Jean-Pierre Thuillat, c’est certes le médiéviste, le poète, l’amoureux de la langue occitane, celui qui aimait « (rechercher) des cèpes en automne sous la pluie » (Titre de son livre de 1998 chez Jean Le Mauve), c’est Friches, ces Cahiers de Poésie Verte, et ses 131 numéros, le fondateur et l’animateur infatigable de cette revue de poésie qu’il saura faire évoluer depuis 1983 jusqu’au N°131. C’était il y a peu.
Lié à la revue La Sape qu’animait maurice Bourg à Montgeron, je me suis rapproché de Jean-Pierre Thuillat et de sa revue dès le N°21en 1987, je crois…
Je viens de regarder ma quarantaine de participation à la revue dont j’ai rejoint le Comité des « collaborateurs essentiels » — c’était son expression – dès 1997 et les 14 dossiers importants que j’ai eu le bonheur de diriger : Gaston Puel (N°42), Yves Bonnefoy (N°52), Jean-Vincent Verdonnet (N°57), Michel Butor ( N°61), Marc Alyn ( N°65), René Nelli (N°81), Salah Stétié (N°86 avec Daniel Aranjo), Lorand Gaspar (N°96), Jean-Max Tixier (N°103), Daniel Biga (N°112), Jean-Marie Barnaud (N°118), André Velter (N°121), Jacques Ancet (N°124), Claude Ber (N°127), Jean-Pierre Siméon (N°130).
J’ai refeuilleté ma « chemise Jean-Pierre Thuillat » avec grande émotion….plus de trente années de relations depuis le loin où la distance m’obligeait à me tenir excepté pour les 25 ans où nous sommes venus avec Marie Jo jusqu’à Saint-Yrieix… Je revois la cérémonie, les lectures, la balade en bus en terre troubadouresque…
Je le savais fatigué mais il était si discret… « Sous le choc », c’est ainsi qu’il titrait l’article qu’il consacrait au décès brutal de Jean-Max Tixier alors que nous étions en train de monter un dossier sur son parcours en poésie. C’est ainsi que j’ai appris brutalement cette mauvaise nouvelle, transmise par Alain Lacouchie via Face Book. Un choc.
Le pré restera vide. Je ne peux pas ne pas relire Parabole pour un arbre seul paru chez Jean Le Mauve en 1992.
Jean-Pierre Thuillat donnait à y voir un arbre, seul, dans un grand pré vide, serein. « Il demeure là / impassible » écrivait Jean-Pierre. Cet arbre se contentait d’exister. Il s’affirmait par sa seule présence. Inaperçu, inécouté, dans le bruit et la fureur du monde. Il restait là. A Côté. A deux pas. A quelques mots d’ici comme une réserve de vie, dans ces sombres temps.
Tel était l’arbre de Jean-Pierre Thuillat, tel était pour lui, le poète. Il l’est resté.
Dans ce livre, si Jean-Pierre Thuillat montrait de la tendresse pour « tous ceux / pour qui bouger c’est vivre / tous les Cendrars (…) tous les bourlingueurs / dévoreurs d’absolus », il montrait bien comment il entendait se tenir à l’abri de cette détresse qui jette sur les routes où « à poursuivre le vent : on épuise soin souffle ». Parce qu’il « sait rester à la même place », il ne confond plus « vivre et bouger ». Non ! L’enracinement de l’arbre-poète de Jean-Pierre Thuillat n’a rien à voir avec je ne sais quel repliement sur un chez soi frileux – son pré n’est pas sa niche – aux tristes échos toujours étriqués. Au contraire, l’enracinement est ici ouverture : « arrimé à sa terre natale / il apprécie le monde » et s’il pousse loin ses racines dans le sol, c’est pour mieux ouvrir son feuillage au ciel du monde. Ainsi s’ouvrait la revue aux écritures diverses qui lui parvenaient. De cela témoignait aussi le concours « troubadours / trobadors » qu’il avait initié et qui tous les 2 ans distinguait un manuscrit que la revue publiait.
Jean-Pierre Thuillat donnait à y voir un arbre, seul, dans un grand pré vide, serein. « Il demeure là / impassible » écrivait Jean-Pierre. Cet arbre se contentait d’exister. Il s’affirmait par sa seule présence. Inaperçu, inécouté, dans le bruit et la fureur du monde. Il restait là. A Côté. A deux pas. A quelques mots d’ici comme une réserve de vie, dans ces sombres temps.
Tel était l’arbre de Jean-Pierre Thuillat, tel était pour lui, le poète. Il l’est resté.
Dans ce livre, si Jean-Pierre Thuillat montrait de la tendresse pour « tous ceux / pour qui bouger c’est vivre / tous les Cendrars (…) tous les bourlingueurs / dévoreurs d’absolus », il montrait bien comment il entendait se tenir à l’abri de cette détresse qui jette sur les routes où « à poursuivre le vent : on épuise soin souffle ». Parce qu’il « sait rester à la même place », il ne confond plus « vivre et bouger ». Non ! L’enracinement de l’arbre-poète de Jean-Pierre Thuillat n’a rien à voir avec je ne sais quel repliement sur un chez soi frileux – son pré n’est pas sa niche – aux tristes échos toujours étriqués. Au contraire, l’enracinement est ici ouverture : « arrimé à sa terre natale / il apprécie le monde » et s’il pousse loin ses racines dans le sol, c’est pour mieux ouvrir son feuillage au ciel du monde. Ainsi s’ouvrait la revue aux écritures diverses qui lui parvenaient. De cela témoignait aussi le concours « troubadours / trobadors » qu’il avait initié et qui tous les 2 ans distinguait un manuscrit que la revue publiait.
En hommage à Jean-Pierre Thuillat, j’aimerais offrir à ceux qui passent et fréquentent le site Recours au poème, ces pages qu’il m’avait confiées pour ce Lézard amoureux que publiait l’Académie de Nice à destination des Ecoles et Collèges de l’Académie de Nice. Le lézard amoureux a connu 7 livraisons entre 1997 et 2005. Tous les CDI des collèges et lycées de l’Académie de Nice le recevaient. On y trouvait des poèmes d’élèves – ceux retenus lors des Rencontres des Ecritures Poétiques organisées par l’Académie de Nice – qu’accompagnaient les poètes que nous sollicitions avec un de leurs poèmes et un poème qu’ils choisissaient dans l’histoire de la poésie, l’idée était de brancher aujourd’hui sur hier pour faire entendre quelque chose de demain A côté de son texte où se trouve dénoncé Moloch, Jean-Pierre nous avait offert deux strophes du troubadour Bertran De Born (vers 1140-après 1202) en langue occitane qu’il avait traduit – on se souvient qu’il avait consacré un livre au troubadour limousin en 2009 aux éditions Fanlac. S’y trouvait chanté la « noble et courtoise terre » du limousin. Terre aimée à laquelle il resta attaché et de laquelle il aimait « laisser monter la voix des choses » comme l’écrivait son amie Josette Segura, animatrice de la belle maison d’éditions de « l’Arrière-Pays ».
Mémorial pour le siècle XX
Il commence à Sarajevo pour s’achever à Pristina
Ça fait pas beaucoup de chemin juste un détour par Oradour
Une fleur sur Hiroshima.
Les hommes s’ennuient sur la Terre il faut bien s’amuser un peu.
Un peu de femme un peu de guerre du vin des larmes du sang
Et l’on repart la coupe pleine.
Ronds de fumée sur Tréblinka et ronds de cuir sur la Garonne.
Qu’elle est belle l’église en flamme avec tous ces enfants dedans.
J’entends le hurlement des femmes.
On n’est plus au douzième siècle la barbarie c’est aujourd’hui.
A Tokyo New York ou Paris les sans-papiers les sans-familles
Hantent les rues de l’opulence.
La guerre est partout dans le monde on tue les enfants par millions.
Ceux qui survivent on les prépare à devenir bourreaux demain.
Ainsi se perpétue le Monstre.
Il commence à Sarajevo pour s’achever à Pristina
Ça fait pas beaucoup de chemin juste un détour par Oradour
Une fleur pour Hiroshima.
(4 novembre 1999 – Retour du village –martyre d’Oradour-sur-Glane)
.
Le choix de Jean-Pierre Thuillat
A ! Lemozin, francha terra cortesa,
Molt me sap bo qar tals honors vos creis,
Qe jois e prez e deportz e gaiesa,
Cortesia e solatz e dompneis
S’en ven a nos ; el cor estei anceis !
Be‑s deu gardar qui a druz se depeis
Per qals obras deu esser dompa qesa.
Dos e servirs e garnirs e largesa
Noiris amors com fai l’aiga los peis,
Enseignamenz e valors e proesa,
Armas e cortz e guerras e torneis.
E qui pros es ni de proesa‑s feis,
Mal estara, s’aoras non pareis,
Pos Na Guiscarda nos es sai tramesa.
Bertran De Born (vers 1140 – après 1202)
Ah ! Limousin, noble et courtoise terre,
Il me plait fort qu’un tel honneur t’arrive
Car joie et mérite, plaisir et gaieté,
Courtoisie, distractions et libertinages
Viennent à nous ; que nos cœurs en soient remplis !
Qui s’est voulu amant se doit d’être attentif
Aux actions par lesquelles on peut plaire à une dame.
Cadeaux et services, parures et largesses
Nourrissent l’amour comme l’eau les poissons,
Comme aussi les manières, la valeur, les prouesses
Les armes, les cours, les guerres et les tournois.
Et pour qui est preux, il ne conviendra guère
S’il s’en est vanté, de ne pas le montrer à présent
Puisque Dame Guicharde nous est ici conduite.
Traduit de l’occitan par Jean-Pierre Thuillat