Hugo Mujica, En un fleuve toutes les pluies

Par |2025-01-06T16:08:18+01:00 6 janvier 2025|Catégories : Critiques, Hugo Mujica|

Il est des œuvres qu’on se doit d’aborder avec la plus grande humil­ité, des œuvres qui intimi­dent. « Vouloir com­pren­dre, c’est vouloir réduire l’autre à soi-même » dit Hugo Muji­ca, com­ment enten­dre tout en lais­sant « ouvert » le sens ? Comme il est dit, en qua­trième de cou­ver­ture, « Avec Hugo Muji­ca, le poète ne par­le plus. Il écoute avec les mots. »

Il y a des mots

                   qui sont le silence

                                   de ce qu’eux-mêmes

                            dis­ent

                                                             ils dis­ent racine,

                                                                                non feuil­lage. 

Hugo Muji­ca, En un fleuve toutes les pluies,  traduit de l’espagnol (Argen­tine) par Gaë­tane Muller-Vasseur et Audo­maro Hidal­go édi­tions Phloème ISBN 9791096199 55 6, 15 euros.

Le poète nous prévient dès le tout début de son recueil :

                                   Ce n’est pour nommer

                                                         ce qui se tait dans la vie,

                                                                           c’est pour l’écouter

                                                                     que j’écris. 

C’est qu’il est lui-même d’une grande humil­ité et d’une grande exac­ti­tude dans ses mots.

 Manque-t-il quelque chose au silence

quand le fleuve ne le

chante pas ? 

 

La mise en espace du recueil sem­ble déjà nous mon­tr­er la voie, les poèmes se déploient sur le dernier tiers des pages : lais­sant tout le haut de celles-ci blanc et silen­cieux, ils sem­blent issus du silence, de la médi­ta­tion, de la con­tem­pla­tion, de la lenteur. Chaque vers, en escalier, sem­ble descen­dre du précédent.

Et pour­tant, très cer­taine­ment, cette poésie affirme, refuse, dit « oui » ou « non ». Les maximes sont para­doxales mais restent des maximes, c’est que Hugo Muji­ca préfère la con­tra­dic­tion à l’harmonie. L’harmonie endort quand la con­tra­dic­tion réveille.

L’oiseau vole

           parce qu’il est ses ailes

                     non parce qu’il sait

                     qu’il en possède :

                                     cha­cun parvient à soi-même

                                                    quand il est de soi-même

                                                l’oubli.

Une poésie tout entre « une déchirure : l’humain » et « la pal­pi­ta­tion du sacré. » Une expéri­ence poé­tique majeure.

Présentation de l’auteur

Hugo Mujica

Hugo Muji­ca (Avel­lane­da, Argen­tine, 1942) est l’un des poètes les plus impor­tants de la langue espag­nole. En 1967, il voy­age aux États-Unis, où il a vécu quelques années. Il a par­ticipé à l’aventure artis­tique de Green­wich Vil­lage à New York, où il s’initiera à la philoso­phie et à la pein­ture. Après sa ren­con­tre avec Allen Gins­berg et le guru et yogi Swa­mi Satchi­danan­da, il décide de faire voeu de silence pen­dant sept ans dans un monastère trap­piste, près de Boston. Sa vision du monde est un croise­ment entre poésie, philoso­phie, anthro­polo­gie et théologie.

Bibliographie

Poésie

  • Brasa blan­ca, Sitio del Silen­cio (1983)
  • Sonata de vio­lon­cel­lo y lilas, Sitio del Silen­cio (1984)
    Existe en ver­sion élec­tron­ique (ed. Nos­tro­mo, Buenos Aires, 2003)
  • Respon­so­ri­ales, Imag­inero (1986)
    Pro­logue d’Hum­ber­to Días Casanue­va, prix nation­al de lit­téra­ture chilien.
  • Escrito en un refle­jo, Car­los Lohlé (1987)
  • Paraí­so vacío, Tro­quel-Esta­­ciones (1993)
  • Para alber­gar una ausen­cia, Pre-tex­­tos (Espagne, 1995)
  • Noche abier­ta, Pre-tex­­tos (Espagne, 1999 ; 3 éditions)
  • Sed aden­tro, Pre-tex­­tos (Espagne, 2001)
  • Casi en silen­cio, Pre-tex­­tos (Espagne, 2004)
  • What the embrace embraces / Lo que el abra­zo abar­ca, Coim­bra (San Fran­cis­co, États-Unis, 2008)
    Édi­tions spé­ciale bilingue anglo-espag­nole ; trad. à l’anglais de Joan Lindgren.
  • Cuan­do todo calla, Visor (Espagne, 2013)
  • Y siem­pre después el vien­to, Visor (Espagne, 2011)
    Trad. en français de Rodolphe Lar­rain et Annie Salager, Vent dans le vent, Voix Vives en Méditer­ranée, éd. Al Man­ar, 2014
  • Bar­ro de sed par­tido, Visor (Espagne, 2016)

Essais

  • Camino del nom­bre, Patria Grande (1985)
  • Ori­gen y des­ti­no. De la memo­ria del poeta pre­socráti­co a la esper­an­za del poeta en la obra de Hei­deg­ger, Car­los Lohlé (1987)
  • Camino de la pal­abra, Pauli­nas (1989)
  • Kyrie elei­son, Tro­quel-Esta­­ciones (1991 ; 4 éditions)
  • Kéno­sis, Tro­quel-Esta­­ciones (1992 ; 2 éditions)
  • La Pal­abra ini­cial. La mitología del poeta en la obra de Hei­deg­ger, Trot­ta (Espagne, 1996 ; 6 éditions)
  • Flecha en la niebla. Iden­ti­dad, pal­abra y hen­didu­ra, Trot­ta (Espagne, 1997 ; 3 éditions)
  • Poéti­cas del vacío, Trot­ta (Espagne, 2002 ; 4 éditions)
  • Lo naciente. Pen­san­do el acto creador, Pre-tex­­tos (Espagne, 2007)
  • La Casa, y otros ensayos, Vaso Roto (Mex­i­­co-Barcelone, 2008)
  • La Pasión según Georg Trakl. Poesía y expiación, Trot­ta (Espagne, 2009)
  • Frag­men­tos de la creación, Monte Carme­lo (Mex­ique, 2010)
  • El saber del no saberse. Desier­to, Cábala, el no-ser y la creación, Trot­ta (Espagne, 2014)
  • Dion­iso. Eros creador y mís­ti­ca pagana, Ed. El hilo de Ari­ad­na (Argen­tine, 2016)
  • La carne y el már­mol. Fran­cis Bacon y el arte griego, Ed. Vaso Roto (Mex­ique-Espagne, 2018)

Contes

  • Solemne y mesura­do, Losa­da (1990)Pro­logue d’Ernesto Sábato.
  • Bajo toda la llu­via del mun­do, Seix Bar­ral (2008 ; 2 éditions)

Anthologies

  • Poesía com­ple­ta 1983–2004, Seix Bar­ral (2005 ; 5 édi­tions ; poésie)
  • Más hon­do, Vaso Roto (Mex­i­­co-Barcelone, 2009 ; poésie)
  • Frag­men­tos de la creación, Monte Carme­lo (Mex­ique, 2010 ; essais)
  • Del crear y lo crea­do, 3 vol., Vaso Roto ed. (Mex­ique-Espagne, 2013 ; poésie, essais, contes)

Textes pour œuvres musicales

  • Poe­mas de Hugo Muji­ca. Para sopra­no, con­tral­to, tenor y tríos de cuer­das, Fabi­an Panisel­lo (Espagne, 1992)
  • Con­certi­no, Fabián Panisel­lo (Espagne, 1993)
  • Paraí­so vacío. 6 Paisajes musi­cales sobre poe­mas de Hugo Muji­ca, Pedro Aznar (Argen­tine, 1993)
  • Vision du « Par­adis vide », Daniel Hugo Sprintz (France, 1996)
  • Azot, Para recitante, coro, 9 músi­cos y elec­troacús­ti­ca, Daniel Hugo Sprintz (Espagne, 1996)
  • Noches aden­tro. 3 can­ciones para voz y piano, Daniel Hugo Sprintz (Espagne, 2000)
  • Nadie. Voz y elec­tróni­ca, Daniel Hugo Sprintz (Espagne, 2011)
  • Nuit aveu­gle. Opéra de cham­bre, San­ti­a­go Diez Fish­er (France, 2013)

Poèmes choi­sis

Autres lec­tures

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Alain Nouvel

1998, pre­mier recueil de poèmes : Trois noms her­maph­ro­dites, puis deux nou­velles : Octave Lamiel, dépuceleur suivi de Edouard et Alfred au val de l’eau. En 1999, suiv­ent His­toires d’ISLES, Con­tre-Voix, Mots ani­més recueil d’aphorismes, et, en 2000, Maux ani­maux, recueil de six nou­velles, aux édi­tions « L’Instant per­pétuel ». En 2001, pub­li­ca­tion aux édi­tions « La Chimère » créées pour l’occasion de D’Etrangère, puis Dames des trois douleurs en 2004, Vari­a­tions sur une femme don­née, et reprise en 2005, Con­tre-voies en 2008 et Nou­velles d’Eurasie en 2009. En 2014, il com­pose avec sa com­pagne des chan­sons qu’ils inter­prè­tent tous deux. Maud Leroy des « Édi­tions des Lisières », pub­lie Au nom du Nord, du Sud, de l’Est et de l’Ouest, un recueil de sept nou­velles sur les Baron­nies provençales où il vit désor­mais. Une suite à ces sept nou­velles voit ensuite le jour avec pour titre Anton. Sur les bor­ds de l’Empire du milieu (texte sur la Chine où A. Nou­v­el a vécu qua­tre ans, de 1981 à 1985, longtemps resté inédit mais dont cer­tains extraits étaient parus dans la revue « Corps écrit », numéro 25, de mars 1988 : Vues de Chine), paraît pour la fête du Print­emps 2021. Les deux ouvrages aux édi­tions « La Chimère ». Il col­la­bore régulière­ment, désor­mais, à la revue « Recours au poème ». En 2020, les édi­tions « La Cen­tau­rée » à Rennes, ont pub­lié un pre­mier recueil : Pas de rampe à la nuit ? suivi, en 2021 de Comme un chant d’oubliée.

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