je l ’imagine solitaire 1philosophe et poète grec du Ve siècle avant J.C. Né et mort en Sicile.
pieds sur le sable nus
écouter battre l’ouïe des fonds
je l’imagine se signer d’un doigt
aux mouettes, aux lèvres denses du ciel
observant l’aurore
Levant d’écailles merveilles
en alchimiste d’avant même
l’alchimie des vents
lui l’inspiré d’un bonheur
sans compagne
ni horizon
mais pouvait-il savoir
avant de plonger dans la gueule
de l’Etna
pouvait-il imaginer
pressentir même
qu’en deux millénaires d’instant
des désespérés
brûleurs de mer
consumant leur passé
oseraient affronter l’inconnu terrible des détroits
que Lui connaissait si bien
sur de dérisoires esquifs
à en laisser la mémoire de la mer aussi muette
que lave de volcan mal éteint
aujourd’hui
n’aurait-il pas souci
que l’inattendue voracité
d’un moineau
pour d’illusoires miettes
(celles-là mêmes qui servent d’assise
aux plus vieux oliviers de nos ombres)
n’arriverait même pas à émouvoir
la plus minime parcelle
des îles, des plages
souillées de gas-oil
et contrebandes inavouables
en deçà de Messine dit-il
je ne suis qu’Asie qu’Afrique
en leur détroit
bandant l’air qui me reste
enfilant un voile de souffre
fait de vagissement
de gémissement
et vertigineux ululement
des femmes
il aurait aussi pu dire
que les fonds des mers
des plus légers
aux plus lourdement dallés
semblent parfois
mais parfois seulement onduler
nuage au mascara
que la chance d’être ailleurs
ne recommencera plus l’être
ici
qu’un cri qui va se taisant
est vent dans sa nuit
que jamais la complaisance à l’obscur
ne permet à l’œuf cru
de gober son écume
et murmurer
on frôle le mensonge
à chaque ongle du kalame
même si l’on continue à broyer
peau de cette vérité entre les dents
*
flagelle-toi d’air
en attendant de t’asperger
de cendres
fragments épars
mon destin est d’être une pierre
espoir de trop quand l’espoir rase
semelle de sa poussière
*
la pitié de moi-même
est un souffle sourd qui va
tonnant l’inconnu
*
fils de l’anonyme
l’aède n’est que mer
en flux
enfermé pensée
dans sa conque percée
d’un fil d’aube
un détroit sans lune
un disjoncteur non fiable
sous un figuier vert
monte un chant de cigales
brûlure d’une âme
qui s’en va feuille à feuille
la Méditerranée est cette insolation
d’ ombres et d’ hospitalité dans la douleur
que nos yeux sommeillent
et sommeilleront longtemps
au cou d’une étoile
elle
énigme première et dernière
aux lèvres de l’aveugle
elle
filant feuillage au ciel
pour le plaisir des hirondelles
elle
mer cirrus que la langue
seule entend
Présentation de l’auteur
Notes