Né le 1er mai 1909 à Monemvassia (Péloponnèse), Yannis Ritsos est fils d’une grande famille de propriétaires terriens ruinée par la folie du père, la mort prématurée de la mère et d’un frère emportés par la tuberculose. Adolescent, il est lui-même atteint par cette maladie. Pendant plusieurs années, sa vie se partage entre des séjours en sanatoriums (où il s’initie au marxisme) et différents petits métiers (danseur, comédien, dactylographe…).
Ses premiers poèmes paraissent dès 1924, d’abord dans des revues. Mais c’est en mai 1936 que Ritsos fait une apparition éclatante sur la scène littéraire, quand la répression sanglante de la manifestation des ouvriers des manufactures de tabac à Thessalonique lui inspire Épitaphe, lamentation d’une mère devant le corps de son fils mort et chant de protestation contre l’injustice sociale. Ce long poème, qui combine la versification de la chanson populaire et la langue savante, les échos des lamentations de la Vierge et des chants funèbres traditionnels, est publié par le journal de Parti communiste. Sous le coup de la censure, Épitaphe a « l’honneur » d’être brûlé aux côtés des ouvrages de Marx, Lénine, Gorki, Anatole France… Dès lors, le destin de Ritsos sera intimement lié aux tourments de l’histoire grecque.
1937–1943 : Période de l’explosion lyrique, d’un lyrisme en vers libre, influencé par la poésie moderne et le surréalisme, marqué par une imagination exubérante qui sait néanmoins s’ancrer dans la simplicité des choses. Le Chant de ma sœur, écrit après l’hospitalisation de sa sœur en clinique psychiatrique, suscite la réaction enthousiaste du poète Palamas : « Nous nous écartons, poète, pour te laisser passer. » La Symphonie du printemps, composée en pleine dictature de Metaxas, est un hymne à l’amour, à la nature, à la vie, tandis que des poèmes ultérieurs traduisent avec réalisme l’horreur de l’Occupation mais aussi l’espoir et la confiance dans les forces de la Résistance.
1944–1955 : Sous l’Occupation, Ritsos, bien que gravement malade, s’engage dans le Front de libération nationale. Pendant la guerre civile, en 1948, il est déporté dans les îles de Limnos, Makronissos, Aï-Stratis et est libéré en 1952 sous la pression de l’opinion internationale et de figures comme Aragon, Neruda, Picasso… C’est le temps des poèmes de lutte et d’exil. L’épopée de la Résistance mais aussi son tragique épilogue marquent Grécité. Ritsos y élève l’hellénisme combattant en symbole de résistance et de liberté. Temps de pierre et Journal de déportation évoquent, dans un langage dépouillé, l’enfer des camps, la torture, les humiliations.
1956–1966 : Le mariage de Ritsos avec une médecin samiote (en 1954) puis la naissance de sa fille inaugurent une période plus calme. Il écrit les premiers monologues dramatiques qui composeront la Quatrième dimension. Il y revisite notamment quelques grandes figures de la mythologie grecque (Oreste, Hélène, Agamemnon…) ou donne voix aux personnages oubliés (Ismène, Chrysothémis), mettant au jour des aspects peu connus ou inédits de leur psychisme, explorant leurs conflits intérieurs. Parallèlement, en marge de ces grandes compositions, Ritsos cultive de plus en plus le poème court, laconique, familier, où il retranscrit les moindres gestes, les remous de l’âme, dialogue avec le microcosme des choses (meubles, outils…), poétisant le quotidien.
1967–1971 : Après le putch des Colonels, Ritsos est de nouveau arrêté et déporté dans les îles de Yaros et de Léros. Très malade, il est finalement libéré en 1970. Les Dix-huit petites chansons de la patrie amère sont un hymne au combat du peuple grec pour la liberté, tandis que Pierres répétitions grilles ou Le Mur dans le miroir évoquent dans une langue simple, sans plainte, un quotidien réduit à l’élémentaire et, à travers le vécu personnel, la souffrance collective.
1972–1983 : Les compositions des années 1970–1980 (Graganda, Devenir, Le Chef d’œuvre sans queue ni tête…) adoptent de nouveaux moyens d’expression : l’écriture post-surréaliste, tantôt lyrique, joueuse ou sarcastique, bouleverse la cohérence temporelle et logique, créant un univers fourmillant d’images et de souvenirs. Dans les œuvres de cette époque, l’amour tient une place primordiale ; la sensualité, l’érotisme, auparavant latents et cryptés, se libèrent.
1983–1986 : Avec Iconostase des saints anonymes, Ritsos prolonge dans la prose l’expérience d’une grande liberté d’expression.
1988 ‑1989 : Ritsos écrit entre Samos et Athènes ses derniers poèmes qui constitueront le recueil Secondes.
1990 : mort à Athènes de Yannis Ritsos, le 11 novembre.
1991 : parution à titre posthume aux éditions Kedros (Athènes), de Αργά, πολύ αργά μέσα στή νύχτα (« Tard, bien tard dans la nuit ») qui réunit les quatre derniers recueils de Ritsos, dont Secondes (Δευτερόλεπτα) est le dernier. Secondes a été traduit en espagnol, en catalan et en anglais. En France, un recueil intitulé Tard bien tard dans la nuit, traduit par Gérard Pierrat est paru en 1995 aux éditions Le Temps des cerises, avec seulement les trois premiers recueils de l’œuvre homonyme originale.