Ancrée en Bre­tagne, la revue Spered Gouez, fondée et ani­mée par Marie-Josée Christien, pub­lie son 30e numéro. Créée en 1991, cette revue poé­tique et lit­téraire (aux allures de véri­ta­ble livre) ne sort qu’une fois par an à l’occasion du Fes­ti­val du livre de Carhaix, organ­isé chaque année lors du dernier week-end du mois d’octobre. « Ce numéro annuel, souligne Marie-Josée Christien, est le pro­longe­ment naturel du tra­vail de pro­mo­tion du livre et de la lec­ture organ­isée autour du festival ».

« Atten­tion frag­ile ! » C’est le thème cen­tral du 30e numéro de la revue. Tout un sym­bole ! Sans doute pour sig­ni­fi­er, implicite­ment, la fragilité des revues de poésie, mais surtout pour « inviter à porter regard et atten­tion à la pré­car­ité de notre exis­tence indi­vidu­elle mais aus­si à la fragilité de l’humanité », note Marie-Josée Christien. Pas moins de trente auteurs ont « planché » sur ce thème de la fragilité en pro­posant leur regard per­son­nel.  « De temps en temps/esquisser un pas de danse/pour consolider/le frag­ile équilibre/qui me tient debout », écrit ain­si la poète Chan­tal Couliou. De son côté, Jean-Luc Le Cléac’h a recours au haïku pour l’exprimer : « Elles grelottent/sous la pluie et le vent/les feuilles du camelia blanc ».

Mais la revue Spered Gouez c’est aus­si un grand nom­bre de rubriques repris­es fidèle­ment dans chaque numéro : « Escale », « Mémoire », « Points de vue », « Chroniques sauvages » et aus­si entre­tiens avec des poètes sous le label « Tamm-Kreiz (référence au temps médi­an d’une gavotte). Dans ce numéro 30, la place belle est faite à Anne-José Lemon­nier, dont l’interview a été réal­isée sim­ple­ment quelques mois avant sa dis­pari­tion bru­tale au mois d’août dernier dans son jardin, à Saint-Nic à l’entrée de la presqu’île de Cro­zon (Fin­istère). A la ques­tion « A quoi asso­cies-tu la poésie ? » que lui posait Marie-Josée Christien, elle avait répon­du : « J’associe la poésie à la marche. Ce sont les deux valves du même cœur, les deux pieds du même corps, les deux yeux du même vis­age, l’émotion et la pen­sée en osmose vers une sagesse qui génère la paix intérieure ». Anne-José Lemon­nier venait de pub­li­er Le cap en octaves aux édi­tions Diabase.

Spered Gouez – L’esprit sauvage, N°30, octo­bre 2024, 142 pages, 16 euros, illus­tra­tions en cou­ver­ture et intérieur : Lau­rent Noël. La revue peut être com­mandée à l’adresse suiv­ante : spered.gouez@orange.fr

Dans la rubrique « Mémoire », on retien­dra la présen­ta­tion par Ronan Nédélec de l’œuvre inté­grale du poète, écrivain et pein­tre Yves Elléouët (1932–1975) qu’il pré­face et annote dans une série de sept ouvrages à paraître aux édi­tions La Part Com­mune. De son côté, le poète Louis Bertholom pro­pose, dans la rubrique « Escale », une inter­view de Roger West, poète écos­sais et per­former punk qui vit actuelle­ment dans l’Hérault. Quuant à Yan­nick Pel­leti­er, c’est la fig­ure de Max Jacob qu’il évoque sous le titre « Le Bre­ton errant ».

La revue four­mille enfin de notes de lec­ture, prin­ci­pale­ment sur des livres de poésie. Mais pas seule­ment puisque, dans ce numéro 30, trois auteurs pro­posent leur regard croisé sur le dernier roman de Marie Sizun, inti­t­ulé 10, Vil­la Gagliar­di­ni(Arléa). Marie-Josée Christien s’attache aus­si à faire état, comme elle s’y emploie dans chaque numéro, du con­tenu de plusieurs revues de poésie. Dans l’édito de ce numéro 30, elle évoque les « pas­sages de flam­beaux » dans le monde de l’édition ou les revues de poésie « qui risquent de s’éteindre s’ils ne sont pas trans­mis à la généra­tion suiv­ante », notant avec justesse « qu’il y a davan­tage de ces­sa­tions d’activité pour des raisons économiques qu’en rai­son de l’âge de leurs respon­s­ables ». La revue Spered Gouez, elle, con­tin­ue son petit bon­homme de chemin.

image_pdfimage_print
mm

Pierre Tanguy

Pierre Tan­guy est orig­i­naire de Lesn­even dans le Nord-Fin­istère. Ecrivain et jour­nal­iste, il partage sa vie entre Quim­per et Rennes. En 2012, il a obtenu, pour l’ensemble de son œuvre, le prix de poésie attribué par l’Académie lit­téraire de Bre­tagne et des Pays de la Loire. Ses recueils ont, pour la plu­part, été pub­liés aux édi­tions ren­nais­es La Part com­mune. Citons notam­ment “Haïku du chemin en Bre­tagne intérieure” (2002, réédi­tion 2008), “Let­tre à une moni­ale” (2005), “Que la terre te soit légère” (2008), “Fou de Marie” (2009). Dernière paru­tion : “Les heures lentes” (2012), Silence hôpi­tal, Edi­tions La Part com­mune (2017). Ter­res natales (La Part Com­mune, 2022) Voir la fiche d’auteur