À la question « Que cherches-tu ? » (dans sa version anglaise, « What are you looking, are you looking for ? »), ce grand arpenteur de la chanson française répond en orpailleur, au tamis des mots, pour y trouver l’or de ses mélodies, de la formation pop rock de ses débuts tonitruants jusqu’à la trace si personnelle des chansons existentielles de son dernier album Est-ce que tu sais ?: « D’un geste circulaire / T’as misé l’univers / Orpailleur / Orpailleur hors pair ».
S’il participa aux arrangements de l’album ultime d’Alain Bashung, Bleu pétrole, y apportant son savoir-faire rythmique soutenant la voix du maestro, il fut également convié par ce dernier en personne à poursuivre parallèlement à ses projets collectifs une carrière solo. L’artisan des ritournelles entêtantes aux messages touchants de douceur, de vraie tendresse, qu’il est devenu, fut d’abord le chanteur à l’interprétation âpre et habitée de la musique survoltée de Louise Attaque, dont le nom peut s’interpréter en clin d’œil malicieux au prénom de Louise Michel, figure féminine de l’émancipation en politique libertaire… Un grand succès populaire, qui ne s’est pas démenti depuis, accompagna leur premier album, carte de visite électrique pour ses musiciens, eux aussi « hors pair », déroulant autant de titres en pépites où l’arrachement emporte ces écorchés offrant une poésie à fleur de peau, si ce ne sont les nerfs à vif, de Ton invitation où J’t’emmène au vent à Cracher nos souhaits : « Elle est vieille mon histoire / J’suis pas le premier à penser ça / J’en ai rien à foutre tu sais quoi on va quand même / Faire comme ça on va cracher nos souhaits »…
“Est-ce que tu sais “, extrait du nouvel album de Gaëtan Roussel “Est-ce que tu sais” maintenant disponible : https://gaetanroussel.s‑ib.link/estce…
Si « toute cette histoire est bien ancrée dans [nos] mémoire[s] », les commencements glorieux ont servi à la découverte de tout cet univers à la fois quotidien et hors normes, tour à tour tourmenté ou apaisé, où se mêlent donc les sentiments et les anecdotes de chacun, à l’écoute des albums, les uns après les autres, à travers lesquels les auditeurs invités à ce voyage sans fin, tendent l’oreille, leurs propres pulsations cardiaques toujours portées vers la note juste, telle échappée du bruit et de la fureur d’un rock emmenant encore son public fidèle, réuni au fil des dates de tournée, pour des concerts de liesse, entre embrasements fulgurants et accalmies retrouvées : Comme on a dit, À plus tard crocodile, Anomalie…
… Extrait du dernier disque de ce groupe majeur, l’hommage au thème de Léo Ferré, Avec le temps, semble faire le pari ainsi de la durée, évoluer mais ne jamais renier d’où l’on vient, se transformer pour changer l’ordre du monde plutôt que ses désirs, pourtant rester fidèle à condition d’aller de l’avant, en défaisant peu à peu la laisse des empreintes anciennes, à la rencontre de nouveaux liens qui seraient toujours libérateurs : « Aimer sur un seul pied / Sans savoir où poser / Ses lèvres ou ses pensées / Si seulement j’avais / Avec le temps fort nécessaire / Avec les yeux sous la lumière / Avec les mains / Ça c’est les nerfs / Avec le temps fort nécessaire »…
Né de la parenthèse de Louise Attaque, le duo entre le chanteur et le violoniste à la base de l’expérience de Tarmac dont le nom signifie à la fois goudron (le revêtement) et piste d’atterrissage, fraie un chemin tant à des morceaux strictement instrumentaux tels certains de L’Atelier qu’à des hymnes au cosmopolitisme, au décloisonnement Des Frontières aux Pays / Tordu Tour du Monde et au déchiffrage de Notre Époque résonnant comme « une porte close », à ouvrir enfin… Fort de toutes ses expériences musicales, Gaëtan Roussel ose alors, en 2010, avec la parution de son premier album personnel, Ginger, s’offrir une voix/voie en solo, dont le single Help Myself (Nous ne faisons que passer) se révèle une ode entraînante et entêtante au transitoire, au fugace, à l’éphémère, ce qui donnera le « la » de ses explorations si humaines de notre condition commune, cette toile de fond de sa production suivante, d’Orpailleur à Est-ce que tu sais ? en passant par Trafic, faisant l’éloge de La Simplicité et la Poésie du quotidien, sachant qu’en chaque être, Dedans il y a de l’or, avant d’envoyer, en appels à l’horizon, ses questions intimes sur notre finitude, la vie, la mort, et le sens que nous y cherchons, en faisant de nous des éternels débutants, dans l’envoûtant Tu ne savais pas : « Tu n’savais pas que tu naîtrais un jour / Avec une face, un profil / Sur un continent, sur une île / C’était comme ça la nuit / C’était comme ça le jour / Tu n’savais pas que tu naîtrais un jour »…
Orpailleur · Gaëtan Roussel, provided to YouTube by Universal Music Group.
Et s’il est un artiste qui sache faire de l’accident un possible, du fugitif, une trace, de la rencontre, un chant, c’est en effet cet orfèvre qui a su allier sa propre voix à tant d’autres, émergentes, souvent féminines, qu’il s’agisse de celle d’Hoshi à laquelle il trouve un charme fou, de celle de Camélia Jordana dont il tire la photo, cliché autant troublant que familier de la grâce de l’interprète, quand il ne s’agit pas d’un chant à l’unisson de celle (rèche) masculine et de celle (suave) féminine, à moins que ce ne soit l’inverse, au mélange des deux pour n’en faire plus qu’une, accidentellement tienne et mienne, définitivement nôtre, sur l’album Accidentally Yours, du projet Lady Sir, duo de blues rock français ainsi composé de Rachida Brakni et de Gaëtan Roussel, proposant alors la richesse d’un alliage, où se partage à la fois le singulier et l’universel, passerelle entre les genres et les cultures, mêlant les langues en anglais, français ou arabe, entre racines et aspirations, union mystérieuse dont la sensualité à quatre mains et deux cœurs tend vers l’épure de la chanson parfaite où tutoyer l’amour : « Toi est-ce que tu m’emmèneras loin? / La nuit se lève le jour s’éteint / Est-ce vrai que la vie ne vaut rien ? / Toi est-ce que tu m’emmèneras loin ? / Toi est-ce que tu me prendras la main ? / Le jour se lève la nuit s’éteint / Est-ce vrai qu’il est long le chemin ? / Toi est-ce que tu me prendras la main ? »
Accidentally Yours · Lady Sir, provided to YouTube by Universal Music Group.
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