À tous les poètes morts avant leur mère
Une belle journée la fête des mères
une balle dans le cœur m’aurait tué autant
mais là je me dissous tranquille
dans ma vase
comme le bouquet de fleurs fanées
dans le vase brisé
L’air qu’on respire est invisible
le poème écrit devient visible
et plus le vide est grand
plus le poème est grandiose
les grands mots
font le Mont des songes
— Si Haut
les belles phrases
comme on fait son lit
on se couche
Le cœur au plancher
Cette journée avec beaucoup de vert sous du ciel
en bleu
des parasols ouverts
des fleurs dont j’ignore les noms
je les nomme par leurs couleurs
des jaunes des mauves des rouges
je distingue aussi des bambous
qui plient mais ne cassent pas
et pourtant ici droits sur leurs cannes
des cris d’enfants des sommations d’adultes
tous sans âge
ça joue à la famille
un jeu ancestral autant qu’ennuyeux
suivi des inévitables
effluves de graillon
avec Marie je compte les jours
on part à Boston
la ville natale d’Edgar Poe
mais à cet instant le cœur
cogne fort contre la cage
que je vais devoir revenir ici
pas de peau Edgar
Un autre but
pendant que la france joue le match
de foot j’écris un poème
il n’est pas bon d’écrire un poème
quand tout le pays
est devant l’écran
qu’il faut garder ses deux mains libres
pour applaudir ou prier
la france joue la coupe
tant qu’elle ne marque pas
il règne un silence d’or
le quartier est tranquille
la vie serait presque belle
il n’y a plus que des chats
nonchalants dehors
ça change des boas constrictors
mais une fois le match fini
c’est le retour des pétarades
des cris des tirs de ballons
des cagoules et des faux
qui sifflent sur la peau
le chaud et l’effroi
si je pouvais m’inventer ici
un paradis
ce serait un match
qui dure toute une vie