Philippe Jaccottet, lauréat de nombreux prix dont le Goncourt de la poésie en 2003, et publié dans les éditions « La Pléiade » en 2014, est décédé dans la nuit de mercredi à jeudi 24 février à l’âge de 95 ans. Il s’est éteint à son domicile de Grignan, dans la Drôme.
Il a fait partie du petit groupe d’écrivains admis de son vivant à la Bibliothèque de la Pléiade de la maison d’édition Gallimard. Né en 1925 à Moudon, et a été scolarisé à Lausanne où il suivra les cours de Littérature à l’université. En 1953 il publie son premier recueil chez Gallimard, L’Effraie et Autres Poésies.
Deux rencontres vont donner une impulsion importante à sa vocation. Celle de Gustave Roud, d’abord, qui deviendra son ami, et le modèle d’une conception de la poésie. Autre rencontre décisive, l’éditeur Henry-Louis Mermod, qui lui confie une première traduction, celle de La Mort à Venise, de Thomas Mann, et publie en 1947 son poème Requiem, inspiré par un tragique épisode du maquis du Vercors.
En 1946 Philippe Jaccottet découvre l’Italie; lors d’un premier voyage à Rome, il fait la connaissance d’Ungaretti, dont il sera bientôt l’ami et plus tard le traducteur. Il s’installe à Paris où il travaille pour Mermod et découvre le milieu littéraire. Il y noue des amitiés avec Francis Ponge, Henri Thomas, Pierre Leyris. Au contact de ces fortes personnalités, Jaccottet mûrit ses choix poétiques et personnels. Après L’Effraie Philippe Jaccottet entérine une collaboration avec la NRF, qui durera quarante ans. La même année, il épouse la peintre Anne-Marie Haesler, d’origine neuchâteloise, et le couple s’installe définitivement à Grignan, dans la Drôme.
A Grignan, loin du milieu littéraire, ses traductions et son travail de critique permettent à Philippe Jaccottet de vivre tout en sauvegardant l’espace de liberté dans lequel il pourra déployer son écriture poétique. Les amitiés, les fêtes, la musique, constituent aussi cet art de vivre que le poète a su préserver, entre intimité et solitude et une pléiade d’amis et de rencontres.
Avec une immense œuvre poétique et critique, ses traductions, guidées par le souci de trouver la parole juste, ont fait connaître en France l’écrivain autrichien Musil (L’Homme sans qualités), le Russe Mandelstam, l’Italien Ungaretti ainsi qu’une part considérable de Rilke – dont la Correspondance avec Lou Andreas-Salomé. On lui doit également une transposition de L’Odyssée d’Homère, des vers de Hölderlin et de Mort à Venise de Thomas Mann.
Un immense Poète, Homme non moins considérable, nous a quittés.
Que la fin nous illumine
Sombre ennemi qui nous combats et nous resserres,
laisse-moi, dans le peu de jours que je détiens,
vouer ma faiblesse et ma force à la lumière :
et que je sois changé en éclair à la fin.
Moins il y a d’avidité et de faconde
en nos propos, mieux on les néglige pour voir
jusque dans leur hésitation briller le monde
entre le matin ivre et la légèreté du soir.
Moins nos larmes apparaîtront brouillant nos yeux
et nos personnes par la crainte garrottées,
plus les regards iront s’éclaircissant et mieux
les égarés verront les portes enterrées.
L’effacement soit ma façon de resplendir,
la pauvreté surcharge de fruits notre table,
la mort, prochaine ou vague selon son désir,
soit l’aliment de la lumière inépuisable.
© Gallimard
Comme le Martin pêcheur prend feu, Philippe Jaccottet, lu par l’auteur, “Poème”, 2016.
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