Le poète Patrick Lane (http://www.patricklane.ca/), l’un des écrivains canadiens les plus renommés, est né à Nelson, en Colombie-Britannique le 26 mars 1939 et décédé le 7 mars 2019. Il vivait avec sa compagne, la poétesse Lorna Crozier, près de Victoria. Lane, qui a grandi dans une famille ouvrière de cinq garçons et une fille, a commencé à publier ses premiers textes dans les années soixante, alors qu’il travaillait dans les camps de bûcherons, les petites villes et les mines du nord de la Colombie-Britannique (autodidacte, il a exercé mille métiers).
Patrick Lane est le récipiendaire de nombreux prix et a voyagé dans de nombreux pays pour présenter son œuvre : Angleterre, France, Tchécoslovaquie, Italie, Chine, Japon, Chili, Colombie, Yougoslavie, Pays-Bas, Afrique du Sud et Russie. Il a été nommé officier de l’Ordre du Canada en 2014 « pour ses réalisations en tant que voix influente de la poésie canadienne et pour avoir servi de mentor à la prochaine génération de poètes canadiens » (Le Devoir, 9 mars 2019).
Dans son récit biographique de 2004, There Is a Season, Lane confesse que c’est la poésie qui l’a aidé à survivre : « Je pense que c’est la poésie qui m’a empêché de me tuer ou de tuer les autres. » Un autre élément rédempteur dans sa vie est très certainement sa relation avec Lorna Crozier, sa compagne (après deux divorces dans ses jeunes années) et sa première lectrice. « J’ai toujours su que je vivais avec un poète », explique-t-elle. « Nous avons modelé nos vies autour de cette chose folle qui était le centre de notre existence et que vraiment peu de gens comprennent ou valorisent.1 »
Lorna Crozier, poète et lauréate du Prix du Gouverneur général, et Patrick Lane, lauréat du Prix de poésie Dorothy Livesay et du Prix du Gouverneur général reçoivent des doctorats honorifiques (Docteur en lettres) le 1er juin 2015 à l’Université McGill à Montréal.
La poésie de Lane se caractérise par un style imagé, direct et descriptif et traite de la rudesse des rapports de l’homme avec son environnement et ses semblables. Comme le déclare le romancier et écrivain de la Saskatchewan Guy Vanderhaeghe : « Bien qu’on se souvienne probablement mieux d’un homme qui a façonné certains des poèmes les plus magnifiques jamais écrits dans ce pays, [Lane] était également un brillant mémorialiste et romancier qui a exploré des terres inconnues, les endroits sombres du cœur humain, dans une prose parfaite. » Et Howard White, l’éditeur de Patrick Lane, d’ajouter : « Les gens parlent toujours des poèmes violents et des poèmes brutaux. [Mais] il a écrit certains des plus beaux poèmes d’amour de la poésie canadienne. Et il a également écrit une énorme quantité de poésie contemplative, en particulier dans ses dernières années, la seconde moitié de sa carrière.2 » Steven W. Beattie évoque aussi une facette de Patrick Lane qui résume parfaitement l’écrivain :
Vanderhaeghe se souvient d’une après-midi de 1982, lorsque Lane et Crozier lui rendirent visite peu après la publication de son premier livre. « Ce dont je me souviens le plus, c’est que Patrick a parlé des livres qui avaient compté pour lui. Au début, c’est son érudition qui m’a étonné, à quel point il avait lu et avec quelle profondeur. Mais peu à peu, j’ai eu l’impression qu’il essayait de me dire quelque chose d’important, que doucement, obliquement et généreusement, Patrick me faisait remarquer, jeune écrivain que j’étais, que ce dont je devais me souvenir, c’était que le poète sert le poème de manière désintéressée et que le romancier sert le roman avec altruisme3.
Patrick Lane est une voix importante de la poésie canadienne, comme l’écrit Steven W. Beattie : « C’est l’une des figures permanentes de la poésie canadienne, affirme l’éditeur de Harbour, Howard White. Il se tient aux côtés d’Al Purdy et Earle Birney et Margaret Atwood et P.K. Page. » Comme le dit Patrick Lane lui-même : « Mon pays n’existait pas dans les livres. J’ai dû l’imaginer.4 » Il suscite d’ailleurs toujours un très grand intérêt : des poèmes posthumes ont paru dans le volume 43.3 du magazine littéraire Exile (2020). On lira aussi le récit bouleversant de Lorna Crozier, Through the Garden, A Love Story (with cats), dans lequel elle raconte la vie qu’elle a eue avec Patrick Lane. De nombreuses traductions de textes de Patrick Lane (réalisées et présentées par Jean-Marcel Morlat) ont paru dans différentes revues au Québec, en Belgique et en France :
- Histoire naturelle, Les Écrits (de l’Académie des lettres du Québec), no 154, Hiver 2019, pp. 27–33.
- « Octobre », « Montagne blanche », «La prison de Calgary », « Le peu qu’il reste », Beauté (2000)), Europe, no 1103, « Jean Genet-Cédric Demangeot », mars 2020, pp. 273–275.
- « Hiver de caribou », « Les enfants de Bogotá », « Montagne », « Conversation avec un poète de Huang-Chou », Les Cahiers de poésie (Collection dirigée par Joseph Ouaknine & Laurent Fels), Éditions Joseph Ouaknine, no 65 (mars 2021), pp. 77–86.
- « L’artiste », « Chinook », « Langue des signes », « Au-dessus des lentes rivières », « L’enseignement de la poésie », Traversée, no 101, automne 2021.
- « Le cri de la scierie », Le Sabord, no 119, septembre 2021.
∗∗∗
Des lettres
Je suis assis dans la solitude des lettres.
Les mots ne ralentissent pas le soleil.
Le ciel est dégagé à l’ouest.
Les nuages sont passés au-dessus de moi.
Leur soie filée pend
sur les os des montagnes Monashee.
Une pie vole dans le soleil.
Sa longue queue écrit trop vite
pour que je puisse interpréter. Sur mon bureau
une guêpe que j’ai tuée la semaine dernière
après qu’elle m’a piqué. Qui
rédigera son poème ?
J’avance vers ma quarantième année.
Les lettres restent sans réponses.
Le soleil glisse vers l’ouest
et à l’est les nuages s’effondrent
drapant de cristal
les bras ouverts des arbres.
Patrick Lane, The Collected Poems of Patrick Lane, 2011, Harbour Publishing, p. 122.
Of Letters
I sit in the solitude of letters.
Words do not slow the sun.
The sky is clear in the west.
Clouds have passed over me.
Their spun silk hangs
on the bones of the Monashee.
His long tail writes too swiftly
for me to interpret. On my desk
a wasp I killed last week
after it stung me. Who
will write its poem?
I move toward my fortieth year.
Letters remain unanswered.
The sun slides into the west
and in the east clouds collapse
draping with crystal
the waiting arms of the trees.
Patrick Lane, The Collected Poems of Patrick Lane, 2011, Harbour Publishing, p. 122.
Gare du Canadien-Pacifique — Winnipeg
Tu es assis et tes mains sont croisées
sur toi. Le café est triste, noir. Cette
catacombe est éclairée par la pâle mort
C’est une vieille chanson. Ce pays.
Ce pays était encore un espoir.
C’est la gare du Canadien-Pacifique de Winnipeg,
11 h 30 et personne ne repart.
Les trains sont en retard. Les passagers attendent
que les marchandises de la nation passent.
Les gens se sont transformés en pierre, ne peuvent être
déplacés. Le café est noir. La nuit est loin
au-dessus de nous. L’acier défile dans le grondement
que l’on nomme destinations. Les barrières sont sombres.
Personne ne peut passer ici.
Il n’y a nul désir de passer. Quelqu’un
avec une lanterne hésite et poursuit son chemin.
La rivière de marbre blanc tourbillonne froide
au-dessous de nous. Elle est usée, usée par les pieds
d’une nation. Tes mains lourdes. Tes
doigts sont énormes, enflés par le
fret des années. Ce pays
t’a traversé. L’homme à la
lanterne est assis à l’autre bout, attendant.
Si tu pouvais lever la tête je pourrais
sortir dans la nuit avec grâce. Diantre,
tu es vieux. L’hiver est au-dessus de nous. Roues
d’acier. Si tu pouvais lever la tête.
Triste noir. Marbre blanc.
Et les trains, les trains défilent.
Patrick Lane, The Collected Poems of Patrick Lane, 2011, Harbour Publishing, pp. 157–158.
CPR Station — Winnipeg
You sit and your hands are folded in
upon you. The coffee is bleak, black. This
catacomb is lighted with the pale death
our fathers called marble in their pride.
This is an old song. This country.
This country was still a hope.
It is the CPR station in Winnipeg,
11:30 and no one is leaving again.
The trains are late. The passengers wait
For the passing freight of the nation.
The people have turned to stone, cannot be
moved. The coffee is black. The night is far
above us. Steel passes over in the rumbling
called destinations. The gates are dark.
There is no passing here.
There is no desire to pass. Someone with
a lantern hesitates and moves on.
The river of white marble swirls cold
beneath us. It is worn, worn by the feet
of a nation. Your heavy hands. Your
fingers are huge, swollen with the
freight of years. This country has
travelled through you. The man with the
lantern sits in the far corner, waiting.
If you could lift your head I could go
out into the night with grace. O hell,
you are old. Winter is above us. Steel
wheels. If you could lift your head.
Bleak black. White marble.
And the trains, the trains pass over.
Patrick Lane, The Collected Poems of Patrick Lane, 2011, Harbour Publishing, pp. 157–158.
Nuit
Dans la pièce lumineuse où l’adagio d’Albiboni
joue ses infinies variations, mes amis,
les quelques personnes qui savent ce qu’est le silence
et connaissent la musique ressentie par
Alden Nowlan5 tandis que celui-ci avançait vers la mort
en trébuchant
seul, racontant des énormités contre les murs, je garde
le netsuke en ivoire et le fragment de carreau
bleu des thermes de Caracalla.
Lorsque je leur parle du musc de la fleur
qui a éclos durant une courte nuit estivale
ils comprennent. Le cactus chante pour moi.
J’ai ces choses à partager. L’éphémère
se meut parmi nous, aussi délicat que l’expression de Cavafy :
comme une musique qui s’éteint, au loin, dans la nuit.
Je pense à cette expression dans mon bureau, comment
elle se déplace parmi les choses qui m’appartiennent :
le lion de jade balafré que j’ai acheté pour rien à Xi’an,
la photographie silencieuse de mon père, celle prise en 1943
lorsqu’il était jeune,
et mes poèmes morcelés, ceux que l’on ne verra
jamais. Ceux-là, je les garde pour moi. Ils sont
l’autre silence, celui qui chante pour moi
lorsque mes amis sont partis et que la nuit
se déplace avec une extrême lenteur dans mes mains.
Patrick Lane, The Collected Poems of Patrick Lane, 2011, Harbour Publishing, pp. 265–266.
Night
In the bright room where Albiboni’s adagio
plays its endless variations, my friends,
the few who know what silence is
and know this music is the pain
Alden Nowlan felt as he stumbled toward death
alone, blundering against the walls, I keep
the ivory netsuke and the fragment of blue
tile from the baths of Caracalla.
When I tell them of the musk of the flower
that bloomed for one short night in summer
they understand. The cactus sings to me.
I have these things to share. The ephemeral
moves among us, delicate as Cavafy’s phrase:
like music that extinguished far-off night.
I think of that phrase in my study, how
it moves among the things that are mine:
the scarred jade lion I bought for nothing in Xian,
the photograph of my father, the quiet one taken
when he was young in 1943,
and my poems, the broken ones that will never
be seen. These I keep for myself. They are
the other silence, the one that sings to me
when my friends are gone and the night
moves with great slowness in my hands.
Patrick Lane, The Collected Poems of Patrick Lane, 2011, Harbour Publishing, pp. 265–266.
Le rêve dans le pavillon rouge6
Je ne puis trouver le symbole de la grue sur les boîtes d’encre
argentées. Ternies par la poussière elles gisent parmi
les chauve-souris de jade abimées et les lions éparpillés.
Aux murs pendent des robes des Qing.
Leurs coutures révèlent la danse
ternie des chrysanthèmes. Je cherche l’ancien
dans le fatras des dynasties. Une vieille femme
marche avec lenteur parmi les bibelots.
Elle a les pieds bandés. C’est la dernière illusion
d’un monde qui ne croit plus qu’une telle douleur est
belle. Ce que je veux rapporter de Chine
ne se trouve que dans mon rêve de la chambre rouge.
Honteux, je marche au milieu des foules dans la rue
où les jeunes femmes, aussi gaies que des oiseaux,
courent en riant parmi les arbres wutong.
Patrick Lane, The Collected Poems of Patrick Lane, 2011, Harbour Publishing, p. 235.
The Dream of the Red Chamber
I cannot find the symbol of the crane on the silver
ink boxes. Tarnished with dust they lie among
the scarred jade bats and scattered lions.
On the walls hang dresses from the Ch’ing.
Their stitching reveals the faded
dance of chrysanthemums. I search for the ancient
in the clutter of dynasties. An old woman
walks with slowness among the curios.
Her feet are bound. They are the last illusion
in a world that no longer believes such pain is
beautiful. What I want to take back from China
is found only in my dream of the red chamber.
Ashamed, I walk into the crowds on the street
where young women, bright as birds,
run laughing among the wu t’ung trees.
Patrick Lane, The Collected Poems of Patrick Lane, 2011, Harbour Publishing, p. 235.
Fragilité
Elle venait de Normandie, l’un de ces
villages de la basse Seine
où ils fabriquent le bon Calvados, de la sorte
que l’on trouve seulement là-bas. Elle était très petite.
Il se rappelle cela, les os de ses pieds
fragiles dans ses mains. Ils se sont rencontrés à Cuzco, la cité en pierre taillée,
et se sont quittés à la Carthagène avant
l’arrivée des touristes, là où,
si on fermait les yeux et qu’on la humait
on pouvait se souvenir de Drake et de ses pillages,
de sa reine et de sa gloire. Elle avait les cheveux roux
et cette peau claire et pâle à travers laquelle on pouvait voir
la nuit dans la dernière des chandelles.
Patrick Lane, The Collected Poems of Patrick Lane, 2011, Harbour Publishing, p. 305.
Fragility
She came from Normandy, one of those
villages on the Lower Seine
where they make the good Calvados, the kind
you can only find there. She was very small.
He remembers that, the bones of her feet
fragile in his hands. They met in Cuzco, the city of cut stone,
and parted in the Cartagena before
the tourists came, the one where,
if you closed your eyes and smelled it
you could remember Drake and his plundering,
his queen and glory. She had red hair
and that fair clear skin you can see through
at night in the last of the candles.
Patrick Lane, The Collected Poems of Patrick Lane, 2011, Harbour Publishing, p. 305.
La boîte blanche
Dans la boîte blanche
que tu dissimules
une salamandre blanche
attend avec une flamme
dans ses menottes
Que le feu est brillant !
Que de temps son souffle
l’a entretenu !
Mais la boîte est fermée.
Pourquoi la gardes-tu fermée ?
Patrick Lane, The Collected Poems of Patrick Lane, 2011, Harbour Publishing, p. 329.
The White Box
In the white box
you keep hidden away
a white salamander
waits with a flame
in his small hands
How bright the fire!
How long his breath
has kept it alive!
But the box is closed.
Why do you keep it closed ?
Patrick Lane, The Collected Poems of Patrick Lane, 2011, Harbour Publishing, p. 329
La première fois
La première fois
que j’ai vu un poulet
courir sans tête
dans le jardin
j’ai voulu
le faire moi aussi
je désirais
tuer une chose
d’une manière si parfaite
qu’elle puisse vivre
Patrick Lane, The Collected Poems of Patrick Lane, 2011, Harbour Publishing, p. 337
The First Time
The first time
I saw a chicken
Run headless
across the yard
I wanted
to do it too
I wanted
to kill something
so perfectly
it would live
Patrick Lane, The Collected Poems of Patrick Lane, 2011, Harbour Publishing, p. 337
Le chant des macaronis
Je me souviens des macaronis
de la fin du mois
de la dernière semaine
lorsqu’il y avait si peu
J’ai inventé
Un chant pour les enfants
Le chant des macaronis !
Nous tournions
autour de la table,
riant et chantant.
Macaronis, Macaronis !
Maintenant je n’arrive pas
à faire fonctionner ce chant sur la page,
souvenez-vous juste
que nous riions tant.
Ma femme se tenait debout
au-dessus du métal gris
là où bouillaient les macaronis.
Elle ne chantait jamais ce chant.
Il était six heures du soir.
Les enfants criaient :
Chante-nous le chant des macaronis !
Et je chantais.
Un soir
j’ai chapardé trois tomates
dans le jardin de Monsieur Sagetti
et les ai laissé tomber
dans les volutes d’eau.
Ma femme.
Elle m’aimait.
Nous travaillions si dur
pour nous faire une vie.
Trois tomates.
J’en rêve toujours.
Nous étions, ce que l’on
appellerait maintenant, pauvres.
Mais lorsque nous dansions
autour de table,
mes fils et ma fille
unique dans mes mains
et que nous chantions le chant
des macaronis, mon Dieu, durant ce moment,
que nous étions heureux.
Et ma femme à la cuisinière grise
à l’aide de la cuillère déposait les boucles pâles et nues
dans chaque assiette
et ce soir-là
les fins fils
des trois tomates.
j’en rêve toujours,
Monsieur Sagetti, mort,
où que vous soyez,
je veux vous dire
que ce poème est pour vous.
Je suis désolé d’avoir chipé
vos tomates.
J’étais pauvre et je
désirais, pour mes enfants,
un peu plus.
Patrick Lane, The Collected Poems of Patrick Lane, 2011, Harbour Publishing, pp. 357–359.
The Macaroni song
I remember macaroni
the end of the month
the last week
when there was so little
I made up
a song for the children
The Macaroni Song!
Around the table
we would go,
laughing and singing.
Macaroni, Macaroni!
I can’t make the song
work now on the page,
just remember we
laughed so hard.
My wife stood
over the grey metal
where the macaroni boiled.
She never sang the song.
It was always six o’clock.
The children would cry:
Sing the Macaroni Song !
And I would sing.
One night
I stole three tomatoes
from Mister Sagetti’s garden
and dropped them
in the curl of water.
My wife.
She loved me.
We worked so hard
to make a life.
Three tomatoes.
I still dream of them.
We were, what you
would call now, poor.
But when we danced
around the table,
my sons and my one
daughter in my hands
and sang the Macaroni
Song, God, in that moment,
we were happy.
And my wife at the grey stove
spooned the pale bare curls
onto each plate
and that one night
the thin threads
of three tomatoes.
I still dream of them,
Mister Sagetti, dead,
wherever you are,
I want to say
this poem is for you.
I’m sorry I stole
your tomatoes.
I was poor and I
wanted, for my children,
a little more.
Patrick Lane, The Collected Poems of Patrick Lane, 2011, Harbour Publishing, pp. 357–359.
Le scellage
Ceci n’est que pour tes yeux. J’ai plié
le papier avec précision, un tiers et puis un autre,
et placé le parchemin dans son enveloppe. Ici
j’appose mon sceau. Je chauffe la cire mielleuse et la regarde,
goutte à goutte, jusqu’à ce qu’une mare liquide se forme sur le sceau,
puis je prends ma main pour en faire un poing
et, debout, appuie de tout mon corps
jusqu’à ce que ma maison se forme, mon sceau, mon insigne,
ma signature, ma marque de fabrique. Ce sont mes mots.
Tu es la seule pour laquelle je les
ai composés, dans le silence de ma chambre,
en pleine nuit, un mot et puis un autre,
et maintenant nulle autre que toi ne peut la décacheter.
Patrick Lane, The Collected Poems of Patrick Lane, 2011, Harbour Publishing, p. 401.
The Sealing
This is for your eyes alone. I have folded
the paper precisely, one third and then another,
and placed the parchment in its envelope. Here
I place my seal. I heat the honeyed wax and watch it
drip by drip until it forms a liquid pool on the seal
and then I take my hand and make it into a fist
and, standing, press my whole body down
until my house is made here, my seal, my insignia,
my mark, my making. These are my words.
You are the one I have made
them for, in the quiet of my room,
in the dead of night, one word and then another,
and now no one can break it but you.
Patrick Lane, The Collected Poems of Patrick Lane, 2011, Harbour Publishing, p. 401.
[1]Poète canadien (1933–1983). Auteur de Bread, Wine and Salt (1967) pour lequel il a obtenu le Prix du Gouverneur général.
[2]Le titre de ce poème est une allusion au roman du XVIIIe siècle, Le Rêve dans le pavillon rouge, de Cao Xueqin, l’un des chefs d’œuvre de la littérature chinoise. Son cinquième chapitre raconte le rêve du narrateur d’un pavillon rouge où est révélé le destin de nombre des personnages. Le symbole de la grue est associé à des traits positifs : bonheur, succès, chance, etc. La dynastie Ch’ing a pris fin en 1911. L’arbre wutong – connu en Amérique du nord comme Le Parasol chinois – est d’une beauté délicate et est associé à la chance et à la bénédiction. Le Rêve dans le pavillon rougedans une traduction de Jacqueline Alézaïs et Li Tche-houa (révisée par André Hormon) a été publiée dans la Pléiade (no 294), Gallimard, 1981.
Notes
[1] Steven W. Beattie, 2019, « “I think it was poetry that saved me from killing myself or killing others”: remembering Patrick Lane, 1939–2019 », Quill & Quire, 11 mars 2010. Récupéré sur https://quillandquire.com/omni/i‑think-it-was-poetry-that-saved-me-from-killing-myself-or-killing-others-remembering-patrick-lane/
[2] Ibid.
[3] Ibid.
[4] « Patrick Lane, Canadian Literature: A Quarterly of Criticism and Review. Récupéré sur https://canlit.ca/canlit_authors/patrick-lane/
[5] Poète canadien (1933–1983). Auteur de Bread, Wine and Salt (1967) pour lequel il a obtenu le Prix du Gouverneur général.
[6] Le titre de ce poème est une allusion au roman du XVIIIe siècle, Le Rêve dans le pavillon rouge, de Cao Xueqin, l’un des chefs d’œuvre de la littérature chinoise. Son cinquième chapitre raconte le rêve du narrateur d’un pavillon rouge où est révélé le destin de nombre des personnages. Le symbole de la grue est associé à des traits positifs : bonheur, succès, chance, etc. La dynastie Ch’ing a pris fin en 1911. L’arbre wutong – connu en Amérique du nord comme Le Parasol chinois – est d’une beauté délicate et est associé à la chance et à la bénédiction. Le Rêve dans le pavillon rouge dans une traduction de Jacqueline Alézaïs et Li Tche-houa (révisée par André Hormon) a été publiée dans la Pléiade (no 294), Gallimard, 1981.
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