Ces poèmes font partie d’un échange prévu par Marilyne Bertoncini entre l’auteur et Georges de Rivas, organisateur du Festival de Solliès-Pont, annulé cette année. En lien avec les poèmes de Georges de Rivas publiés dans ce numéro et la thématique de l’orphisme, les poètes auraient dû s’entretenir avec l’aide de la traductrice, à l’occasion d’une vidéo conférence organisée pour évoquer ce sujet, mais aussi la Poésie, bien sûr. Cet échange entre le poète et celle qui est le lien entre lui et la Francophonie n’a pas eu lieu. Ce travail démontre combien nombre de ceux qui défendent et illustrent la Poésie avaient préparé les manifestations qui auraient dû avoir lieu. Malheureusement, tout comme le Marché de la Poésie de Paris, il a fait l’objet d’un arrêté préfectoral et a été annulé au dernier moment. Nous avons voulu honorer le travail de son organisateur Georges de Rivas, et de tous ceux qui avaient prévu de venir pour certains de très loin, afin de porter témoignage de ce qu’est vive la Poésie, et porter sa parole. Nous ne sommes qu’un modeste relais, et nous remercions l’auteur pour sa contribution.
Canti del fiume più vasto
Traduction de Marilyne Bertoncini
II
Il tempo dell’abisso è rosa mistica
e il tempo delle cose è suo riflesso.
La colonna di marmo che precipita
dall’alto sprofonda nella cenere
sottomarina del Golfo-Meraviglia.
Ascolta rombi assorti di conchigilia
ronzare in pieno etere quando le ciglia
la Grande Dea dischiude che si erge
ridente, gigantesca, ineludibile
in controcielo, la Sorgente
delle cose visibili : la spiga
mietuta nel silenzio allora a Eleusis
e adesso rotearta in pieno sole
intona il mantra cieco ma rovente
della vita sorgiva, la morente
mai. Ho visto
la Nave dei Morti scivolare
lungo il Nilo e intanto stormi
di pellicani blu accoccolarsi
nella Baia dei Delfini tutti d’oro.
Tende l’arco
un Apollo distratto e già ci sfiora
sibilando in controluce il dardo aureo.
II
Le temps de l’abîme est une rose mystique
et le temps des choses son reflet.
La colonne de marbre qui s’écroule
du sommet s’engloutit dans la cendre
sous-marine du Golfe des merveilles.
Écoute la méditation vrombissante des coquillages
qui bourdonne dans l’éther lorsque les cils
ouverts, la Grande Déesse se dresse
riante, gigantesque, incontournable
à contre- ciel, Source
des choses visibles: l’épi
récolté dans le silence jadis à Eleusis
tournoie désormais en plein soleil
entonnant le mantra aveugle mais brûlant
de la vie jaillissante, la mourante
jamais. J’ai vu
la Nef des Morts glisser
le long du Nil tandis que des nuées
de pélicans bleus se blottissaient
dans la Baie des Dauphins toute d’or.
Il tend son arc
l’Apollon distrait dont nous effleure
le bruissement en contre-jour du dard doré.
III
Il mare è sterminato, sterminato
il computo delle viventi e delle morte
creature : pullulano
infinità di mondi a ogni sguardo : è questa
la prima certezza. La seconda
il lampo di sangue nella cornea
della Dea : ogni fiorire
nasconde uno sfiorire, ogni bellezza
un orrore, ogni cosa
si converte nel contrario, non riposa
mai ; La terza certezza
è il sole allo zenith,
fermo, nel suo splendore.
III
La mer est illimitée, illimité
le nombre des vivants et des morts :
les créatures pullulent
et une infinité de mondes à chaque regard : voici
la première certitude. La seconde
est l’éclair de sang dans la cornée
de la Déesse: chaque fleurir
cache un défleurir, chaque beauté
une horreur, toute chose
devient son contraire, sans répit
à jamais ; La troisième certitude
est le soleil à son zénith,
fixe, dans sa splendeur.
L’isola non ha nome, né memoria
di grappoli, licheni e balaustre
macchiate di mirtillo o profumate
distillano parole di sapienza
gli dei dell’autunno, da oltre le foglie
rosse, oro che separano lo sguardo dalle acque
torbide dentro, lucenti in superficie
del fiume, nel crepuscolo incipiente.
Gli argini sussurrano di amori
un tempo rifulgenti, voli
di falene incontro a luci
non divine come quelle che brillavano negli occhi
accesi della Ninfa mattutina. L’anima
vuole guizzi notturni e gesti rarefatti,
per vie poco battute dagli umani. La città
diviene Ade trasparente
e dolce, ma esiziale
come ogni Ade, quando il tempo
si chiude su se stesso, e spezza il volo
dei gabbiani in controcielo. Miete foglie
e anima, novembre, se Lucina
si apparta oltre il sole, e la collina
diventa un monte nero, nella sera.
restiamo accovacciati nella vita
che la Morte ci insegna con la falce,
la Mietitrice, da sempre
sulle nostre tracce, anche nel culmine
della forza giovane, dell’amore,
che già spiava da dietro la porta socchiusa
al primo ingresso del seme nel solco
genitale della mater, al primo
vagito del nascente, sempre presente
al fianco del vivente, da sempre :
conviene abbandonarsi al suo fendente
rapido o infinitamente
lento, come l’argine
cede al fiume in piena, la foglia
d’oro dell’autunno al vento
forte di tramontana che si slancia
dalle fole spigolose della Apuane
verso la valle tenera della Magra, fiume
benevolo, quasi Eden
dell’anima. Poesia
è sapienza martoriata, sguardo fermo
o tremante sull’abisso della vita
che sempre cova in sè la dipartita
per dischiudere le soglie dell’altrove :
restiamo accovacciati nell’attesa
e cogliamo i fiori della sera
e del giorno, come bimbi
che la madre li sveglia, e ancora un poco
si attardano nel caldo del lettino
consacrato dal sonno, ancora un poco…
il fiume è generoso, il dio del fiume, che distilla
una quiete da aurora primordiale
quando il sole trionfa, nell’estate
serena delle ali dispiegate
in piena libertà tra acqua e cielo,
azzuri, conciliati in perfezione
di anima e di spirito, musica
vivente
creature delle altezz e degli abissi.
Il fiume è generosoo, il dio del fiume,
con il poeta che soggiorna ore e giorni
a contemplare il flusso senza fine
che trabocca, all’orizzonte, in altre acque.
Guizzano uccelli blu cobalto in controsole.
Già si placano
le grida dei gabbiani, si avvicina
dalle gole dei monti la notturna
madre dei viventi, golfo sacro
per il palpito lontano delle stelle.
e si occulta nella tenebra anche il falco
sguardo diritto, tragitto silenzioso,
contro l’ultimo sole. Potente
è vita, potente sara morte
come fiume che scorre in piena luco e poi si ingorga
in vertigini notturne, botri, abissi
graditi a Kronos, agli dei
della materia disfatta, che è riverbero
della luce primigenia. Perfino la latrina
del corpo marcescente è vasta musica
di obeo barbarici, accordati
al deforme, all’inumano.
Ogni corpo vivente, infulgidito
dalla linfa del sangue che trascorre
ha meta nel vento che ne scortica
l’involucro di carne, libera le ossa
per lo sguardo calcinante della luna.
IV
L’île est sans nom, ni mémoire
de grappes, de lichens et de balustrades
tachées de myrtille ou parfumées
ils distillent des paroles de sagesse
les dieux de l’automne, par-delà les feuilles
rouges, or qui séparent le regard des eaux
troubles en profondeur, brillantes en surface
du fleuve, au naissant crépuscule.
Les berges bruissent d’amours
jadis resplendissants, vols
de phalènes vers des lumières
non divines comme celles qui brillaient dans les yeux
vifs de la Nymphe matinale. L’âme
veut des éclairs nocturnes , des gestes raréfiés,
le long de voies peu fréquentée des humains. La ville
devient un Hadès transparent
et doux, mais funeste
comme chaque Hadès, quand le temps
se referme sur lui-même et brise le vol
des goélands à contre- ciel. Moissonne feuilles
et âme, novembre, si Lucine
s’éloigne par-delà le soleil, et la colline
devient, le soir, une montagne noire, le soir.
nous restons blottis dans la vie
que la mort nous enseigne de sa faux,
la Faucheuse, toujours
sur nos pas, même au plus haut
de notre jeune force, de l’amour,
qui déjà derrière la porte entr’ouverte guettait
la première entrée de la graine dans le sillon
génital de la mater, le premier
vagissement du naissant, toujours présente
au flanc du vivant, depuis toujours:
mieux vaut s’abandonner à son tranchant
rapide ou infiniment
lent, comme la digue
cède à la rivière en crue, la feuille
d’or de l’automne au vent
puissant de tramontane qui se précipite
des gorges anguleuses des Alpes Apuanes
vers la tendre vallée de la Magra, fleuve
bienveillant, presque un Eden
de l’âme. La Poésie
est sagesse torturée, regard ferme
ou tremblant sur l’abîme de la vie
qui toujours en soi couve le trépas
pour dévoiler les seuils de l’au-delà :
nous restons blottis dans l’attente
cueillant les fleurs du soir
et du jour, comme des enfants
que leur mère réveille, et qui encore un peu
s’attardent dans la chaleur du lit
consacré par le sommeil, encore un peu …
le fleuve est généreux, le dieu du fleuve, qui distille
un calme d’aube primordiale
quand le soleil triomphe, dans l’été
serein des ailes déployées
en pleine liberté entre l’eau et le ciel,
azurs réconciliés dans la perfection
de l’âme et de l’esprit, musique
vivante
créatures des cimes et des abîmes.
Le fleuve est généreux, le dieu du fleuve,
pour le poète qui des heures et des jours demeure
à contempler le flux sans fin
qui se déverse, à l’horizon, dans d’autres eaux.
Des oiseaux bleu cobalt scintillent à contre- soleil.
Déjà se calment
les cris des goélands s’approche
des gorges des montagnes la nuit
mère des vivants, golfe sacré
pour la lointaine palpitation des étoiles.
et se cache dans les ténèbres le faucon même
regard droit, silencieux trajet,
vers le dernier soleil. Puissante
la vie, puissante sera la mort
comme un fleuve qui coule en pleine lumière puis s’engorge
en vertiges nocturnes, fossés, abîmes
qui plaisent à Kronos, aux dieux
de la matière défaite, réverbération
de la lumière primitive. Même le cloaque
du corps en décomposition est une vaste musique
de barbares haut-bois, accordés
au difforme, à l’inhumain.
Chaque corps vivant, resplendissant
de la lymphe sanguine qui le parcourt
trouve destin dans le vent qui écorche
son enveloppe de chair, libère les os
sous le regard calcinant de la lune.