elle vient d’une enfance sans jeux
la rue se tai­sait quand ils arrivaient
les enfants tristes du trente-huit

tous les jours les trains fuyaient
à tra­vers les ter­rains vagues
tan­dis que la petite fille rêvait de fleurs
blot­tie dans les coins
d’une ville grise et grave

– pourquoi l’ont-ils appelée
« mes yeux » ?
la peur des pier­res mauvaises
lui­sait dans ceux des chiens sales

face aux touffes d’herbe jaunie
la petite fille voy­ait ses frères
arriv­er aux ceris­es vertes et dures
avant les oiseaux noirs
servile­ment qué­man­der l’amour
d’une mère aux yeux-couteaux

la petite fille lui offrait du savon à la rose
pour qu’elle prît soin de la douceur
d’une peau
qu’elle ne l’a jamais lais­sé toucher.

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