Ile
Sang à mêler sur les ver­sants des récifs
Et le souf­fle des filaos
Là, sous la fièvre du séga
Ondoient les reins comme une danse
D’algues
C’est l’instant magique
Quand les belles créoles martè­lent le sable
Qui réveille les par­fums captifs
Leurs jambes aux lignes de noix de coco
Instru­isent la courbe du ponant
Leur sourire en camaïeu
Amol­lit les plis des coquilles
J’ai demandé à naître
Mêlés en mon sang
La sagac­ité du balafon
La langueur du sitar
Le berce­ment du biniou
Ce soir la jactance
Des filaos dessine
Une incan­des­cente vision
…Noire est la brousse de Masinga
Qui exhale sur les muguets fauchés
Des hommes tirés entassés à fond de cale
Pour une île inconnue
Rouge est le soleil de la mutinerie
Sur les maisons incendiées et les plaines
Loin des sepoys fuient
Femmes et enfants descen­dant Bénarès
Le regard plus droit que les filaos
Posé sur Mirich Desh
Au sous-bas de pier­res d’or
Bleu est le rêve des aventuriers
Scru­tant d’une rade de Lorient
La con­quête des amours
En apprêt de rave­nalas et de vétyver
La petite France lointaine
Au coeur de kestrel
Le rythme du séga prend l’accent du ressac
Dans les jambes des danseuses
S’accordent le bal­a­fon le sitar le biniou
C’est ma nais­sance immortalisée
Dans l’ondoiement des reins
À marée perdue
Les belles créoles martè­lent et libèrent
Le sang des effluves
Sur les chemins de feu
Masin­ga, Bénarès, Lorient
L’épopée a couleur de sable
Sous des palmes échevelées.

 

 

Rêves en fugue, paru l’an­née dernière aux Edi­tions Panafri­ka / Silex (Dakar).
 

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