Pascal Boulanger, L’amour malgré

Par |2024-11-06T10:57:25+01:00 6 novembre 2024|Catégories : Critiques, Pascal Boulanger|

J’ai la bible de l’océan/ l’abîme et le gué

Après la pub­li­ca­tion de l’anthologie Trame, 1991–2018 (Tin­bad) le poète Pas­cal Boulanger pen­sait, en quit­tant Paris pour un vil­lage de Bre­tagne, ne plus écrire. Or une habi­ta­tion de l’espace et du temps, sen­si­ble­ment dif­férente, l’a aus­sitôt absorbé dans le retrait et aiman­té vers une prox­im­ité lumineuse avec Hölder­lin. De ce com­pagnon­nage, paraît L’intime dense en 2020 et Si la poésie doit tout dire en 2022 (Ed. du Cygne), ain­si que le troisième vol­ume de ses car­nets : En bleu adorable (Tin­bad).  

Aujour­d’hui encore, l’écriture, loin de se tarir, se propage dans L’amour mal­gré, sem­blable à un vaste ressasse­ment, à l’instar de la mer, inépuis­able à épuis­er les pos­si­bles. La langue dans un con­tin­u­um prosodique devient un théâtre com­bi­na­toire con­den­sant une suite de tem­po­ral­ités étrange­ment con­comi­tantes. Le temps n’est plus chronologique mais méta­physique créant den­sité et cycle, vari­a­tions et méta­mor­phoses dans un jeu d’échos sonores et de fréquentes antin­o­mies où amour comme poète tourne en rond dans le clair-obscur du para­doxe. Les para­nomases fleuris­sent : Le ciel est un miel aus­si… Tout autour ma voix se noie / dans l’air bleu & bleu. Et les opposés s’épousent : Sans être à toi / tout est à toi… Si la poésie est mode de vie / tout est proche & proche / se fait lointain.

La langue néan­moins ne se perd jamais et mène sans faille l’avancée, inven­to­ri­ant toutes les pos­si­bil­ités du réel comme pour les son­der.  Elle précède, excède le poète, expéri­men­tant la pro­fondeur du temps et sa spi­rale à tra­vers ques­tions et doutes. Dans le poème (Kairos) le poète s’interroge : Existe-t-il un cer­cle du temps ? / & sur le cer­cle / un point de départ, un cen­tre, un point final ? De ce temps tra­ver­sé où la tragédie et les ruines du temps se pro­fi­lent, seule la lumière, con­nais­sance immé­di­ate du sen­si­ble, reste force d’affirmation de la beauté entre­vue.  Le poète reste un veilleur car Tout s’arrache à la servi­tude du temps / quand chaque sec­onde ouvre la porte / aux épiphanies. 

Pas­cal Boulanger : L’amour mal­gré, avec 13 pein­tures de Nora Boulanger-Hirsch, Voixd’encre, 19 euros.

 

Qu’importe la déso­la­tion d’un pro­grès dou­blé par la cat­a­stro­phe (la troisième par­tie du recueil, En chif­fon­nier du sens, s’écrit avec Wal­ter Ben­jamin), c’est une parole d’eau/ souter­raine qui témoigne de la valeur de la poésie comme seule pos­si­bil­ité de la pen­sée, source de vérité et de lumière questionnantes.

Le titre L’amour mal­gré et aus­si les pein­tures d’une des filles du poète, peu­vent alors pren­dre tout leur sens et sen­sa­tions, ils tien­nent ensem­ble choses vivantes et chant de l’affirmation comme l’océan :

                                                   L’océan ne se fixe jamais
                                                  sur la puis­sance du négatif
                                                   il fait con­fi­ance à son enfance
                                                  qui fait retour indéfiniment
                                                  sur le chemin du temps.

                                                   Son énergie ruisselle
                                                  Là où le vide s’insinue
                                                  en bel abîme tout coloré
                                                 du ciel ses couleurs

 

Présentation de l’auteur

Pascal Boulanger

Pas­cal Boulanger, poète et cri­tique lit­téraire né en 1957, père de deux filles, vit près de Com­bourg, en Ile et Vilaine depuis son départ à la retraite. Il a été bib­lio­thé­caire en ban­lieue parisi­enne, d’abord à Bezons (Val d’Oise) puis à Mon­treuil (Seine Saint Denis). Il a mené des ate­liers d’écriture et a été à l’initiative de nom­breuses actions cul­turelles dans le cadre de ses fonc­tions pro­fes­sion­nelles. Il a pub­lié des arti­cles et des chroniques dans des revues, par­mi lesquelles « Action poé­tique », « art­press », « Europe »,  « Triages », « Poési­bao », « Sitaud­is », « Recours au poème »…

Depuis 1991, date de la paru­tion de son pre­mier livre « Sep­tem­bre, déjà » (Europe-Poésie), il a pub­lié des recueils poé­tiques (chez Flam­mar­i­on, Tara­buste, Cor­levour…) des antholo­gies cri­tiques et des car­nets. En 2018, Guil­laume Basquin des édi­tions Tin­bad, pub­lie une copieuse antholo­gie de ses poèmes, sous le titre : « Trame : antholo­gie 1991–2018, suiv­ie de L’amour là ». En 2020 et 2022, les édi­tons du Cygne pub­lient ses recueils « L’intime dense » et « Si la poésie doit tout dire… ». Il est l’auteur, avec Solveig Con­rad-Bouch­er, d’une étude sur Chateaubriand (Edi­tions Arfuyen). En 2023, les édi­tons Tin­bad pub­lient le troisième vol­ume de ses car­nets : « En bleu adorable ».

Bibliographie 

  • Sep­tem­bre, déjà, éd. Mes­si­dor, 1991
  • Mar­tin­gale, éd. Flam­mar­i­on, 1995.
  • Une action poé­tiquede 1950 à aujourd’hui, éd. Flam­mar­i­on, 1998.
  • Le bel aujourd’hui, éd. Tara­buste, 1999.
  • Tacite, éd. Flam­mar­i­on, 2001
  • Le corps cer­tain, éd. Com­p’Act, 2001.
  • L’émotion l’émeute, éd. Tara­buste, 2003Jon­gleur, éd. Com­p’Act, 2005.
  • Jon­gleur, éd. Comp’act, 2005
  • Sus­pendu au réc­it… la ques­tion du nihilisme, éd. Com­p’Act, 2006.
  • Fusées et pap­er­olesL’Act Mem, 2008.
  • Jamais ne dorsle cor­ri­dor bleu, 2008.
  • Cher­chant ce que je sais déjàÉdi­tions de l’Amandier], 2009.
  • L’échappée belle, Wig­wam, 2009.
  • Un ciel ouvert en toute sai­sonLe cor­ri­dor bleu, 2010.
  • Le lierre la foudre, éd. de Cor­levour, 2011.
  • Faire la vie : entre­tien avec Jacques Hen­ric, éd. de Cor­levour, 2013.
  • Au com­mence­ment des douleurs, éd. de Cor­levour, 2013.
  • Dans les fleurs du souci, éd. du Petit Flou, 2014
  • Essai, éd. Tit­uli, mars 2015
  • Guerre per­due, éd. Pas­sage d’en­cre, coll. “Trait court”, 2015.
  • Mourir ne me suf­fit pas, pré­face de Jean-Pierre Lemaire, éd. de Cor­levour,  2016.
  • Trame : antholo­gie, 1991–2018, suivi de L’amour là, Tin­bad, 2018.
  • Jusqu’à présent, je suis en chemin — Car­nets : 2016–2018, éd. Tit­uli, 2019
  • L’intime dense, éd. du Cygne, 2021
  • Si la poésie doit tout dire, éd. du Cygne, 2022
  • Ain­si par­lait Chateaubriand, avec Solveig Con­rad Bouch­er (Arfuyen), 2023
  • En bleu adorable, Tin­bad, 2023

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