Toi qui manques au jour comme la nuit au monde
Guettant son repos sous la lampe
Toi dont les yeux marchent au repaire
Humant le seuil de chaque vent
Toi qui effeuilles demain de tes doigts détachés
Vérifies et cales le sillage
Toi qui n’es pas, que j’invente
Ma compagne rendue
Mon épaule promise
Palmyre
Dans l’atelier presque nu
Le jeune mécanicien inventa la pièce
Et disparut
Poussant un pneu
Comme on distrait un cœur lourd
Par les rues larges à digérer une prison.
Au mur de l’oasis
Il faut être bien espiègle pour passer
Ou l’enfant comme l’eau façonnant son chemin.
Les hommes
Seuls
Talons agiles
Abritent dans leurs manches le savoir bruni.
Ils peuvent le soir lever la tête
Vers les mains des arbres s’offrant le dernier soleil.
Là-bas, les ruines sont de nos rêves faites, debout.
Par leurs pores la terre roule sa fierté de nous porter encore.
La brute ignore
Qu’en explosant
Le sourire des siècles rejoint la lune énorme
Qui tient les comptes.
Amour
Tu es le larmier de toutes mes façades
Viens, abritons-nous si seuls
L’orage atteindra à temps la croupe de nos rires
et le revers de nos joues.
Sur la tienne je pose ma main, ligne de basse
qui soutire à tes questions
leurs torsades
qui sème dans tes yeux
leurs altérations.
Je vois que tu te penches sur ce tableau connu en y cherchant ce qui te fait trembler.
Ecoute derrière la pièce d’eau le passe-pied masqué et la grive qui l’espionne.
Martèle encore un peu l’image et tes yeux riront eux aussi.
Sur la grève pour Cythère on se hâte, mais s’il fallait rester ? Pour suivre d’un doigt
brûlant la courbe où au calendrier tu mêlas les feuilles pleines, les fruits ramassés,
les barques soudaines et nos bras délicieux.
La bourrasque promise fait sourire les fenêtres. Je t’offre nos épaules au vent,
caressant l’espace de gammes en serments. Je t’offre la croisée ouverte sur le mur
chaud où s’impriment, la veille en applique, l’appui de demain, l’impossible toujours.
∗∗∗
Mon garçon
A mes fils
Mon frêle et gracile.
Mon garçon
Mon petit miel qui rit
Ma lecture innée
Mon sommeil de moissons
Mes sillons résumés
Mon parasol en bonds.
Je fais le serment rose de faire se lever le soleil comme tu le veux : et tu tiendras ma
main.
Je fais le serment roux de ne jamais m’incliner en barrière : et tu lâcheras ma main.
Je veux être la mousse des forêts reculées, douce à ton pas curieux et nu de terreurs
résiduelles et puissantes.
Je veux être la brume qui s’étiole à la proue de tes départs, parfumant tes doutes de
la sève du retour entier.
Je veux être la jointure blanche de tes poings au haut des boulevards où d’autres
vont en pente, lorsqu’il faudra trouver la maille par où commencer.
Je veux être, aux soirs des solitudes qui ne manqueront pas, la paroi qui t’investit
d’un miroir prometteur.
Je veux être le filigrane dont tu disposes et que tu emportes partout.
Je veux que tu n’égares pas l’enfant lorsque sonne la fin des récréations ; que, les
pieds empêtrés dans le cartable du devoir, tu ravales les rages aux avenirs inutiles,
que tu tiennes le regard hors des grilles, visant demain et son corps de danseuse.
Je veux que tu arraches à l’aube qui enfante
La promesse de ton dû et ta consécration
Que tu forges ton été sans mesurer ton pas
Que ton envergure paisible résolve l’horizon.
Je veux que de tout cela tu me saches effacée.
∗∗∗
Pour ma fille
L’arpège continu des temps jusqu’ à toi
Lance sa main dans l’air
A l’heure sans hier
Juste l’ombre jeune au volet replié.
Il faut laisser entrer le soleil dans les maisons
Qu’il caresse les oiseaux posés là.
Tu sais, ou tu apprendras, sur ta tige penchée, que les hautbois des attentes
Vernis épuisants, marchent par gradins sur les mélancolies.
Tu en résumeras le seuil en un seul pas qui claque
Et cela sera : une guitare, son chemin
L’herbe aux lèvres et le sourire aux dents.
Epouse des pétales du vent
Tu ouvriras les vannes et les miroirs qui grondent
Tes cheveux orneront la nuit et l’orbe blanc
Sans frein ta courbe rejoindra le ruisseau grisé
Et tes cils en coulisse.
Affolée peut-être de tout ce qui ne viendra pas
Tu vibreras comme la corde au manche
Et tu calmeras le cœur, fléchette et trésor,
Qu’il laisse
La dernière note mourir.
∗∗∗
Rebours
La nuit ferme ses lèvres
Sur la coupe laissée par le dernier dormeur.
Par un piédestal dérobé nous fuyons son front
Les ères advenues
Celles qui ne commenceront pas.
Des étoiles jumelles crient à l’horizon
Se déclinent savantes
Bien que percées sur le calque des vœux.
Si la voûte signait
Nous nous rangerions aux couleurs qu’elle verse
Les feuillages enfleraient en un secret de fruits
Et sur les ponts la musique naîtrait
Comme l’honneur de l’aube au matin inédit.
Mais il faut peser l’illusion
Glisse la mécanique
Sans sonner se décale d’un cran
Ô partir mais où
Menteur, l’arrière-pays n’a gardé
Qu’une griffe seule accroupie et buvant
Le mince filet qu’on lui avait confié.
Cette sente mène aux racines maigres
Où l’homme raréfié
Grignote sa chaleur comme un biscuit de pirate.
Ni l’enclume ni la roue ne réclament leur dû.
La main qui se lance ne retombera pas.
Au cœur des antres, sous les vallées, gisent des lettres, en tas.