Arnaud Vendès, Silence et autres poèmes

Par |2019-11-19T07:01:11+01:00 6 novembre 2019|Catégories : Arnaud Vendès, Poèmes|

Nous glis­serons ensemble
vers les som­mets rongés
de nos doutes séculaires

Seul, je tis­serai con­tre la ville
les liens serrés,
de l’in­stinct noir du vide.

Le silence offre la céc­ité bienveillante
du som­meil promis,
aux égarés des songes premiers.

Les cen­dres gris­es cou­vrent la plainte consumée
des amants trahis vers la lumière du jour.

Nous lais­serons ensemble,
une empreinte figée dans le fer et le sang séché.

 

 

 

 Les heures blanches

 

Un calme de lune
Un rire de terre grasse
Aban­don­né aux seuls amoureux des heures blanches
Où la lumière mouille de son halo vivant,
Le dernier chemin ouvert sur demain.

La pluie détru­it à grands traits de malice,
La porte sucrée,
Pas­sage unique, des his­toires ren­dues folles de ton absence.

Le vol inqui­et de tes bras
L’air bat­tu d’une plainte sonore,
Rap­pel sur la glaise,
Ton corps sec­oué du doute.

Tu es partie !

 

 

 

 

Une île dans le ciel

 

Les larmes effilées au tran­chant de feu
Sèment à la volée le grain chargé d’ivraie.

Le vis­age éteint, ton silence
Réveille les douleurs en souffrance.

Accroché aux reliefs écroulés 
De notre mémoire infidèle,
Un sourire une caresse
Délivre la lumière aux tisons noirs.

Par des allées vert-citronnelle,
Les lam­beaux rouges du soleil
Peignent des îles dans le ciel
Et des ombrelles si fragiles.

Plaines fer­tiles en bon­heur, lende­mains creusés de vic­toires volées,
Que dansent des reflets dorés, sur les récoltes à mon cœur incendié !

 

Ton empreinte

Les larmes de pierre dévorées à nos lèvres serrées
Per­dent leur gangue en per­le de calcaire

Attise le feu des croy­ances ocre rouge. 
À tout per­dre elles tombent.
Offertes aux lois de l’ombre.

La sagesse résiste, attaquée, prise au piège.
Un seul nom sur la liste, feu de joie perpétuel,
Le jardin aux sup­plices, vague sourde, destructrice.

Blonde et triste, la lumière craque.
Source pro­fonde de silences profanes.

L’aveu creuse le chemin col­ore les murs,
De fresques éphémères, que le soleil disperse.
La pre­mière peur, le dernier geste.

L’amour ne rend pas les corps. 

 

Cré­pus­cule

 

Le soleil boit l’océan par dégoût
Et le crâne vidé, l’artiste se soûle de néant.

Au chevet du jour ridé,
L’e­spérance accom­pa­gne le moribond,
Guide ses pas évanouis d’at­tente vaine.

Il ne revien­dra pas ?

Les derniers traits incarnats,
Doigts de lumière liquide,
Tré­passent en jets parfumés.

Le sépul­cre est avide en con­ver­sa­tion stérile,
Quant à la gloire intrépi­de d’une pen­sée humide.

Rêve donc de bonheur !

En par­tie dévêtue,
Le vis­age peint, le sein, pierre ruis­se­lante de larmes.

La nuit coule sur tes yeux. 

 

 

 

Étreinte

Je des­sine sur ton corps une fenêtre secrète.
D’un bleu de ciel lavé fait ton cœur apparaître.
L’his­toire de ta peau, frêle enveloppe d’écume,
À mon doigt per­du, signe la route du bonheur.

Le sang frappe son lan­gage de feu,
Vibre le désir, Calme l’étreinte.
Et meurt, pris­on­nier des jours de plomb.

La for­tune salée tire ses rideaux de pluie.

Ton rire de cathé­drale éclate d’une ondée fertile
Et libère des créa­tures fantastiques. 
Au chevet de notre joie, le pâle ennui, en rêve chante.

Par une porte dérobée les sen­ti­ments usés,
Suiv­ent la course de l’été au son triste de juillet.
La brise marine, nous appelle vers le large.
Une poudre d’é­toile guide l’amour encore sage.

Sur mes cheveux liss­es courent tes ongles de granit.

 

 

 

Dans le mur­mure des hommes

 

Le désert mime des con­tes ordinaires.
Dégrafés dans le sens du vent,
Ses bribes se lient d’amitié.

Le vent marin dis­perse tes mots, notes de musique.
En cet exil min­i­mal, les sons ani­més, alignés,
Com­plices d’une par­ti­tion, con­cert d’oiseaux en cage,
Voy­age sur ton corps baigné de sable brun. 

Les songes déchirés,
À notre ombre nue ondulée,
Souf­fle des dizaines de secrets,
Absorbés, digérés, par­ties de l’hu­mus végétal.

Prends mes mains sèch­es, souf­fle la vie légère,
Tourne les âmes sans raisons.
La lune crisse bien des soirs.
Con­nais-tu d’autres histoires ?

La demeure des âges risque ses traits tirés,
De sagesse en partage.

Je sens couler l’eau chaude d’une cas­cade de vie,
Les larmes impri­ment le plaisir de ton prénom.
Mes pen­sées sont plus fortes que les mots.

 

Fleur de brume

 

Je roule entre mes doigts
Les images tièdes
Du jour qui s’éloigne
À l’éc­ume d’une vague.

Zéphyr révolté
Réclame son tribut
Aux roches nues,

Vic­times des flots,
Com­bat­tants sacrifiés.

Les mains glacées
De l’au­rore liquide
Donne un vol limpide
Aux ailes silencieuses
Des frégates.

La semence dispersée
De quelques mon­stres marins 
Chevauche les rouleaux d’argent,
Défer­lante concubine,
À la côte déchiquetée.

J’enserre mes bras figés de brume
Aux bar­ques imprudentes
Repues des fes­tins tragiques
Du grand large.

La pluie sèche
D’une foule joyeuse
Lèche le sable vierge
En grappe de bonheur.

Le corps pénétré d’exil
Je glisse, reflux de l’aube lourde,
Vers des promess­es d’orient.

 

 

 

 

Le cœur « Vent Battu »

 

Le silence amer de ta ver­tu vide le lit des fleuves aux berges déifiées.

Attablée par­mi les étoiles, ta jeunesse part en jet de pierres. 

J’in­vente pour toi
Le masque lourd de la tendresse 
Que l’on étire sur les joues.
Je place les mains autour de tes peurs
En pleur la rudesse des contours.

Les lacs brû­lent, coulent vers la mer.
Porte le deuil cru­el des assauts du vent.
Trou­ble la vue des sables du désert.

Tu par­les la langue circonflexe,
Généreuse, à l’ac­cent brisé, criblé d’injustice.
Si la mort à pro­fu­sion frappe ain­si les lions,
Le soleil mûrit sous le ciel d’or, dans ton som­meil un avenir.

Au détour d’un rire, j’ai croisé ton regard.

 

Le som­meil du funam­bule

Endormis trop tard ils sont partis !

Le silence reste
Moi qui aime la tourmente
Un rien me laisse seul
Guide mon regard
Vers ce point d’espoir. 

La trahi­son du nombre 
Sèche les doutes 
De nos instants écrit 
Sur l’é­corce du pardon 
Je cherche ma route 

Si ton som­meil existe 
Pluie de feu interdite 
Place forte libérée
Décou­vre ton sein
Calme ma nuit

Je me sou­viens des vis­ages amis.
Ils peu­plent ma mémoire 
Le crâne déchiré d’oubli 
Reste sur le seuil

Je prends ton sourire.

 

 

 

 

Mangeur d’om­bre

Dans ce pays d’ébène 
Les pier­res cognent
À la porte des rêves
Les veines tarissent
Du sang des collines épanchées.

Les Grands Vents
Tra­ver­sés d’épieux 
Dur­cis au feu de forge
Tran­spirent le labeur
Du mangeur d’ombre.

L’ob­scu­rité abrupte
Vibre encore de ta lumière
Aujour­d’hui inhab­itée, désertée
Des mor­sures tribales
Qui jadis nous tourmentaient. 

Par le ven­tre fécond
D’une mère affaiblie
Ta vio­lence glisse
Des som­mets effondrés.

Que l’en­fant seul
Con­tre mes yeux éloignés
Cherche cette par­celle d’âme
Où se brise les mœurs anciennes.

 

Signe de vie

Dans ce pays sans mémoire
La pluie prie quelques secondes
Les fruits, les fleurs, les enfants,
Man­gent la lumière aux pleurs des ruelles.

Con­sumés, dans une tisane d’embruns sucrée de courage
Les lam­beaux de pierre coulent au sail­lant des ombres qui chantent.
Du lait de tes doigts la terre jaune s’é­panche en fièvre de tourments.

Les pieds blessés emportés à midi par le chemin défon­cé des pêcheurs
Tu plies sous le boutoir des rêves démantelés.
La bouche retournée du goût âcre d’un fruit vert
Une plage se dérobe à tes pensées.

 

Sous la mitraille et dans les airs, tu suis Icare en son dédale.
La roue inutile des servi­tudes pour­rit les temps de plomb par ton exil libéré.
Tu salives l’in­quié­tude mater­nelle, les rires dég­lutis au soleil de l’enfance.

Les sou­venirs sont des plaies béantes léchées d’innocence.

 

 

Présentation de l’auteur

Arnaud Vendès

J’ai cinquante cinq ans, orig­i­naire de La Rochelle, mar­ié. Mon entrée en poésie est récente. Un beau jour la muse vous prend. C’est tout ce que je sais. La ren­con­tre avec les poésies de Saint-John Perse et Jacques Dupin servirent de déclencheur. Ensuite, il n’y a de richesse que d’hommes et de femmes, alors je me laisse porter.

  

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