Poète iconoclaste, co-fondateur de la librairie City Lights Bookseller and Publishers, qui a fait connaître les travaux de Jack Kerouac, Allen Ginsberg, et les auteurs de la Beat Generation, Lawrence Ferlinghetti vient de s’éteindre à 101 ans.
Fils d’immigrants italiens installés à New-York, il étudie aussi à La Sorbonne, et rencontre Breton, Artaud ou Prévert… Enseignant, critique littéraire, peintre, il ouvre, en plein maccarthysme, à San Francisco, une librairie nommée City Lights, puis une maison d’édition de poésie, qui l’amènera devant la justice pour la publication de HOWL, d’Allan Gisberg, taxée d’obscénité, et la plainte sera déboutée.
Il lance aussi l’une des premières collections au format de poche : le Pocket Poets.
En 2009, il devient membre honoraire du mouvement Immagine e Poesia, né à Turin, et une exposition de ses oeuvres, en 2020, à Rome et en Calabre, démontre sa démarche alliant poésie et peinture.
Défenseur d’un art non élitaire, sa poésie aborde les grands problèmes politiques et sociétaux — dont témoigne le titre Poésie, Art de l’Insurrection, publié en français aux éditions Maelstrom en 2012 (traduction Marianne Costa — éd. originale NYC 2007)
Ses Carnets de route, la vie vagabonde, 1960–2020, sont publiés au Seuil en 2019.
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On signalera aussi, dans une abondante bibliographie, Amant des gares, un titre publié directement en Français aux éditions Le Temps des Cerises en 1990.
En hommage à ce passeur de poésie cultivé et plein d’humour, qui a laissé à tous ceux qui l’ont rencontré un inoubliable souvenir, je vous propose la traduction du poème “Cro-Magnons”, par lequel je l’ai rencontré.
Les Cro-Magnons
Les Cro-Magnons avaient des pierres en guise de livres
Et une pierre noire et plate que j’ai trouvée
m’a donné à lire
les histoires copie-carbone
d’un bonhomme étrange
dans les fines empreintes fossiles pressées
entre les pages de l’âge de pierre
les premières syllabes du temps enregistré
transformé en message igné
à propos du premier déclin et chute
et du premier désaccord des espèces.
Si bien que
la brisant pour l’ouvrir j’ai découvert
l’ombre d’un lézard sur les marches
d’une annexe de librairie alexandrine
dans un brillant éclair de soleil
Et dans un tremblement de langue de ce lézard
en un instant figé de temps carbonisé
j’ai déchiffré l’éternité.
(trad. Marilyne Bertoncini)
The Beat Book edited by Anne Waldman, Shambala publishers. Boston 1999