I
Je désire une fin
sans moyens
Qui voudrait d’ une stèle
je ne désire rien d’autre que
me coucher sous l’arbre et que l’arbre soit
comme un arbre
Je le désire sans cesse
Les pierres se souviennent que je chantais
et dansent autour de moi
J’ai aimé les débuts
je ne sais plus de quoi
débuts de n’importe quoi
un pas n’importe où
un mot dit à quelqu’un
vraiment n’importe qui
Je me revois
à Anvers ou ailleurs
un parmi plusieurs
Soudain tu n’y es plus
tu demandes s’il y a quelqu’un
mais tous muets
même sourds
tournés vers je ne sais quel mur
retournés au temps compté
Pierre roule pour moi
sans rien amasser
sois un sourire dans sa voix
une chance qui sait
une image arrêtée
au bord des lèvres
A moi de me tourner
vers toi
obnubilée
violes et voiles contre le vent
Vies ricochets
suées de l’habitude
glace fondue trop vite
à la fin
le nez dans un ruisseau
c’est la faute à personne
un ruisseau
II
Tu t’esseulais tranquille
coutumier d’un conte
où les questions s’oublient
sur un chemin neuf
Un geste défaillant aurait trahi ton double
tu n’avais qu’un modèle toi
Une nuit te vit nu
vouloir briser la glace
Amsterdam ou Venise peut-être ailleurs
quelqu’un se gondole de rire
dans la vitrine
les mannequins tournent la tête
Sous la caresse d’une muse
ta plume s’est durci
Tu accuses la glace
de haute trahison
Jouissance morte et plus de souffle
ton lit est un chemin usé
et ton coeur plus vide qu’une auge
après que la bête a passé
Rêver d’encre qui sait de Chine
où toute pensée s’arrêta
Du rythme des ombres qui dansent
dans la glace suis-je prisonnier
Roi peu fleuri de ton vivant
chauve mais pas couronné
tu pleures de n’être pas pleuré
ni regretté par avance
Peut-être qu’on est déjà mort
du moins ça bourdonne en nous
Mille mouches nous attendent
où le temps creusa un trou
Aller grand erre mais non
faire des zags et des zigs
pour ne pas voir la route
sous tes pieds
Adieu rites sans flambeaux
où l’électricité est reine
je m’en vais porter la plainte
d’une forêt d’arbre en arbre
puis d’une autre encore une autre
et de toutes décimées
O chanterelle de la scie
vous tairez-vous à la fin
Je plaide coupable
abus de langage
gaspillage de papier
et phrases inachevées
Telle fut cette semblance toi
puit de regrets de peurs de doutes
et ces reflets dans la glace
d’une sombre nonchalance
III
Je t’oublie dans le soir
j’efface ton nom ton visage
La mort m’attend
mais je n’y pense pas
Tiens je n’y pense plus
il n’est pas question d’elle
Je ne sais pas à quoi tu rêves
ni ce que tu crois être toi
Tu prends l’éternité pour ta mère
Le monde n’est pas une cathédrale
Il est beaucoup trop petit
pour contenir une seule prière
Qui a jeté ce grand manteau de silence
sur les épaules de l’éternité
et la mort jardinière fauche dans les allées
Je marche de travers
pour éviter l’une et l’autre
Je sais que c’est impossible
mais je marche quand même
Je déambule à travers les courants d’air
je m’élève en pensée
sur un sommet décisif
où je tremble de froid
Je t’oublie chaque jour
Le ciel est si grand
le coeur vide je m’abandonne
je ne sais même pas à quoi
Ce n’est pas triste
ni mélancolique ni tragique
C’est une sérénité curieuse
un peu animale
Madame ne fait que passer
une attente sans objet
tourné tantôt d’un coté
tantôt d’un autre
mais je ne sais pas d’où le malheur viendra
J’ai tiré les rideaux sur la jalousie
Un peu de feu un peu de lumière
j’aperçois les hautes herbes dans le vent
et mon âme danse avec elles
Plus de saison dit-on
Je déteste aujourd’hui
cette façon de parler sans parler
d’écrire sans écrire
de regarder par en-dessous
comme un catoblépas
Toi tu n’étais qu’un ange terrible
avec des rondeurs nuageuses
qui m’ont fait chanter les louanges
d’un saint que je ne connais pas
La durée est dans le temps
comme feu dans un buisson
l’insecte aveugle me survivra
Paix les muses Assez
que faites vous dans ma cave
vous effrayez mon rat blanc
tout à son festin de livres
Mais que ferais-je si
ne me conviennent ni
les dieux innombrables et bigarrés
pas plus que l’Unique
qu’il faut craindre et aimer
yeux ouverts dans la nuit
je préfère la faune hétéroclite
innocente et rebelle à tout commandement
mais comment marcher ensemble
et rester libre en même temps
IV
Ne dis pas qu’une intention fait la moitié du geste
ni qu’un horizon achève le regard
non
il le coupe
et cette ligne est perpétuelle prison
Un soleil saigne sur la montagne
tandis que des yeux enragés refusent la fin du jour
et la crête brise la brise
tout m’enflamme
O mort d’avant la mort
creusant une évidence si proche d’être nous
une page restée blanche
une page tournée noire
et un silence
et combien d’autres lignes de vie
Toi tu n’en as qu’une
garde la sans la plier
afin que tes paumes fassent un nid
Quelle chance cette langue de boue
cette période ranimée par le vent
N’aie pas peur d’un ruisseau
dont la pente t’épuise
couche ta phrase à terre et dors
le dernier mot n’importe plus
il t’emporte
Derrière cette ligne une autre vie