Sou­vent on se demande d’où naît le poème, d’où émerge la poésie. Par quelle magie, les mots se regroupent-ils et con­stituent-ils une entité attrayante ou envoûtante ?

En cher­chant l’expérience de notre pre­mier poème bal­bu­tiant, nous décou­vrons qu’il est tou­jours déjà ancien : il est un véri­ta­ble récep­ta­cle de nos sen­sa­tions,  nos sen­ti­ments,  nos idées, nos révéla­tions antérieures. Nulle part n’est pour­tant inscrit cet appren­tis­sage au poème. Dans le fatras sco­laire, les math­é­ma­tiques croisent l’anglais, la lit­téra­ture enjambe la géo­gra­phie, etc… L’école auto­suff­isante ignore l’élaboration poé­tique et réduit la poésie à la lec­ture de quelques poètes priv­ilégiés (Chénier, Ron­sard, Rim­baud, Hugo, etc.).

 C’est pourquoi l’initiative de la revue Cairns∗ 25 est  orig­i­nale, inat­ten­due, péd­a­gogique. Cette revue est une invi­ta­tion au poème, à écrire des poèmes. Enfin. Il fal­lait y penser. L’âme et l’imagination du futur poète peut-être pré­parée à la poésie. 

Cairns 25, Murs, portes ou ponts,
sep­tem­bre 2019, 9 €.

Com­ment ? L’opuscule pro­pose tout en douceur la lec­ture d’un poème écrit par des con­tem­po­rains, puis invite jeunes et  moins jeunes (élève, mem­bre d’un ate­lier d’écriture, etc.) à pass­er à l’acte poé­tique, à oser…. Ain­si des poèmes frater­nels et var­iés fleurent bon le ter­roir  avec des mou­tons auda­cieux (Kévin Bro­da), des ponts relieurs (Jacques Jou­et) ou tra­duc­teurs (Jacques Fer­lay), des portes tou­jours ouvertes (Danièle Helme) ou en train de l’être (Simon Mar­tin), des chemins de terre ou de mer (Bernard Gras­set). Un haïku de Patrick Joquel fait office d’édito : « Au milieu du pont / hom­mage aux domp­teurs du vide / et suiv­re sa route. » La pho­to d’un cairn de Lau­rent Del Fab­bro illus­tre en pier­res le pou­voir de la création.

Sous les poèmes, une propo­si­tion péd­a­gogique spé­ci­fique (en encadré) incite le par­tic­i­pant à regarder « de l’autre côté de la fenêtre » (monde réel), à con­sul­ter des œuvres pic­turales comme Hiroshige ou écouter Bach via Ros­tropovich (monde de l’art), à pass­er à l’acte (pren­dre des pho­tos de portes ou faire une expo­si­tion) et même à philoso­pher (sur le temps ou le présent écologique). Les sites des auteurs per­me­t­tent même au novice d’entrer en con­tact avec les créa­teurs de futurs « cairns »..

 Le con­texte d’écriture n’est pas pré­cisé, tout sim­ple­ment parce que la poésie est partout n’importe où. Il suf­fit d’ouvrir les yeux du corps et de l’âme.

Note

* Cairn : tumu­lus ou amas arti­fi­ciel de pier­res des­tiné à mar­quer un lieu.

image_pdfimage_print
mm

Jane Hervé

Jour­nal­iste aux Nou­velles Lit­téraires, auteure de La femme de lune (édi­tions Gal­li­mard), Née du chaos, et Le soleil ivre  (édi­tions du Guet­teur). Co-auteure de  La femme tatouée et de Neige d’amour avec le pein­tre Michel Jul­liard et co-auteure de pièces de théâtre : La légende de Guritha, femme viking et de Guritha, le retour avec Danièle Saint-Bois. janeherve@free.fr — voir aus­si : http://leguedelange.over-blog.com/