Pascal Giovannetti : Le Slam ? Une ruse de sioux.

Par |2019-11-23T14:12:46+01:00 6 novembre 2019|Catégories : Essais & Chroniques, Pascal Giovannetti|

Le Slam ? Une ruse de sioux. Pour amen­er les gens à la poésie. Une organ­i­sa­tion. Et non un style ! On est Slameur juste le temps d’une Scène-Slam.

Ces élé­ments méri­tent d’être pré­cisés. Et, je vais les dévelop­per à tra­vers mon expérience.

J’ai ren­con­tré le « Slam » en août 2000. Fes­ti­val des Arts de la rue. Aurillac.

A Clans (Alpes-Mar­itimes), nous inau­gu­ri­ons la Nuit du con­te. Lud­mi­la (ma femme), Joël Laugi­er (gui­tariste) et moi avions présen­té un spec­ta­cle inti­t­ulé « In vino ver­i­tas ». Nous avions reçu propo­si­tion de le présen­ter à Auril­lac quelques semaines plus tard. Nous prîmes route vers le Can­tal. Le spec­ta­cle, nous l’avons présen­té plusieurs fois durant deux ans. Péré­gri­nant dedans Auril­lac, à l’écoute de spec­ta­cles aus­si bons les uns que les autres, j’atterris sur une place ou des poètes dis­ent leur texte. Je suis fasciné. A un point tel que l’organisateur (Pilote le Hot en l’occurrence) me pointe du doigt, pen­sant que je voulais par­ticiper. Je n’avis rien à dire n’ayant rien écrit depuis longtemps. Nous retournons à Auril­lac l’année d’après. Je suis à la recherche de cette scène de poésie. Je la trou­ve. Un car­refour en face d’une phar­ma­cie qui prête l’électricité pour la sono. J’écoute et ne dis rien. Retour à Clans. En tant que Can­nois, je reviens régulière­ment à Cannes ; J’y fréquente « Le Petit Carl­ton » nou­velle mou­ture en face de la gare. 

Il a suc­cédé au Petit Carl­ton his­torique, rue d’Antibes, qui était le ren­dez vous des fes­ti­va­liers, acteurs, réal­isa­teurs, pro­duc­teurs et autres. Les nuits étaient longues. Le ciné­ma nous imprég­nait. Thier­ry, un des serveurs, quand le bar a fer­mé, a racheté le nom et s’est instal­lé en face de la gare de Cannes ? Soirée musique avec les Naïfs, Jim­my Clay­ton… (enter­ré au car­ré des indi­gents, cimetière de Cannes). On avait financé une plaque de mar­bre pour le retrou­ver. Soirées car­toman­cie. Jeu de Go. Et soirée phi­lo aux­quelles je par­ticipe. L’organisatrice (une anci­enne per­ma­nente de la CFDT, passée des verts au MODEM et dev­enue adjointe de l’environnement du député maire (UMP) qui avait pro­posé que la peine de mort fût rétablie). Mais je m’égare. Tou­jours est-il qu’elle organ­ise une Scène Slam. Je me pointe Au Petit Carlton.

Et qui est là ? Ce type vu à Auril­lac, Pilote le Hot. Nous sym­pa­thisons et je décide d’organiser des « Scènes Slam » en lien avec la FFDSP (Fédéra­tion Française de Slam Poésie) et Pilote le Hot. C’est ain­si que tout a com­mencé.  Une Scène-Slam qui respecte les règles du Slam : pas de musique, pas d’accessoires, pas de mise en scène, pas plus de trois min­utes, un seul poème à la fois, tous les styles sont per­mis. Car ce qui compte c’est le fond et non l’artificialité d’une per­for­mance trop sou­vent dém­a­gogique. La Scène-Slam de Cannes dure deux ans. Nous par­ticipons au Grand Slam Nation­al au Lieu Unique de Nantes et à la Mai­son de la cul­ture 93 de Bobigny. Nous faisons par­tie des 20 Scènes-slam de France. Nous par­ticipons à la Coupe du monde de Poésie. Puis après c’est Belleville. Cannes s’exporte à Nice. Cave Romag­nan. Chez Manu. Nous prenons la relève et par­ticipons pen­dant plusieurs années au Grand Slam Nation­al. Nous nous inscrivons dans le mou­ve­ment inter­na­tion­al du Slam. Ini­tié par Marc Smith que j’ai ren­con­tré deux fois. Inven­teur du Slam, il voulait ren­dre vivante la poésie. Il décide de créer une nou­velle organ­i­sa­tion : le Slam. En français, tournoi. Une com­péti­tion pour que le pub­lic réagisse et ne pique pas du nez. Il décide d’organiser cela à la manière d’une com­péti­tion, d’un match qui se joue dans tout type de lieu (rue, bar, ring …) Il rédi­ge les « Chicago‘s Rules ». Un jury est tiré au sort dans le pub­lic. Il décidera du meilleur poète. Le pre­mier Grand Slam nation­al améri­cain a eu lieu à Albu­querque aux USA. C’est Saul WILLIAMS (un rappeur) qui l’a gag­né. Depuis le Slam s’est struc­turé. Une ving­taine de pays organ­ise un Grand Slam Nation­al. Com­péti­tion dans les règles de l’art. Classe­ment par équipe, classe­ment indi­vidu­el. Celui qui gagne dans son pays par­ticipe à la Coupe du monde de Poésie (avec tou­jours les mêmes règles) Je me sou­viens d’une poétesse améri­caine ; sourde et muette. Elle a dit son poème en langue des signes. Comme à l’opéra c’était sur­titré. A la Bellevil­loise, il rég­nait un silence. Nous avons enten­du des poètes du monde entier. Voilà, Pour moi, le « Slam » c’est cela. Une organ­i­sa­tion qui per­met la ren­con­tre entre poètes, poésie et pub­lic. Pour un spec­ta­cle vivant. Quels que soient les poètes et leurs styles. Le « Slam » n’est pas un style ; L’on est slameur dès lors que l’on par­ticipe à une Scène-Slam (tournoi ou scène ouverte) En dehors, l’on est un poète avec son style. Certes, des façons de déclamer peu­vent amen­er à créer un cer­tain académisme. Slamer n’existe que dans la langue française ou l’on rem­place « Slam » par « poésie ». La forme l’emportant sur le fond. Sans oubli­er que si com­péti­tion il y a, il vaut mieux une « poésie » qui flat­te l’auditoire qu’une poésie exigeante. Suiv­ez mon regard : un poète à la belle voix grave et sa béquille. Qui plait aux grand-mères et aux jeunes filles. Show-biz, sto­ry­telling. Néan­moins, le Slam à une fonc­tion pop­u­laire : démoc­ra­tis­er la poésie, lui per­me­t­tre de sor­tir des céna­cles, des boudoirs « poètes à écharpe et cha­peau ». Lors d’une Scène-Slam tout le monde est à égal­ité. Le débu­tant, la mémé poéti­sant ses vacances en Camar­gue, le per­formeur, l’improvisateur, le jeune rappeur éton­né qu’on l’écoute et qu’on l’accueille, la jeune col­légi­en­ne qui récite du Prévert, l’institutrice du Mau­rice Carême (for­cé­ment). Et tous les gens qui déci­dent de sauter le pas. Pren­dre la parole. Une parole décidée parce qu’il est ques­tion de qual­ité. Sans juge­ment. On s’écoute, on s’applaudit. L’on respecte les règles pour éviter que les ego-sur­di­men­sion­nés ne sur­di­men­sion­nent. Et les poètes qui se la pètent ne vien­nent générale­ment qu’une fois. Vexés d’être traités comme les autres. Le Slam a con­nu quelques attaques. Notam­ment Jacques Roubaud dans un arti­cle incom­préhen­si­ble du Monde diplo­ma­tique. J’y avais répon­du et le Dip­lo avait pub­lié un extrait de ma réponse (texte et réponse disponible sur demande). L’édition 2018 des Cahiers d’Eucharis a pub­lié, sous la plume de Patri­cia DAO, un très bel arti­cle sur le Slam à la cave Romag­nan (Nice). Jean-Michel ESPITALLIER, dans son livre « Caisse à out­ils : un panora­ma de la poésie française aujourd’hui, Edi­tions Pock­et », con­sacre un arti­cle au Slam et il cite les pro­pos d’une slam­meuse améri­caine quant à la notion de com­péti­tion, les mêmes pro­pos que les miens. La com­péti­tion déna­ture la qual­ité de la poésie pro­posée.  Il y aus­si « Au Cœur du Slam, Grand Corps Malade et les Nou­veaux Poètes », Héloïse GUAY DE BELLISSEN, édi­tions du Rocher.

J’ai aus­si vu pass­er un livre (« Slam, une poé­tique », Camille VORGER, Les Belles Let­tres). Encore un arti­cle d’un jour­nal­iste sta­giaire (google Pas­cal Giovannetti …).

Le Slam s’installe dans le temps et c’est une bonne chose. Avec des retours cycliques. Une fois de plus l’idée est que c’est la poésie qui prime. Toute forme de poésie. Chaque Scène-Slam a sa couleur, sa pâte, sa façon de fonc­tion­ner. S’il peut être fédéré (je pense à la FFDSP), c’est tant mieux pour la con­ver­gence inter­na­tionale de la poésie.

Pen­dant près de dix ans, j’ai été très heureux d’être le « Slam­mas­ter » par­tic­i­pant au Grand Slam Nation­al de France et d’être à l’écoute de la Coupe Inter­na­tionale Poésie (Grands moments). Peut être les années 2019–2020 annon­ceront le retour d’une équipe de la cave Romag­nan. J’y réfléchis. En atten­dant vous qui lisez cet arti­cle, sachez que vous avez le droit d’organiser une Scène-Slam là où bon vous sem­ble. Pour que vive la poésie. 

J’al­lais ramass­er des fémurs
Dans les fos­sés des cimetières
J’en fai­sais des tas
Des amoncellements
Des fagots
Une sorte de bûcher
Puis je récoltais
De la paille
Du lichen sec
Le duvet d’un oiseau tombé
A cette étoupe je met­tais le feu
C’é­tait le plus bel incendie
Don­né à voir
La promesse d’un soleil noir de cendres
Qui s’ef­forcerait de luire
Rouge et poignant d’impuissance
Der­rière le rideau de fumée
Il me fal­lait cacher le jour aux quelques humains
Qui erraient encore sur cette mau­dite terre
La cen­dre se dépose
S’assèche la rosée
Le sol n’est plus qu’une tourbe noire
S’im­pro­visent en creux la trace des pieds
L’eau stagne
Des chiens squelet­tiques vien­nent y boire
Et aucune graine n’y germe
Et peu à peu au fur et à mesure
Dis­pari­tion des hommes et des femmes
Le sol se vitrifie
Des march­es haletantes
Mon­tent la poudre des stupeurs
La pous­sière des étonnements
(Se savoir si sauvage)
La fumée pique les yeux
Tor­ture la gorge
Les bouch­es désor­mais sans salive
Le livre dépiauté
Au pied du trône
Rongé par les souris
La marche dure
Aveugle
Par­mi mon­u­ments en ruine
Par­mi arceaux d’abbaye
Qui con­nurent gloire et majesté
Comme un chef d’œuvre
Se dressent les ombres
Les pans anguleux des forter­ess­es que les brumes adoucissent
Trempe son pinceau le peintre
Sa plume l’écrivain
Dans l’en­cre noire des existences
A jamais ren­fer­mées sur elles-mêmes
Les fenêtres béantes
Ouvertes sur le vide
Livre ouvert au hasard
Coup de dé
Dans la splen­deur de l’hiver
Le brouil­lard pro­jette une bou­tique d’antiquaires
S’y vendent d’an­tiques squelettes
La mort à la criée
C’est une halte reposante
Sur le chemin
Le bord du précipice
Le moment des lèvres clos­es qui s’entrouvrent
Le tri­om­phe de la légèreté
Les hommes libérés de la loi de l’apesanteur
Les âmes s’échap­pent vers les cieux
Ascen­sion des joies en machines de Léonard
(Ou para­pluie de Mary Poppins)
Les para­chutes ascensionnels
Depuis les ther­miques du bonheur
Tout en bas
Le gris des ardoises
En échiquiers multicolores
Une libération
Une explosion
Un éclair fur­tif de contentement
Jusque dans le regard des corbeaux
S’ef­fon­drent les murailles
L’é­cho trompette de Jéricho
Vibre dans le ciel
Souf­fle tout sur son passage
C’est une élévation
Une assomption
Les hommes pren­nent de la hau­teur, de la grandeur ; ils pren­nent, les hommes, leur envol.

 

 

Présentation de l’auteur

Pascal Giovannetti

Pas­cal Gio­van­net­ti est per­formeur et organ­isa­teur de scènes slam à Nice.

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Présentation de l’auteur

Iris Cushing

Iris Mar­ble Cush­ing was born in Tarzana, CA in 1983. She has received grants and awards for her work from the Nation­al Endow­ment for the Arts and The Fred­er­ick and Frances Som­mer Foun­da­tion, as well as a writ­ing res­i­den­cy at Grand Canyon Nation­al Park in Ari­zona. Her poems have been pub­lished in the Boston Review, La Fovea, No, Dear, and oth­er places. A col­lab­o­ra­tion with pho­tog­ra­ph­er George Wood­man, How a Pic­ture Grows a World, was trans­lat­ed into Ital­ian and was the sub­ject of an exhi­bi­tion at Gale­ria Alessan­dro Bag­nai in Flo­rence, Italy. Iris lives in Brook­lyn, where she works as an edi­tor for Argos Books and for Cir­cum­fer­ence: A jour­nal of poet­ry in trans­la­tion.  

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Pas­cal Gio­van­net­ti est per­formeur et organ­isa­teur de scènes slam à Nice.

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