Bernard Dumerchez crée des livres comme on lance des fusées dans les nuages, empor­tant une lumière unique qui éclaire un coin de ciel. Bien­tôt quar­ante années que ça dure, infati­ga­ble lueur dans le monde de la bib­lio­philie, de la poésie… de l’art, dis­ons le mot puisqu’il est à sa place. Il a accep­té de répon­dre à quelques ques­tions et tous le remercions !

Qu’est-ce qu’un livre d’artiste ?
Le livre d’artiste est né dans les années soix­ante, à une époque où il se pas­sait énor­mé­ment de choses dans tous les domaines de la société (musique, arts, poli­tique, etc…). Tra­di­tion­nelle­ment dans la réal­i­sa­tion d’un livre, le rôle de l’artiste était d’il­lus­tr­er les pro­pos d’un auteur, ce dernier étant alors con­sid­éré comme la rai­son même du livre. De jeunes artistes décidèrent de s’af­franchir de cette règle et la tech­nolo­gie de l’époque le per­me­t­tant (ronéo­typ­ie, pho­to­copie…) de réalis­er entière­ment des livres en se pas­sant de l’au­teur, de l’im­primeur et de l’édi­teur. C’est la déf­i­ni­tion du livre d’artistes à laque­lle les puristes restent attachés, mais dans les faits les choses ont beau­coup évolué et la déf­i­ni­tion n’est plus aus­si stricte.
Quelle est la dif­férence entre un livre d’artiste et un livre de bibliophilie ?

La bib­lio­philie est l’amour des livres et notam­ment des livres rares. C’est donc à mon sens un terme générique qui englobe tous les livres qui se dis­tinguent par leur excel­lence et le livre d’artiste comme d’autres types de livres (illus­trés, man­u­scrits…) appar­ti­en­nent à cette catégorie.

Pourquoi avoir choisi de pub­li­er des livres d’artistes ?

Lep­orel­lo — Un poème man­u­scrit de Bernard Noël (gravure typo) et trois pho­togra­phies de Jonathan Abbou.

Rim­baud selon Harar, Texte de Alain Sancerni, illus­tra­tions de Joël Leick, édi­tions Dumerchez.

Col­lec­tion Lep­orel­lo des édi­tions Bernard Dumerchez, séri­gra­phie orig­i­nale rehaussée aux pochoirs de Jef Aérosol et poème de Zéno Bianu, 2015 © MUDO-Musée de l’Oise / Alain Ruin.

Le choix de réalis­er des livres d’artistes est cer­taine­ment lié au fait que c’est le genre qui, de par mes com­pé­tences, me con­vient le mieux. On reste dans un domaine qui reste de l’or­dre de l’ar­ti­sanat, peut-être même de l’art. Rien à voir avec le livre indus­triel qu’il m’ar­rive de faire, mais qui ne cor­re­spond pas à mon tempérament.

Pourquoi avoir créé des « Col­lec­tions courantes » à côté de vos pub­li­ca­tions de livres d’artistes ?
Les édi­tions courantes per­me­t­tent à un large pub­lic d’ac­céder à l’oeu­vre de l’au­teur, l’artiste n’est plus néces­saire, c’est une tout autre caté­gorie qui me paraît com­plé­men­taire à mon tra­vail de livres de bib­lio­philie qui s’adresse à un pub­lic restreint de connaisseurs.
Com­ment pensez-vous ces livres qui pro­posent de met­tre en lien un auteur et un plas­ti­cien ? Est-ce vous qui choi­sis­sez les artistes ?
Dans le type de livres que je fais qui sont surtout des livres hybrides (où l’on trou­ve des pages imprimées enrichies d’in­ter­ven­tions à la pein­ture d’artiste) les ren­con­tres sont essen­tielles. Dans cer­tains cas c’est l’au­teur qui souhaite tra­vailler avec tel artiste, qu’il con­nait ou non per­son­nelle­ment, dans d’autres cas c’est l’in­verse et dans d’autres cas encore, c’est moi qui choisit l’artiste pour l’au­teur que j’ai choisi. Beau­coup de pos­si­bil­ités, l’im­por­tant étant que la ren­con­tre fonctionne.

Aux édi­tions Bernard Dumerchez — Rim­baud selon Harar, œuvre d’Alain Sancerni — Pein­tures Patrick Singh — Fikru Gebre Mari­am — Musique Kaethe Hostet­ter Livre de fer, film et mon­tage jean-marc Bou­ton­net-Tranier . Lec­ture d’Alain Sancerni, film de JM Boutonnet-Tranier.

Sont-ils fab­riqués d’une manière dif­férente des livres de vos « Col­lec­tions courantes » ?

Oui, les édi­tions courantes et les édi­tions rares sont fab­riquées de manières dif­férentes. Pour une édi­tion courante il s’ag­it de réalis­er un livre finan­cière­ment acces­si­ble au plus grand nom­bre, donc d’ar­riv­er à des coûts de con­cep­tion et de fab­ri­ca­tion qui soient le plus bas pos­si­ble. Pour les édi­tions rares, il s’ag­it d’at­tein­dre le plus haut niveau de qual­ité et finale­ment de créer une œuvre d’art. Donc d’aller le plus loin pos­si­ble dans l’ex­cep­tion et les coût ne sont plus du tout les mêmes.

A com­bi­en d’exemplaires sont-ils tirés en général ?
Les tirages de mes livres rares se situent entre 9 et 35 exem­plaires, étant enten­du que lorsqu’il s’ag­it de livres hybrides, chaque livre est unique.
Quel pub­lic est intéressé par ces livres pré­cieux ? Qui les achète ?
Le pub­lic intéressé par ce type d’ou­vrages est con­sti­tué de con­nais­seurs, d’a­ma­teurs d’art et de musées essentiellement.
Peut-on voir vos livres d’artistes, les exposez-vous ? Quels lieux les accueillent ?

 

Expo­si­tion Bernard Dumerchez, édi­teur, une vie de livre et d’art, au MODU — Musée de l’Oise.

Mes ouvrages sont régulière­ment exposés, par­fois en grands nom­bres lorsqu’il s’ag­it de rétro­spec­tives, ou en nom­bres lim­ités lorsqu’il s’ag­it de salons. La prochaine grande expo­si­tion est prévue à l’E­space Saint-pierre des Min­imes à Com­piègne (1er trimestre 2023). Ils sont égale­ment vis­i­bles sur demande à la Réserve des livres rares de la bib­lio­thèque nationale de France.
Quels sont vos pro­jets, con­tin­uer à créer ce genre de pub­li­ca­tions, et pourquoi ?
Mes pro­jets ? J’ai 9 livres en cours et sachant qu’il faut sou­vent plusieurs mois et par­fois plusieurs années pour réalis­er un livre, j’ig­nore où ça va me con­duire, ni même si j’ar­riverai à men­er à terme ces pro­jets. Pourquoi con­tin­uer ? Parce que mal­gré toutes les dif­fi­cultés, j’aime ça, que je ne sais rien faire d’autre et que j’ai le sen­ti­ment très fort de ne pas encore être arrivé là où je devrais aller

Image de une : Expo­si­tion Bernard Dumerchez, édi­teur, une vie de livres et d’artMUDO-Musée de l’Oise, 2018.

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Carole Mesrobian

Car­ole Car­cil­lo Mes­ro­bian est poète, cri­tique lit­téraire, revuiste, per­formeuse, éditrice et réal­isatrice. Elle pub­lie en 2012 Foulées désul­toires aux Edi­tions du Cygne, puis, en 2013, A Con­tre murailles aux Edi­tions du Lit­téraire, où a paru, au mois de juin 2017, Le Sur­sis en con­séquence. En 2016, La Chou­croute alsa­ci­enne paraît aux Edi­tions L’âne qui butine, et Qomme ques­tions, de et à Jean-Jacques Tachd­jian par Van­i­na Pin­ter, Car­ole Car­ci­lo Mes­ro­bian, Céline Delavaux, Jean-Pierre Duplan, Flo­rence Laly, Chris­tine Tara­nov,  aux Edi­tions La chi­enne Edith. Elle est égale­ment l’au­teure d’Aper­ture du silence (2018) et Onto­genèse des bris (2019), chez PhB Edi­tions. Cette même année 2019 paraît A part l’élan, avec Jean-Jacques Tachd­jian, aux Edi­tions La Chi­enne, et Fem mal avec Wan­da Mihuleac, aux édi­tions Tran­signum ; en 2020 dans la col­lec­tion La Diag­o­nale de l’écrivain, Agence­ment du désert, paru chez Z4 édi­tions, et Octo­bre, un recueil écrit avec Alain Bris­si­aud paru chez PhB édi­tions. nihIL, est pub­lié chez Unic­ité en 2021, et De nihi­lo nihil en jan­vi­er 2022 chez tar­mac. A paraître aux édi­tions Unic­ité, L’Ourlet des murs, en mars 2022. Elle par­ticipe aux antholo­gies Dehors (2016,Editions Janus), Appa­raître (2018, Terre à ciel) De l’hu­main pour les migrants (2018, Edi­tions Jacques Fla­mand) Esprit d’ar­bre, (2018, Edi­tions pourquoi viens-tu si tard), Le Chant du cygne, (2020, Edi­tions du cygne), Le Courage des vivants (2020, Jacques André édi­teur), Antholo­gie Dire oui (2020, Terre à ciel), Voix de femmes, antholo­gie de poésie fémi­nine con­tem­po­raine, (2020, Pli­may). Par­al­lèle­ment parais­sent des textes inédits ain­si que des cri­tiques ou entre­tiens sur les sites Recours au Poème, Le Cap­i­tal des mots, Poe­siemuz­icetc., Le Lit­téraire, le Salon Lit­téraire, Décharge, Tex­ture, Sitaud­is, De l’art helvé­tique con­tem­po­rain, Libelle, L’Atelier de l’ag­neau, Décharge, Pas­sage d’en­cres, Test n°17, Créa­tures , For­mules, Cahi­er de la rue Ven­tu­ra, Libr-cri­tique, Sitaud­is, Créa­tures, Gare Mar­itime, Chroniques du ça et là, La vie man­i­feste, Fran­copo­lis, Poésie pre­mière, L’Intranquille., le Ven­tre et l’or­eille, Point con­tem­po­rain. Elle est l’auteure de la qua­trième de cou­ver­ture des Jusqu’au cœur d’Alain Bris­si­aud, et des pré­faces de Mémoire vive des replis de Mar­i­lyne Bertonci­ni et de Femme con­serve de Bluma Finkel­stein. Auprès de Mar­i­lyne bertonci­ni elle co-dirige la revue de poésie en ligne Recours au poème depuis 2016. Elle est secré­taire générale des édi­tions Tran­signum, dirige les édi­tions Oxy­bia crées par régis Daubin, et est con­cep­trice, réal­isatrice et ani­ma­trice de l’émis­sion et pod­cast L’ire Du Dire dif­fusée sur radio Fréquence Paris Plurielle, 106.3 FM.