Orage sec, on entend l’été armer ses fusils. Les cuivres du soleil martèlent les heures jusqu’au blanc des façades. C’est encore le temps des cerises dans les mémoires printanières que déjà, gorge dure tendue, la terre craquelle sous la charge de juillet. Un plomb incandescent dessèche ses crevasses. Chaque tonnerre sans eau plisse davantage les sols. Haletantes, des bouches de soif vident les sources. Les portes des granges sont ouvertes, les bêtes en alpages, les mouches abandonnées dans l’air poussiéreux. Aux remblais faméliques, s’affaisse le jaune étique des herbes altérées. Les cigales psalmodient au brasier de midi et dans le mûr des blés quelques coquelicots exaltent la récolte. Ici, ailleurs, partout, la vie respire à petits coups, pendue au clou brûlant de la forge estivale.
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Un jour je suis entrée dans la maison de ton nom, c’était l’exact de ce que j’attendais. J’y suis restée et plus jamais je n’ai eu froid et plus jamais je n’ai eu peur. Qu’on ne me parle pas de cage, il s’agit là de la plus haute, de la plus absolue des libertés.
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Des traces de mots sur la neige de papier. Un chant d’alouette dans la gorge. Des miettes de paix sur le fracas des hommes. L’eau, le sel, le pain. Et même si le fer-blanc du jour fait muraille, même si la terre crevasse, même si les mains rident comme arbres d’hiver, nous sommes ceux qui ont marché pour ceux qui marcheront. Nous sommes le chemin qui porte. L’avant, l’après, pendant, autour, tout, rien, jamais, toujours. Irrationnels, réels, nous sommes le chaos, l’incertitude, et surtout l’immortel espoir. Enfants et frères du vivant toutes formes confondues, nous sommes l’appel et la présence. Et quand la houe du vivre laboure nos passages pour je ne sais quelle moisson, encore nous sommes le possible amour.
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Terre de septembre, ma Mère, comme toi je suis des derniers fruits et des guerets sanguins. Comme toi, je protège la parole donnée et la graine à venir. Au soir de lune orange sur le portant de vignes, au portail de l’ultime saison, je sais les mots de feu et les pas qui inventent la route. Des sols charnus jusques aux cimes, j’accueille tes éléments, ta généreuse constance. Dans la coupe des mains, je bois à ton exactitude. Des crinières d’arbres aux persévérances d’herbes, je chevauche tes traces avec les plumes d’ange et les abeilles en miel. Je ne cèderai rien aux dormances d’hiver, je les traverserai, riche de tes promesses. Et c’est debout, en lumière montante, que je l’écris à l’encre rouge au mordant d’un ciel qui s’embrase : solaire, je suis légitime d’aimance.
Extraits de Solaire – Éditions Chemins de Plume