à l’heure où l’air
ne sent plus rien
que le pouls est
sur un bateau à
faire vibrer la voile
tout est à aplanir
à raser très lent
plus régulier qu’un
train au départ du
bout du monde et
à destination de
l’autre bout du
monde
les kilomètres
derrière la vitre
des voyages seul
avec pour unique
bagage une plaie
à refermer dans
un compartiment
prêt à imaginer
toute sa vie durant
***
il faut se refaire au goût
des visions imposées là
devant nous muettes de
façon à jouer avec sans
toujours bien les voir se
murger de cimetières où
les cadavres sont béats
le ciel et son chignon gris
a son tablier de grand
‑mère appliquée à écraser
la soupe à penser invisible
dans les légumes aplatis
le jus des songes passe
les morts parlent sous le
toit et la coiffe de travers
se remettra toute seule de
ses émotions du matin une
suie tenace à la place du
cœur que les bocaux sur
l’étage font trembler des
cils et des mains froides
***
les ombres arrivent à leur terme
et c’est toujours très lent de sentir
leur disparition parce qu’elle
s’accompagne de traces sur les
murs que réveillé il faudra oublier
chacun pour soi en étant ensemble
les figurines partout dans le silence
rappellent les jeux d’enfant que nous
inventions parce que nous avions
peur de devenir des adultes efficaces
guerriers un flingue à la place des mots
des rots en guise de merci de cris pour
signifier la marée haute tellement haute
que les baigneurs périssaient en lisant leur
journal absorbés par l’actualité terrestre
la météo du vent et pourtant l’apocalypse
ils n’y pensaient pas comme ça tranquilles
seulement en trinquant entre amis sur la
plage où les châteaux attendaient d’être
pris en photo avec les pelles et les sceaux
***
le bois se casse
dans les yeux du
vieillard seul là
assis habillé sans
effet ni sourire
la tête déjà partie
les mains fatiguées
craquant l’horizon
à la moindre pensée
qu’il voudrait ne plus
avoir : elle l’empêche
de se lever mal dormi
il se prépare à rester
sur sa chaise : sait que
debout ce sera pire
il aura envie de
s’asseoir à nouveau
devant sa table à la
toile cirée silencieuse
et effrayante avec ses
couleurs que lui n’a
plus depuis longtemps
mais qu’il subira encore
faute de pouvoir en créer
de nouvelles pour la vie
il sent courir sur les
ganglions de ses fleurs
sèches la raideur du vase