Gabor G Gyukics est un poète, jazzman et traducteur littéraire né à Budapest. Ses œuvres poétiques et ses traductions ont été publiées dans plus de 200 magazines et anthologies en anglais, en hongrois et dans d’autres langues dans le monde entier. En 2018, il a publié son premier CD de poésie jazz en anglais intitulé Vibration of Words avec trois étonnants musiciens de jazz hongrois et a créé la première série de lectures Open Mike and Jazz Poetry en Hongrie en 2000. La poésie de G. Gyukics nous touche car elle exprime la densité du monde en révélant les liens étroits qui existent entre le proche et le lointain. On a pu la comparer à la poésie hermétique, à celle des Indiens d’Amérique et de l’Extrême-Orient.
Traduction de Christophe Martin
en attendant l’apparition des peaux de pastèques
je regarde le fleuve
si lent
c’est à peine
si je vois
son courant
des heures durant je l’observe
avant
de tourner le dos à l’eau
pendant ce temps
ils ont construit un mur derrière moi
je me retourne vers le fleuve
dedans
toutes ces peaux de pastèques
que mordent les poissons.
a felbukkanó dinnyehéjra várva
nézem a folyót
lassú
figyelnem kell
hogy lássam
merre halad
órákig bámulom
mielőtt
hátat fordítok a víznek
amíg néztem
falat húztak mögém
visszafordulok a folyóhoz
benne
rengeteg dinnyehéj
harapdálják a halak
jeu d’enfant
de sa main il marque l’eau
entre ses doigts il serre les gouttes
sur sa paume il élève les mots
son oreille attrappe les sons
son pied disperse les cailloux
le vent plisse ses yeux
devant toute cette lumière il cherche l’ombre
lui seul parle cette langue.
gyerekjáték
kezével markolja a vizet
ujjai közt préseli a cseppet
tenyerére emeli a szavakat
fülével hangokat kap el
lábával kavicsot perget
a szélnek szemet huny
a fény elől árnyékába lép
egyedül beszéli ezt a nyelvet
Poésie de Gyukics Gabor avec Dora Attila & Bori Viktor. Filmé à Budapest, le 16 janvier 2017 par Human Error Publishing, au GodorKlubban à Jazzkolteszeti.
Porte bonheur
près de l’armoire
sur le plancher
de la véranda à la cuisine sur le tapis
il a vidé ses poches
il a cherché une dernière fois
las
il sait
que c’est en vain
des années qu’il ne trouve rien
de tant de villes pourtant il a inspecté
les recoins
il ne se rappelle plus
où il l’a perdu.
Hét krajcár
a szekrény mellett
a hajópadlón
a verandától-konyháig szőnyegre
ürítette zsebeit
a keresés utolsó fázisa
elfáradt
tudja
hiába
évek óta nem találja
átnézte pedig sok város
zegzugát
nem emlékszik
hol hagyta el
Longue promenade
Sur son téléphone à force d’appeler,
Les numéros se sont usés.
Il a fait froid dehors,
Il a enfilé des chaussettes, un pantalon,
Il a mis une chemise, un pullover, des chaussures, un manteau,
Une écharpe autour de son cou,
Un chapeau sur sa tête.
Il s’en va voir tous les gens qu’il connaît.
Hosszú séta
Telefonján a sok tárcsázástól
Elkoptak a számok.
Hideg volt odakint,
Zoknit húzott, nadrágot,
Inget vett fel, pulóvert, cipôt, kabátot,
Sálat nyaka köré,
Kalapot fejére.
Meglátogatja összes ismerősét.
A l’aéroport
Tu ne pleurais pas
Un demi-sourire collé sur ton visage
Tu t’occupais à ceci à cela
Tu as regardé ma valise
Quand tes doigts ne trouvèrent plus rien
Autour de toi
Rien que moi
Ce manteau jaune te va bien
Dis-je
Au lieu de: je reviendrai
Tu l’as enlevé
Puis tu l’as mis dans ton sac.
Repülőtéren
Nem sírtál
Félmosolyt ragasztottál arcodra
Elfoglaltad magad evvel avval
Bőröndömet bámultad
Amikor már semmi érinteni valót
Nem találtál magad körül
Csak engem
Jól áll rajtad ez a sárga raglán
Mondtam
Visszajövök helyett
Levetetted
És a táskádba raktad
Gabor G. Gyukics lit sa propre poésie et celle d’Attila József en anglais.
Né en 1969 dans l’Ouest de la France, passe son enfance en Bourgogne. Etudes d’allemand à Dijon, Mayence, Vienne et Paris. Nombreux séjours en Europe centrale, notamment en Hongrie, dont il apprend la langue. Il séjourne aussi deux ans au Mali. Professeur agrégé d’allemand, enseigne aujourd’hui dans l’académie de Lille. A publié des traductions philosophiques, des nouvelles et des poèmes, ainsi qu’un essai consacré à l’écrivain suisse Paul Nizon (voir ci-dessous pour plus de détails).
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Publications
Hors jeu, roman, Editions Saint Martin (Roubaix, 2006).
Le nez de Rocheteau, nouvelles, Editions Saint Martin (Roubaix, 2011).
Le long de la voie ferrée, nouvelles, Editions Saint Martin (Roubaix, 2013).
Peintures, nouvelles, Editions Saint-Martin (Roubaix, 2015).
Parisiana, article de critique littéraire (Revue Germanica n°57, décembre 2015).
L’aventure du je – essai sur Paul Nizon, Editions Saint Martin (Roubaix – 2016).
Scènes, poèmes, Editions Saint Martin (Roubaix – 2020).
Traductions :
La notion de significativité et la transformation de l’herméneutique, traduction de la contribution de Gunter Scholtz au colloque ‘Les instruments de la compréhension – Enquête sur les concepts d’herméneutique’, organisé par Christian Berner et Denis Thouard, publiée dans Sens et interprétation — pour une introduction à l’herméneutique (Presses Universitaires du Septentrion, octobre 2008). Traduction reprise dans L’Interprétation, dictionnaire philosophique (Vrin, 2015).
La structure phénoménologique de la poésie de Rilke, Käte Hamburger (Po&sie n°127 juin 2009).
De la maison de l’Être à la colonie pénitentiaire – Ingeborg Bachmann et Martin Heidegger, Barbara Agnese (Po&sie n°130, avril 2010).