TEMPÊTE
Comment pouvions-nous voir
dans le chant de l’alouette
Dans le versant des tilleuls
dans l’invitation des plaines
Dans le pacte secret des abeilles
comment pouvions-nous croire
Que se chargeaient au loin
les crues sauvages du lierre
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Ses filles impatientes
encerclaient la vallée
Le ciel dispersait
les pluies noires du sursis
Nous l’aperçûmes enfin
dans la réflexion de l’alliage
Elle lançait depuis l’aube
des sillons affamés de désert
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Elle était masque
elle était pesanteur
Elle était arche
sous le sable des terres
Elle était colline
dans le cri des loups
Elle était tempête
elle dansait sa violence
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Assoiffée de matière
déchirée de nuages
Accusant l’horizon
de l’avoir soudain fait chair
Elle enseignait aux êtres
la dissidence du vide
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Nous avons laissé aux courants
nos charges de lumière
Tournant en grappes déliées
dans le cadran des roches
Nous invoquions l’aigle
aux serres fermées du jour
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La tempête au dehors
emportait nos alliées
Prostrées sous une vire amie
à l’ombre des disparues
Nous attendions le silence
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La route était lourde
jonchée d’arbres couchés
Morts et avec eux
nos sœurs
Comme une soie
brumeuse
De tristesse
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DÉSERT
À leurs visages
à leurs voix révoquées
À leurs mains vides
à leurs corps évadés
Qu’opposer
que répondre qu’élever
Sinon l’étoile
acharnée de la marche
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Nous n’avons pas vu
sous la menace des saules
Dans le repli des fougères
ni même aux jonctions
Des terres ocres et brunes
qu’au premier olivier
Qu’à la première dune
nous nous enfoncions dans le désert
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D’autres sont parties
vingt peut-être trente
Elles ont laissé vides
leurs foulards leurs tentes
Leurs habits nus
alignés sous l’auvent
Nous ne les avons pas suivies
nous ne les avons pas cherchées
Le mouvement des sables
recouvrait leur trace
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Combien étions-nous
solitudes brûlées
Peintures sèches
racines orpaillées de soif
Étendues dans l’ombre
des cartes oubliées
Nous l’appelions
nous l’appelions encore
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La main chaude
de l’absence
M’appela au rebord
des plaintes des falaises
J’ai jeté au vent
les carnets de la marche
Sans la nommer
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On l’ouvrait pour sentir
le bruit de la nuit
On lui volait
son silence
Elle le reprit
et finit d’exister
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Tout ce temps passé
à ne regarder que l’aube
Temps d’érosions sourdes
et de colères entredites
Orages adossés à nos
arbres éventrés de prières
Nous nous retrouverons
au banc des insoumises
Dans le refrain des mers
à l’avenir du monde