Les policiers m’ont cher­ché longtemps,
Ils ont téléphoné à mes amis, sont allés d’appartement en appartement,
Pour au bout du compte me trou­ver sous un portique
Et m’apprendre qu’après le fra­cas et des freins le crissement
Ils t’ont ramené dans un sac en plastique.

Je don­nais une fête,
Les amis venaient, pre­naient place autour de l’âtre.
Ils étaient accom­pa­g­nés de leurs femmes belles et quiètes.
Ils souf­fraient que du regard leurs ron­deurs j’idolâtre.
On a veil­lé tard, en débat­tant, autour d’un verre.
C’est alors que le télé­phone a son­né.  Ils m’appelaient pour m’apprendre
Que dans la boue, les roseaux, on t’avait découvert
Là où la Save méandre.

Dans ma tour d’ivoire on célébrait ma réussite,
On me flagor­nait, louangeait mon pres­tige social.
J’y répondais par un sourire, à seule fin de ne pas anéan­tir ce leurre.
C’est alors qu’on allumait les informations
Pour entendre :
Un cinglé t’avait mutilé dans le parc.

J’achetais des bois­sons chères,
En étaient meilleurs les divertissements,
De plus en plus m’enchantaient
Des con­vives incon­nus, venus à l’improviste.
Le fac­teur vint aus­si m’apportant ta lettre
De deux lignes : tu étais simplement
Morte de vieillesse.

Seul à présent, assis à la table, je feuil­lette de vieux livres
Puis éteins la lumière et pense en silence.
Alors que les accès de la toux se font plus douloureux, plus violents
Et que le jour touche à sa fin, la nuit je reste sans défense –
Je n’ai aucune nou­velle de toi depuis longtemps.

 

Traduit par Boris Lazic

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