Ne cherche pas à dire,
réfuter, expliquer.
C’est lorsque tu es sans visage
que t’inonde le vrai feu.
Matin de bouches,
matin de neiges, vierges.
Un halètement,
venu de très loin,
dénoue les apparences.
Le grand large titube,
saoul de la fonte des ombres.
Un cerne de sueur s’agrandit
à l’aisselle du ciel.
Il fait radieux sous les ailes,
il fait chaud sous les plumes.
Elle s’étonne
de la jonchée des astres,
des pépites de sel
que tu tiens, bien serrées,
dans le creux de ta main.
Elle te suit
quand tu descends l’orage,
elle te suit,
celle avec qui tu vécus
d’autres rives.
Un jour entier entre les lignes
Un jour entier
entre les lignes,
transmettre la bancheur,
s’ébrouer dans les signes.
De l’éclair au point,
des éboulis à la virgule,
tout un pays
transporte sa patience,
ses noms,
l’arête bleue
de son architecture.
Terre pacifiée
où j’ose raturer
les maisons détruites,
l’arrogance.
Qu’est-ce qui s’échappe
de la marge
et tremble sous ma main ?
Les yeux d’une sultane,
une aile balbutiante,
les preuves de l’été ?
Au coin d’une phrase
batifolent les herbes,
j’y plonge avec délices
tous mes rires d’enfant,
la brusque soif du lait.
Sans attendre la ponctuation
qui érode le chemin,
enfourcher les mots,
les nuages qui passent.
A marée haute,
les runes éclairent le rivage,
perpétuent le message.
Chaque trace nous délivre.
Versets d’Afrique
Il y eut ce qui transpire,
ce qui prie
et succombe.
Il y eut ce qui appelle,
ce qui affole
et incrimine.
Pierriers du vent
à l’haleine tranchante,
dunes en cavale
où le regard ricoche.
Dans le brasier du jour
se fendent les lèvres,
s’ébrèchent les paroles.
La nudité d’être,
au milieu de ce rien,
au milieu de ce tout,
seule à tourner
sur son orbite de chair,
astre bédouin
qui ne veut pas s’éteindre.
L’Africaine déborde
de ses étoffes bleues,
du ciel qui ne l’étouffe plus.
Patiemment,
elle greffe un peu de vert
au vent
pour qu’essaiment racines,
feuilles et serments.
Nuits de bouture, nuits de liesse
où se décousent les lointains.
Passage ouvert
dans le flanc des comètes
qui taille ses arbres
et détourne la soif.
Lentement, dans le sable,
elle trace la mer.
Sous les frondaisons d’écume
accostent les gestes
dénoués.
Cuisses ouvertes,
elle accueille la marée.
Le sel, réconcilié,
fertilise ses paumes.
Ce qui éclôt,
ce qui pousse
et bouge,
danse sur le sang,
danse sur la pierre.
Versets d’Afrique,
élégies lapidaires,
dans le creuset brûlant
s’accomplit le passage.