La Main Millénaire,
une aventure poétique de l’automne 2011 au printemps 2020,
à l’instigation de Jean-Pierre Védrines
« Cet homme qui ressemble à la terre, / peau d’écorce, chair d’aubier, / jambes de racines torses, / oint du musc des troupeaux, / qui marche toujours sur les sentes / où mugit la conscience perdue / dans la rumination des siècles / c’est moi. » : ainsi se présentait Frédéric Jacques Temple dans La Chasse infinie, main tendue au temps qui passe, main millénaire de la poésie portée par ce corps qui traversa « la rumination des siècles », formule qui scella l’amitié entre Jean-Pierre Védrines qui lui emprunta l’association des deux mots pour lancer l’aventure éditoriale d’une revue respirant le sud, la camaraderie, la création et cet « homme de silence » auquel ce dernier rendit par ailleurs un hommage repris dans l’ouvrage des éditions Domens / Méridianes : Dans le soleil de tes mots, En mémoire de Frédéric Jacques Temple dans lequel l’image des mains ouvertes aux possibles revient sous sa plume : « L’homme était debout en lui. L’existence entre ses mains paraissait simple et belle. Que ce soit le frémissement des peupliers ou l’ocre du ciel, tout portait la trace de son cœur. Frédéric Jacques Temple était un homme de silence qui cheminait à la crête du vent, un coureur de routes, « un arbre voyageur ». »
Dans la sobriété élégante d’un format poche, avec une couverture au frontispice artistique sous lequel les yeux peuvent parcourir à loisir toute une constellation d’auteurs embarqués dans l’équipage du numéro édité ainsi qu’une quatrième de couverture reproduisant la couverture le plus souvent d’un ouvrage à paraître, le dernier numéro 22, du printemps 2020, porté sans doute par l’intuition de la disparition de la figure emblématique proposant ainsi celle de la quintessence de l’œuvre de Frédéric Jacques Temple, intitulée encore La Chasse infinie et autres poèmes dans la collection Poésie / Gallimard. Mais également derrière la figure de proue d’un navire nommé littérature méditerranéenne, pour lequel « L’écrire n’est qu’une des nombreuses formes du vivre. », à son instar, l’éditorialiste avait ciselé son aphorisme qu’il plaçait avant son appel tant à l’abonnement qu’à la créativité : « La poésie est l’une des meilleures façons d’être au monde. » Plus qu’un modus vivendi, Jean-Pierre Védrines se fit porte-voix d’une pluralité d’expérimentations esthétiques et d’engagements éthiques, dont la diversité des textes en lumière laissait tant la place aux aînés glorieux qu’aux débutants enthousiastes, dans une authentique politique d’auteurs, des régions du sud ou d’ailleurs, largement ouverte à la création sous toutes ses formes, et ce dès le premier numéro, dont le poème du maître d’œuvre, La naissance du monde, semble nous parler toujours de la richesse de ces mondes divers contenus dans notre univers commun, tous réunis par cette quête aussi personnelle qu’indivisible du mot juste, du mot précis, Le dernier mot cependant…
C’est fort de l’universalité dans l’acte d’écrire que Jean-Pierre Védrines rédige la philosophie de l’éditorial de son deuxième numéro, hiver printemps 2012, placé sous le signe d’un tel regain, d’intérêt, de curiosité et d’énergie, qu’il ne peut envisager que collectivement : « Notre modeste revue se veut au service de la poésie et des poètes, au service des écritures de la vie. Poésie de ceux qui écrivent aujourd’hui, poésie de l’événement, poésie du fragment…
La Main Millénaire n°1 (automne 2011), « Revue de promotion littéraire et artistique » annuelle, Lunel (126, rue du Canneau, 34400). Association La Main Millénaire dirigée par Jean-Pierre Védrines / Comité de réd. : Julien Fortier, Ida Jaroschek, Vincent Tricarico, Catherine Bergerot-Jones, Renaud Vignal-Ranz, Quine Chevalier, André Morel, Marthe Barris, Françoise et Jean-Pierre Védrines
Ce deuxième numéro nous apporte des poèmes et des textes qui révèlent la passion des poètes pour les mots, affirmant par là-même que le langage est essentiel dans l’approche de l’être humain. Habiter en poésie, c’est habiter l’être humain dans ses tempêtes, c’est le hisser à la hauteur de la dimension cosmique de l’être. » : véritable invitation à habiter poétiquement le monde qui trouve sa percée énigmatique dans l’humilité de l’éditorial du vingt-deuxième numéro, printemps 2020, Le cri du dormeur dévisse, aveu d’insomnie vigilante sur ce foyer des mots qui couve dans l’ultime exemplaire de la revue : « Pour conclure, je complète ma fiche par ces quelques mots : s’il y a des blancs dans cette vie, comme le dit Modiano, ils viennent, sans nul doute, de cet ancien bleu du ciel rédigé à l’encre noire. De l’homme rivé à sa forge d’images. »
Blanc de la vie, bleu du ciel, noir de l’encre, toute une palette du mystère que peint dans ces mille-et-unes nuances cette main millénaire, comme un passage de témoin, au fil du temps, entre la main de Frédéric Jacques Temple et celle de Jean Pierre Védrines ainsi que toutes ces mains qui ont contribué de numéro en numéro, qui en ont parcouru une à une les diverses rubriques, Dans le grain répandu, Une flamme en un mot, Le corps des mondes perdus, Plus loin que la ligne, Fragment, Un fruit pour la main droite, etc. comme des sésames de territoires enfouis sous ces hautes terres plus vastes que sont celles traversées des sillons de la poésie, sillons de l’écriture et de son envers, la lecture, sillons de partage et de voyage en ce palimpseste où se croisent, s’effacent, se raturent, se devinent encore et se lisent toujours les lignes d’une main tendue, que l’on souhaite pourtant « millénaire », et qui œuvra déjà pendant dix années, à l’aube de ce XXIème siècle…
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