Denis Tellier, T’as qu’à te taire et autres poèmes

Par |2019-09-07T13:03:13+02:00 6 septembre 2019|Catégories : Denis Tellier, Poèmes|

T’as qu’à te taire

 

Sur la ram­barde, j’at­taque la rouille avec mes ongles.
Des pen­sées tra­versent mon pardessus et but­tent sur ma croix du mérite.
T’as qu’à te taire…
D’avoir autant mérité, je retiens mon souf­fle et la buée.
Il pleut sur la plage de Berck, elle est déserte.
T’as qu’à te taire…
Croix du mérite.
Je vois mes jambes qui dépassent de la poubelle en plastique.
T’as qu’à te taire…
Croix du mérite.

 

 

 

Louise mon amour…

 

Je n’aimais plus Louise de Vilmorin,
c’é­tait une bêcheuse.
Elle s’é­tait moquée de moi,
en effeuil­lant un chrysanthème,
sur le chemin de son domaine ;
son indélicatesse,
une vraie semeuse d’embûches,
bref, un amour incertain.
Ses robes fleuries, si jolies,
ses cotil­lons,  ses allusions
qui se frottaient,
tel des paque­ts de vieilles graines périmées.
Son odeur d’é­tuve et de petits pois séchés.
Je la détes­tais quand elle passait,
non­cha­lante comme une brouette
chargée de plantes.
Je m’en grif­fais les doigts ; seul
au milieu des plates ‑ban­des.

 

 

Picardie

 

Vous sou­venez-vous ma ten­dre amie de cette journée ou nous échangeâmes  des mots 
sur la société anglaise du XVII siè­cle à nos jours.
Nous étions vous et moi en terre Picarde aux moments des labours.
Nous buttions par­fois sur des vieilles taupinières le long de ces chemins et dans ses 
détours.
Jonchées sur le sol ça et là, il y avait des bet­ter­aves sucrières hachées, amochées, 
tail­ladées, rognées tour à tour.
Et puis des habi­ta­tions austères ou vivaient des ménages de mulots à 4 dents en cet 
alentour.
De bien pau­vres familles dont les enfants chialaient plein de crottes blanch­es aux 
der­rières et ceci pen­dant tout le jour.
Vous sou­venez-vous ma ten­dre amie, nous adoucis­sions cette mis­ère en fen­dant l’air par 
des gestes aux agréables arabesques et des paroles portées, déli­cates comme du 
velours. 

Les berlines de l’an­cien K.G.B

 

Au sud-ouest de Vladi­vos­tok après avoir passé Polu­ostrov Tobiz­ina, il n’a plus rien à 
part une végé­ta­tion jaune de gram­inées en cette sai­son dépourvue de graines. Elle va en 
se couchant en ondu­lant par­fois à mi-pente vers la mer d’Okhot­sk, là ou des nuages 
noirs trem­pent leurs bouts de nez.
Dans ce paysage étrange ser­pente un chemin étroit, une piste défon­cée emprun­tée par 
une dizaine d’hommes qui revi­en­nent à pièds une fois la semaine en par­lant haut et fort.
C’est là qu’ils bal­an­cent d’une petite falaise dans un bruit de fer­raille en les pous­sant, des 
gross­es bag­noles noires délavées dont les phares et les car­reaux sont pétés.

 

 

 

Présentation de l’auteur

Denis Tellier

Denis Tel­li­er est né en 1949 à Paris. Il vit dans les Ardennes. Poète, sculp­teur et écrivain, son univers inédit ouvre des dimen­sions jusqu’alors inex­plorées. Il pub­lie des livres d’artistes, La Vie est une rose noire, Les Grues, Ils approchèrent de l’hori­zon, des nou­velles, Le Bleu de Gênes.

 

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