Précision sur la typographie
Dans ce texte, les apostrophes sont utilisées pour ajouter ou enlever un « e » muet quand je l’estime nécessaire pour le respect de l’octosyllabe. Lorsque l’apostrophe précède un « e », il est ajouté : « Seul’e le soleil’le nous voit ». Ici, le vers compte 8 syllabes.
Lorsque l’apostrophe au contraire est mise à la place d’un « e » muet qui serait attendu, comme dans : « J’avanc’ toujours au bord de l’eau »
On prononce bien « J’avance » et non « J’avanc », mais on ne distingue pas le dernier « e » comme une syllabe à part entière, on prononce « J’a‑vance » en deux syllabes comme à l’oral, et pas « J’a‑van-ce » en trois syllabes.
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Elza : Passent les jours et les années
Sur leur bicyclette légère
Regarde ta vie s’en aller
Pourquoi vivre
J’ai fait le compte et le décompte
Des quelques moments qu’il me reste
Les deux trois décennies passées
Ce que je pourrais espérer
Et tout ce que je n’ai pas eu
Ce qui n’arrivera jamais
Qui n’arrivera jamais plus
Tout ce que je n’ai pas vécu
Pèse plus lourd je vous le jure
Que les quelques pauvres plaisirs
Retrouvés dans mes souvenirs
Les tiroirs de mes souvenirs
Presque vides
Pourquoi vivre
Pourquoi lutter entretenir
Le jardin où ils ne sont pas
Les fruits pourriront sur les arbres
Seul’e le soleil’le nous voit
Ma jeuness’ qui attendait là
Personn’ personne ne l’a prise
Offerte ouverte à bout de bras
Sur tout’s les branch’s de tous les arbres
Ça fait si mal’e de le dire
Je voulais que quelqu’un m’embrasse
Me délivre
Pourquoi vivre
Maintenant l’été est fini
Les fruits ont pourri sur les arbres
Ça fait si mal’e de le voir
Plus personne ne va venir
Des gens mouraient le ventre vide
Les journaux parlaient de famine
Et tous les fruits pourrissaient là
Offerts ouverts à bout de bras
Oh que tout cela est stupide
Si stupide
Pourquoi vivre
Mon corps est une maison vide
Personne ne se souviendra
Il n’y a pas d’enfants qui rient
Pas de grands-parents qui cuisinent
Le four ne cuit aucune tarte
Et même les araignées partent
Triste triste
Pourquoi vivre
Mon corps est une maison vide
Personne ne se souviendra
Aucun lycéen ne s’y cache
Invite ses amis à boire
Ou passe ses journées à lire
Lorsque l’école le fatigue
Le silence a rongé le bois
Mieux que n’auraient fait les termites
Les gens qui passent devant moi
M’appellent par des noms jolis
Masure Épav’ Bicoque Ruine
Une ruine
Pourquoi vivre
Avec la mort à bicyclette
À bicyclette au bord de l’eau
Retournons donc à la rivière
Où ne passe pas un bateau
Avec la mort à bicyclette
À bicyclette au bord de l’eau
Au bord de l’eau de la rivière
Où coulent aussi les vélos
La vie depuis un bon moment
M’a dépassé sur son vélo
Je ne vais plus la rattraper
Je pleure mêm’ quand il faut beau
Passent les jours et les années
Sur leur bicyclette légère
Regarde ta vie s’en aller
La mort pédal’ juste derrière
Pendant ce temps moi je me traîne
Je me sens ridicule et faible
Et plus que vaincue humiliée
Presque souillée à chaque fois
J’sais pas comment vous expliquer
Que mes deux genoux me font mal
Chaque fois un peu moins vivante
La mort pédal’ juste derrière
Je regarde le défilé
Fusant sur les vélos légers
Des garçons et des jeunes filles
Comme un petit feu d’artifice
Un feu d’artifice vivant
Une giboulée de moineaux
La joie c’est de ne pas comprendre
Le malheur vient bien assez tôt
Passent les jours et les années
J’avanc’ toujours au bord de l’eau
J’espère toujours rattraper
La vie si il passe un bateau