Avec 13, court recueil vraisemblablement édité « chez l’auteur », à une époque où trouver un éditeur pourrait sembler facile, tant abondent les maisons d’éditions, mais ne l’est pas en réalité, et ressemble souvent à un parcours particulièrement harassant, voire décourageant, Daniel Brochard donne à lire un ensemble de treize textes, simplement numérotés en chiffres romains, qui ne laissent pas indifférents.
Distribués sur la page à la manière du poème « Un coup de dés » (la référence à Mallarmé se trouve peut-être dans le poème VI : « Le jeu de dés / dans la naissance du jour »), les mots forment des constellations de signes, parfois seuls, parfois assemblés en groupes excédant rarement quatre mots :
Mot dire un sens
à l’univers
dégoupiller un mot sur
une étoile » (I).
Daniel Brochard, 13.
Daniel Brochard, dès ce poème inaugural aborde le thème central en poésie, thème qu’il ne lâchera pas dans la suite du recueil, du « mot » et du « langage ».
Le mot est une « grenade » puisqu’on le dégoupille (I), le mot a quelque chose à voir avec une sorte de « big bang » se produisant dans une galaxie lointaine.
Plus loin on demande de « Fuir les extrêmes de la poésie / les mots sont rudes / une envolée de matière / entre deux hémisphères » (III). Le recueil a ainsi quelque chose d’un « art poétique », mais aussi quelque chose, semble-t-il, d’un retour d’expérience au contact, peut-être rugueux et problématique, des mots.
Ainsi le mot est tantôt « conscience du doute » (VII) ; ailleurs il est dit qu’il est « Facile de se cacher la tête dans les mots » (X) ; plus loin encore « Les mots / poussent / dans les arbres », et l’on pose la question « Y a‑t-il un abri pour les mots ? » (XII). Le poème XIII exprime vraisemblablement le mécanisme de la création :
Le mot juste à trouver
L’étincelle.
Tout se dit par les mots.
L’univers est né d’un mot
d’une idée
d’une notion.
Ainsi le poète, sans qu’à aucun moment s’installe l’idée qu’il pourrait s’agir d’un exercice vain, propose au lecteur une excursion au sein de la galaxie du langage, dont on devine qu’elle constitue pour lui un espace quasi infini qui a partie liée avec le mystère, mystère que les mots sont censés lever (« Le mot / dit / l’ombre », V), mystère que leur ambiguïté promeut parfois (« Mot phare / Mot / Ment », IV), mystère des mots eux-mêmes (« nous ne savons rien des mots », VII), mystère de la vie des mots (« Quand le mot / revient / seul. / Il n’est jamais trop tard », V), mystère du mot créateur de mondes (« Il y aura l’extrême fin / dans la conscience du tout / un mot comme une délivrance / au tout début du monde », II).
Il va sans dire que la lecture de ce mince recueil, de format carré, sensible, mais retenu, suscite l’intérêt du lecteur. On y évolue dans un univers dont les composantes sont à la fois stellaires et maritimes. On y voit passer des voiliers, des bateaux, mais aussi le temps (« la clepsydre / au cœur de l’étoile », V).
Éclaté, l’univers du poète distribue à sa guise les élément d’un décor imaginaire (« Le vent dans les voiles de la nuit », V) dont les motifs reviennent de poème en poème : nuit, étoile, bateau, phare…
Pour finir, une affirmation presque pascalienne : « Seul le mot dissipe l’ennui » (VI).
Présentation de l’auteur
- Daniel Brochard, 13 - 6 octobre 2021
- Russie. L’Immense et l’intime - 20 avril 2021
- Mathias Lair, Écrire avec Thelonious - 5 janvier 2021
- Laurent Faugeras, Les Joues mordues - 21 mars 2020
- Joëlle Pétillot, Le Bal des choses immobiles - 26 février 2020
- Autour des éditions Rougerie - 6 novembre 2019