eau,
Il est tou­jours là, debout dans l’entrée
Fix­ant une ligne ténue
Qui court du mur à la fenêtre,
Comme quelqu’un per­du dans une ville étrangère,
Sans con­naître la langue
Pour deman­der son chemin.

 

Tra­duc­tions Marc Delouze, avec l’auteur.
 

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