C’est toujours avec un vague malaise, un peu superstitieux peut-être, que je lis les autobiographies : leur auteur s’y dévoile comme à la fin d’une vie, présentant un bilan qu’il assortit généralement d’un occulte plaidoyer pro-domo. Cependant, lorsque le témoignage se développe autour d’un thème particulier (ici littérature et poésie) et plaide avec franchise pour l’exposé du lent processus d’évolution d’une passion créatrice, telle que celle du poète et traducteur Jacques Ancet pour la poésie, j’avoue que la curiosité l’emporte. Jacques Ancet dans ce livre décrit et résume un trajet d’écrivain depuis son origine jusqu’au présent, avec le charme des mémoires ; de surcroît pour un lecteur extérieur, il nous initie avec simplicité au cheminement d’un talent créateur, à travers les livres et les circonstances qui ont accompagné sa maturation. L’intérêt du livre est qu’il semble ne rien esquiver des joies et des déboires du poète en cours de conquête de son espace poétique. Les illusions et les désillusions, les problèmes théoriques ou pratiques qu’il se pose, de la conception de la littérature et de la poésie qu’il se forge, jusqu’à la résolution du difficile problème pour un poète nouveau (surtout) de trouver éditeur. Ce processus vital est l’occasion de diverses méditations, en passant, qui entremêlent la vie et la réflexion sur la vie, les livres et la réflexion sur les auteurs et les influences. De sorte que chaque page de ce regard en arrière nourrit aussi de ses surprises la méditation du lecteur toujours avide, comme moi, de connaître par où passent les germes de la création chez un artiste, poète ou musicien, et d’observer quelle sorte de cheminement les développe et les accomplit après toutes sortes de méandres labyrinthiques ! Il faut sans doute une certaine force intérieure pour consentir à exposer les ramifications intimes qui ont abouti à l’oeuvre riche et diverse dont Jacques Ancet peut exciper aujourd’hui. S’il ne fallait ici témoigner de cette richesse que par une seule citation, je choisirais ce passage-ci qui me semble d’une justesse, — euh, comment dire ? — irrémédiable ! Le voici, extrait de la page 71 : « […] Parler – écrire -, ce serait faire résonner le monde, en tirer une certaine résonance. Notre rapport au monde étant de part en part médiatisé, constitué, même, par le langage, toute parole véritable, parce qu’elle est une parole à l’état naissant, engendre d’une certaine façon un monde qui, lui-aussi, nous apparaît à l’état naissant. La poésie serait donc une parole qui suscite un monde. […] » Il me semble qu’une autobiographie littéraire qui nous amène avec une telle simplicité à des idées aussi inspirantes, mérite tout à fait d’intéresser au premier chef tous les amis obstinés de la poésie et de la littérature.
Pour se procurer ce livre :
http://editions-centrifuges.blogspot.fr/2015/06/jacques-ancet-et-andre-pierre-arnal-les.html
Pour se procurer Petite suite pour jours obscurs, récent recueil de Jacques Ancet édité chez Recours au Poème éditeurs :
http://www.recoursaupoemeediteurs.com/contemporains/petite-suite-pour-jours-obscurs
Pour se procurer les deux derniers livres parus ou réédités de Xavier Bordes :
Le Sans Père à Plume, recueil.
http://www.recoursaupoemeediteurs.com/premiers-poemes/le-sans-pre-plume
et
Un poète et le monde, entretiens
http://www.recoursaupoemeediteurs.com/essais/un-pote-et-le-monde
- La poésie à vivre – Édition de jean-Pierre Siméon - 21 juin 2023
- Jean-Pierre Siméon, La flaque qui brille au retrait de la mer, suivi de Matière à réflexion - 21 mai 2023
- Paul Mathieu, D’abord un peu de jour - 5 février 2023
- Olivier Barbarant, Séculaires, Poèmes - 21 octobre 2022
- Zéno Bianu, L’Éloge du Bleu - 6 novembre 2020
- Paul Valet, La parole qui me porte et autres - 19 septembre 2020
- Luis De GÓNGORA, Fable de Polyphème et Galatée - 6 juillet 2019
- Marilyne BERTONCINI, Mémoire vive des replis, Sable - 4 juin 2019
- Aragon, La Grande Gaieté, suivi de Tout ne finit pas par des chansons, Michel Dunand, Au fil du labyrinthe ensoleillé - 4 juin 2019
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