rive éteinte
un soir lent comme une eau qui s’étale – ou l’odeur de l’humus (pas fragiles, feuilles mortes et humides, et des mots trop faciles) – ; quand tout le ciel dégorge, des étoiles surnagent et les branches de l’arbre
la fenêtre est dans le dos tout autour je suis bien la pénombre, la table, la carafe et la lampe. non je ne me retournerai pas malgré les branches et les étoiles ; mais sur le bois je n’étendrai pas la main, je ne saisirai pas l’eau ni ne viderai la carafe, non je ne tendrai pas la main vers le cercle de la lampe
j’attendrai, rive éteinte, le sommeil ou le jour
page blanche
malgré la nuit sur le ciel (page blanche), la côte déchiquetée comme une prose à voix blanche ; les étranglements de la berge, les fêlures de ta voix, goulets ou passes pour le port
tourne et puis passe de phare en phare la lumière ; puis c’est la ligne rouge d’une auto qui s’allonge, ou bien des feux fxes – réverbères, suspensions — qui s’étirent en tremblant dans les eaux
dans le ciel et ta voix qui s’étrangle, tourne de phrase en phrase la lumière et puis passe
la lumière plus bas
le ciel qui refue la mer et toi-même
le jour baisse le front et s’applique à la crête — avant que les arbres n’agrafent la nuit, ne suturent le ciel — quand midi était plein de hauteur et bien rude à fermer nos yeux et la montagne.
puis ce sont d’autres formes, et puis d’autres couleurs — la lumière du soir est plus douce à nos yeux et nos peaux.
Le jour penche le front et travaille à la bonne hauteur ; couturière qui déploie et reploie les étoffes de la roche :
la lumière plus basse
et c’est l’oeil qui s’accroit
les splendeurs de la pierre
poings fermés
le jour qui s’assoit franchement à midi ferme la fenêtre et la bouche, ferme l’oeil, ne pas boire
l’aurore aux doigts de rose, disiez-vous, mais midi est un poing, un bouton de pivoine sous la langue
plus besoin de fermer l’oeil et les poings s’ouvriront, la pivoine du ciel buissonnera et ta bouche, si vient le soir
vienne la nuit, longues gorgées, ne pas dormir
tout bas la mer
le jour tout bas, pas à pas la lumière, les étoiles ou le sable. enfoncer, ton pas mon pas et le bruit de la mer
ce n’est pas le soleil, ce n’est pas la fumée – fermer les yeux -, mais c’est tout bas le coeur qui abaisse sa paupière et qui bat sous le sel
sur le ciel le flet sans défaut, le poisson qu’on a pris, et si le souffe se fait court, ce n’est plus d’avoir trop peiné ni nagé
assis derrière les vagues, je sais bien qui tu es, qui me parles tout bas, ne vois pas ton visage ; ton épaule mon épaule et le joug de ton bras