Morgan Riet, Euphémisme et autres poèmes

Par |2019-11-07T15:52:17+01:00 6 novembre 2019|Catégories : Morgan Riet, Poèmes|

                                               pour Elliot.

 

« Il fait une petite chaleur »
vient-il de dire,
comme s’il tenait
à n’offenser
ni le ciel, ni personne,
à nous ras­sur­er un peu
sur les suites
de l’entreprise.

Bouchée franche
des regards,
sans périphrase
autour des sandwiches,
il fait bleu de sourire
ductile
dans l’éclair
de ce pique-nique

en bor­dure de pluie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Des voisins

 

Avec eux parlant
de la pluie et de l’herbe
ton­due ou à tondre ;
avec eux c’est simple
comme bouger un pied
spon­tané­ment après l’autre -
et ain­si de suite,
allant son train bonhomme,
le moin­dre échange
sans arrière-pensée
au bal­con ou bien devant
nos garages respectifs -
Avec eux il y a comme
l’ef­fet d’une pierre
de sucre      candide
qui volon­tiers vient fondre
au milieu quelquefois
d’une amer­tume passagère.

 

 

 

 

Acqui­esce­ment

 

                                                 pour Olivier.

 

Alors que nous courons,
une parole entraî­nant l’autre,
tu en viens à évoquer
des tranch­es de vie,
ce que nous ne rat­trap­er­ons plus,
ce qui nous brûle,
étape après étape,
et revient là,
en coup de sang, dans nos cœurs,
par petits tas de cendres.

Pour toi, comme pour moi,
le plus âpre dans tout ça,
c’est d’accepter ce train
qu’impose le temps
avec toutes ces gares,
ces incendies de parcours,
ces aigu­il­lages humains
au goût d’amitié ou d’amour parfois
amers.

De tout notre souffle,
nous tran­chons, en dépit
d’un ciel pesant de pluie et de larmes,
dans le vif des regrets,
et repous­sons impuis­sam­ment la fin,
au gré des paysages traversés
d’images        en nous.

 

 

 

 

 

 

 

 

Plon­geon

 

Rideau à peine
bais­sé du soir,

nous tra­ver­sons
sa douceur et la rue
piétonne.

Rideau à peine,
bais­er du soir -

les ter­rass­es
y fourmillent
de langues, d’alcools,
de fumets divers,
baignés d’une sorte
de légèreté commune.

Rideau à peine -
oublieux         de savoir

nag­er      et des regards
qui me sont terre
ferme,

voilà que je plonge
avec le jour,
lourd de tous mes sens,
au large d’une pensée
fugace,
dans la houle
des réc­its possibles.

Rideau, sur ce,
troué d’étoiles…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bis

 

Ici, ça ne dure pas,
tou­jours ça tourne à l’orage,
et y r’pleut
comme on dit par chez nous.

Un cri de mouette,
pour nous rap­pel­er l’été,
zèbre soudain ce tonnerre
d’abattement grisâtre.
(Tobog­gan, balançoire,
rêvant de cigales,
ont depuis belle lurette
enjam­bé le mur                   du jardin.)

Et c’est ain­si que tombe
de nos mains moites,
comme le poids maussade
d’une vache sur nos tongs,

la faible perspective
d’un château de sable.

 

 

 

 

 

Présentation de l’auteur

Morgan Riet

Mor­gan Riet est né en 1974, à Bayeux, où il réside tou­jours. Il est l’auteur de : Lieu cher­ché, chemins bat­tus (éd. Clapàs – 2007), En pays dis­parate (même édi­teur – 2010),  Midi juste env­i­ron (auto-édi­­tion – 2011), Du côté de Vésanie, illus­tré par Matt Mahlen (éd. Gros textes – 2012), Ça brûle (-36° édi­tion – 2012), Quelque chose, pho­tos de David Lemaresquier (éd. Les Tas de mots – 2013), Vu de l’intérieur, illus­tré par Hervé Gouzerh (éd. Don­ner à voir –  2013), A fleur de poème1, illus­tré par Matt Mahlen (même édi­teur – 2016), Sous la cognée (éd. Voix tis­sées – 2017) et Chute de fiel / Sang & Diesel (éd. Gros textes – 2018).  Il a col­laboré aus­si à de nom­breuses revues (Décharge, Frich­es, Ver­so, Cairns, Poésie/Première, Comme en poésie, Trac­­tion-bra­bant, Paysages écrits, 17 sec­on­des, les Cahiers de la rue Ven­tu­ra, Inédit Nou­veau, Recours au poème, Spered Gouez, Ce qui reste …) ain­si qu’à quelques recueils col­lec­tifs : L’insurrection poé­tique – col­lec­tion Po&vie (Ed. Corps Puce – 2015), Arbre(s) (Ed. Don­ner à voir – 2016), Dehors, recueil sans abri (Ed. Janus –  2016), Duos – 118 jeunes poètes de langue française né(e)s à par­tir de 1970 – Antholo­gie dirigée par Lydia Padel­lec – Bac­cha­nales  N° 59 (Mai­son de la poésie Rhône-Alpes – 2018).

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